VIII. Réflexions

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VIII

Rivière, le regard assommé, avait la main posé dans l'anse de son mug de chocolat chaud. Seamus n'était pas mieux, mais il aimait mieux le café.

Didier joignit les pattes au-dessus de sa propre tasse.

Seamus commençait à en avoir marre. Oké, un truc avait explosé. Est-ce qu'il aurait mieux fait de ne pas descendre dans le ravin ? De toute façon, vu comment c'était parti, ça lui aurait pété au nez n'importe comment. Il en avait marre du temps, marre des paradoxes temporels, marre des sous-entendus pénibles, et surtout marre qu'on joue avec ses nerfs.

Rivière sursauta quand le jeune mage abattit un poing sur la table.

« Super. Bon, maintenant, j'aimerais vraiment que tout le monde crache le morceau. S'il y a la moindre histoire de grand-père qui s'est étouffé avec la tarte aux abricots faite par son petit-fils pas encore né et a fait plus ou moins lâcher la rambarde à la trame temporelle, j'aimerais vraiment qu'on crève l'abcès. On pleurera un coup puis après, marre. C'est compris ? »

Rivière, un peu hésitant, lui tapota l'épaule pour le faire rasseoir. Le jeune mage marmonna quelque chose comme un "mgrmgnmenfinquandmême", qui devait s'adresser à l'univers entier mais ne profita qu'à son mug. Lourdement, il se laissa retomber sur sa chaise.

« Je comprends tout à fait ton état d'esprit, » le rasséréna Didier. « Seulement, vois-tu, on ne sait pas vraiment si cette histoire de grand-père étouffé à la tarte aux abricots s'est vraiment déjà passée. Et peut-être que si je te l'explique, elle se passera effectivement. Je ne sais pas si je m'exprime clairement. »

Seamus se rencogna dans sa chaise bras croisés, en boudant.

« J'en ai marre des paradoxes temporels, » grommela-t-il.

« Bon. » Rivière reprit visiblement les choses en main, en se penchant en avant, mug entre les doigts. « Attendez une seconde. Avant toutes choses, pourquoi est-ce qu'on parle de paradoxes temporels ? Quelqu'un a vu un paradoxe temporel ? Moi, je ne vois que monsieur Didier en pleine forme. Et...et une phrase mystérieuse. Qui laisse sérieusement...entendre que... »

Il referma la bouche, jeta un coup d'œil à Seamus, puis à Didier, et recula lentement sur sa chaise d'un air contrit.

« Excusez-moi d'avoir posé la question » laissa-t-il tomber.

« Bon. Vilebrequin a raison. On a voyagé dans le temps, ou pas ? » lança Seamus.

« Si ce n'est pas le cas, je ne vois pas comment vous vous êtes débrouillés, » avoua Didier en se grattant la nuque. « Vous êtes...plus jeunes. Et à deux endroits différents. En deux versions temporelles. Croyez-moi, je sais de quoi je parle. Et avec le chrononef...

— Non, mais pour ça, c'est bon, » le coupa Seamus. « Sauf que là tu es plus vieux donc dans une version du futur par-rapport à nous et on a croisé ma mère il y a pas deux heures et elle était vivante donc probablement dans le passé par-rapport à toi et nous aussi d'ailleurs ce qui nous ramène à une autre époque parce qu'on ne peut pas être dans notre futur et notre passé en même pas rapport à la date de départ bien sûr et de toute façon j'ai jamais vu Mathusalem aussi propre et il y a une incohérence temporelle et je vois pas comment est-ce qu'on a pu faire ça sans voyager, par-rapport à ton présent qui en fait est notre date repère de présent mais est aussi pour toi ton passé pour ta version mais pas pour celle qu'on a laissée dans le passé. J'ai bon ? »

Il y eut un silence ahuri. Seamus réfléchit une seconde.

« Laissez-moi faire un petit brainstorming intérieur et je vous rends tout ça au propre dans une heure ou deux, » lâcha-t-il.

LA THÉORIE DU CHAOS - premier axe : 𝓁ℯ𝓈  𝒸𝒽𝓇ℴ𝓃ℴ𝓃𝒶𝓊𝓉ℯ𝓈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant