Problème

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La ceinture me plaquait contre le siège.
Il allait vite.
Beaucoup trop vite.

- Ralentis Roy's.
Il ne dévia pas son regard de la route.
- Tu nous a mis en retard, t'as mis dix minutes de plus à sortir.
- Mais on va où ? dis-je confuse.
- Regarde dans mon téléphone.
Son téléphone.

J'attrapais son téléphone posé sur l'airbag et remarquais le code.
- 231996. dit-il sans me lancer un regard.
Je tapais le numéros et le téléphone s'ouvrit immédiatement.
Je me dirigeais dans l'application "calendrier" et tombais sur l'événement du jour.
Une vente aux enchères.

- Tu veux que je t'accompagne ?
- Oui Elisa, je veux que tu m'accompagnes.
Mais à quoi j'allais servir concrètement ?
- La soirée se déroule en deux étapes, d'abord on a les ventes, les revenus seront versés à une soit disant association caritative. Mais évidemment, tout le fric ira tout droit dans ses poches.
Précise, je sais pas de qui tu parles moi.

- Ensuite, on boira des cocktails et on jouera au poker. C'est une charmante petite fête organisée par l'un de mes coffres.
Il appelait "ses coffres" les personnes dépensant des mille et des cents pour ses affaires en lui livrant une confiance aveugle.
- Où se déroule la vente ?
- Au Mexique.
Je blêmis.
- Tu déconnes ?
- C'est pour ça qu'on a pas tout ton temps Johnson. Le jet décolle dans moins de 20 minutes, ta robe sera dedans.

Je plongeais mes yeux dans le vide en tentant de chasser les souvenirs enfouis remontant en bande dans mon crâne.
Je détestais le Mexique.
Mon ancien chez moi.
Le début de tout.

Arrivée devant le jet, je sortis de la voiture et mes pieds me guidèrent immédiatement jusqu'à mon siège sur lequel je m'écrasais, alourdie par mon propre corps hanté de beaucoup trop de choses.
Je n'étais que l'ombre de moi-même.

- Elisa, ta robe est là-bas, pas ici, dit-il d'un ton moqueur.
- Ca va, on a douze heures de vol.
Il fronça les sourcils, perplexe.
- T'es déjà allée là-bas ?
- J'ai déjà vécu là-bas.
L'info m'échappa, elle sortit toute seule et immédiatement une vague de regret m'envahît.
Il se laissa tomber sur le fauteuil à côté de moi en s'allumant une énième clope.
- T'as beaucoup déménagé toi.
Oh et puis merde.
- Pas mal, oui. Je suis née au Mexique, j'y ai vécu jusqu'à peu près mes 15 ans. J'ai ensuite déménagé en Italie et puis j'ai redéménagé un an plus tard là où j'habite maintenant. Le boulot de ma mère nous fait beaucoup bouger.
Menteuse.

Il tira une latte sur sa clope.
- Passe-moi mon téléphone.
Il était resté dans ma main depuis tout à l'heure ?
Je lui passais, un sourire gêné aux lèvres, auquel repondit par un sourire amusé.
Sûrement amusé de me voir paniquer pour si peu. Mais je ne paniquais pas pour son téléphone, c'était bien plus profond.
Je paniquais qu'il découvre bien plus profond que ce que je pensais être les abysses de mon foutu passé. C'était fou à quel point mon cerveau m'avait fait oublier en ne se concentrant que sur une période de ma vie merdique.
Quel beau tableau, une jolie petite fille junkie, abandonnée par son papa, enchaînant les dépendances affectives, recherchée par tous les cartels de l'Italie et tant d'autres casseroles traînant derrière les chevilles.
Picasso n'aurait pas pu faire mieux.

Je posais ma tête contre l'appui-tête prévu à cet effet sur mon siège en cuir, avant de lui voler sa cigarette et d'à mon tour noircir mes poumons de cette subsantance toxique.
Il posa sa main sur ma cuisse tout en paniotant sur son téléphone.
Je lui jetais un regard, il ne me le rendit pas.
Il ne me les rendait jamais.
- J'ai un truc pour toi, dit-il se levant tout en appuyant au passage sur ma cuisse.
Il ouvrit un placard et en sortit une boîte blanche qu'il me donna.
Un téléphone.
- Elle se cache où cette fois la puce ?
Un petit sourire narquois s'étendît sur ses lèvres.
- Il te plaît ?
- Evidemment, merci, lui dis-je avec un mince sourire.

born to dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant