XXVI. « 𝐽𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑠 𝑓𝑖𝑒𝑟 𝑑𝑒 𝑡𝑜𝑖. »

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XXVI

« Oh, mandrins et tourillons » balbutia Rivière.

« J'aurais pas dit mieux » fit Seamus.

« Dans cinq ans environ, vous recevrez un appel au secours, » cracha l'autre depuis ses ombres. « Que faire ? Vous vous êtes sauvés vous-mêmes. Sans Jackalan et Samuel, vous seriez morts gelés. Et vous devrez y aller...ne serait-ce que pour vous faire vivre un peu plus longtemps. »

Il se tendit soudain, comme frappé de douleur.

« Même en sachant que ce voyage sera l'occasion de bien pire » souffla-t-il.

« Seamus, écoute » plaida Rivière en désespoir de cause. « Ça n'existe pas, le destin...

— C'est un piège que vous vous êtes tendu à vous-mêmes ! » hurla soudain l'autre, au bord des larmes. « Tout ça pour courir vers le passé ! Mille fois, mille fois je regrette ce jour où Abe en venu me chercher chez les mages, ce jour où ma mère a disparu, ce jour où nous sommes partis à sa recherche...quelle gâchis. »

Il sanglotait doucement.

« Vous avez vu ce que je suis devenu ? » souffla-t-il d'une voix brisée. « Même les fantômes qui me tourmentent ont pitié de moi...

— C'est dans la tempête que tu m'as perdu » lâcha Rivière, faiblement.

L'autre hocha la tête dans un frémissement.

« Dans cette tempête maudite. Je ne m'en suis sorti que miraculeusement. Ce n'est que...mais c'est une autre histoire... »

Derrière, les six compagnons échangèrent un regard. L'air avait une lourdeur de larme.

« Et maintenant, c'est fini » ricana nerveusement l'autre en se redressant. « Maintenant, tout est comme avant. À jamais. »

Rivière pâlit. Il n'avait plus qu'un atout dans sa manche, et ça ne sentait pas très bon.

Il se jeta corps et âme dans son dernier espoir.

« Attends ! » s'exclama-t-il. Il devait rester maître de lui-même. Ne pas trembler... « Comment as-tu fait pour envoyer tous ces messages ? Tu as usé plusieurs fois du chrononef. Mais la pièce principale de l'appareil — tu sais bien de quoi je parle — a été détruite dans l'explosion, — il y a des années de ça, de ton point de vue. C'était impossible. Trop dangereux. Jamais tu ne m'aurais fait traverser un portail généré par un chrononef sans la pièce. Je te l'ai dit, c'est possible, mais trop instable et effroyablement risqué...et tu ne m'aurais pas fait courir ce risque, n'est-ce pas ? »

L'autre eut un petit rire d'instituteur qui vient de tomber sur plus malin que lui.

« Excellente question, Vilebrequin. Oui, les portails que je vous ai envoyés — à vous, dans l'horloge, et à vos versions futures Jackalan et Samuel — ont bien été générés par un chrononef équipé d'une pièce. Et je ne souhaite à personne de tenter l'aventure avec un appareil sans pièce. Tu m'avais pourtant prévenu que ce n'était pas à risquer — mais je savais que j'y survivrais. Paradoxe temporel, hum ? J'ai en effet tenté l'aventure. Et,...oh, maëlbran — ça m'a peut-être rendu encore plus fou ?

— Quelqu'un peut m'expliquer... » commença Seamus.

« Vous allez tenter de reconstruire le chrononef, dans quelques années » lança l'autre en se tournant vers lui, encore frémissant. « Un appareil qui fonctionne de façon extrêmement instable, puisqu'il lui manque en effet la pièce principale. Mais qui marche malgré tout...quoique, croyez-moi, vous n'avez pas envie d'essayer. Trop dangereux, l'appareil restera à l'abandon un certain temps. Mais j'étais prêt à courir le risque... »

LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant