Fuite

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Je viens de sauter.
Mes membres s'écrasent sur la route quelques mètre plus bas.
Tout mon corps roule, roule, et roule encore jusqu'à s'arrêter dans le fossé délimitant la route du champ.

J'ai très mal.
Mes bras sont éraflés de partout à cause des déchirures de mon col roulé pas bien épais.
Les trous à mes genoux laissent couler un peu de sang noircissant mon jean déjà sombre.

Je m'appuie sur mes bras pour tenter de me relever mais je m'écrase aussitôt dans la boue.
Je me retourne pour observer le ciel et tenter de regorger mes poumons d'air pur.

Mais je n'ai pas le temps, je n'ai plus le temps, car déjà, j'entends les pneus crisser sur la route.
J'entends les portes claquer et des voix rauques se rapprocher.
Faut que je me casse ! Maintenant !

Je me relève difficilement et jette un regard vif aux deux hommes déjà sortis de la camionnette et en route pour venir me chercher.
Je panique quand je vois que le conducteur me pointe du doigt.
Mon sang ne fait qu'un tour, je me retourne et m'engouffre en courant dans le champ de maïs.

Les pousses, très hautes, camouflent mes un mètre soixante quatre. Première fois que j'apprécie ma petite taille !
Je m'accroupis en essayant de calmer ma respiration. Je n'ai jamais eu un bon cardio, sans compter l'alcool et les joints qui n'ont rien amélioré, au contraire.

J'entends leurs voix hurlantes. Si j'en crois les échanges et leur provenance à travers le champ, ils se sont séparés.
C'est la merde !

Toujours accroupie, j'avance discrètement en essayant de ne pas faire bouger la moindre feuille.

Je continue sur 500 mètres avant de voir une balle s'écraser juste à côté de moi en soulevant quelques morceaux de terre.
Je me retourne surprise et je le vois, le putain de tireur qui me colle aux basques depuis le début !

Je me relève et me mets à courir du plus vite que je peux.
Je ne cours pas droit, je zigzague légèrement pour éviter les balles qui elles, n'arrêtent pas de fuser.
Mon coeur bat à cent a l'heure, j'en viens même à penser qu'il va exploser.

Je cours à en perdre haleine quand je tombe nez à nez avec l'autre homme.
Je me retourne pour partir dans l'autre sens mais je vois l'autre fils de pute.

- Arrête de courir, mio amore, tu es faite comme un rat ! me lance-t-il d'un ton amusé.

Je ne lui réponds pas. A vrai dire, je ne lui lance même pas un regard.
Je plonge sur le côté et recommence à courir. J'ai maintenant changer de rangée.
Je cours, cours encore à travers les lignes de mais, les herbes fouettent mes joues ne faisant que relancer mes blessures encore ouvertes.

J'entends leurs voix de plus en plus lointaine. J'en profite pour m'arrêter un instant et reprendre mon souffle.
Ma respiration est saccadée, je n'ai pas couru comme ça depuis... pas important.
Je chasse mes souvenirs et me reconcentre.
Je tourne ma tête à droite puis à gauche dans un effort étrangement gigantesque et je vois, au loin, une petite maison.
Je me remets à courir plus vite que jamais dans sa direction, la voyant comme mon dernier espoir.

Je ne m'arrête plus. Je ne peux plus m'arrêter, l'adrénaline s'est insérée dans tous mes pores.

Je sens mon corps presque l'éviter avant de m'écraser dans une ligne de mais.
Je viens de tribucher sur une putain de pierre.
J'ignore la douleur que cela me procure et commence à me relever avant de me replaquer contre le sol lorsque j'entends les voix rauques des deux hommes.
Je m'insère plus profondément parmi les hautes herbes pour me camoufler davantage et je finis, au bout de quelques minutes, par voir leurs chaussures boueuses passer devant moi.
Ils ne m'ont évidemment pas vue.
Cette putain de pierre, dans laquel l'un des deux s'est cogné le coin du pied il y a à peine quelques secondes, ma sauvée la vie !

born to dieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant