Chapitre 35

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"Vinum aqua miscere"

Mettre de l'eau dans son vin

Après avoir passé notre pacte de non-agression, nous avions décidé de rentrer pour réfléchir à la situation. Sixtine devait cogiter sur ses actes et les points de sa personnalité qu'elle devait modifier - ou tout du moins cacher - tandis que je réfléchissais à de vrais exercices pour faire d'elle une femme forte aux yeux de Cynthia. Même si le laps de temps donné était court, ce moment de réflexion était obligatoire pour chacune et pourrait nous permettre de mieux préparer la suite de la semaine.

Keigo était resté silencieux durant une bonne partie de la soirée, ne répondant que très vaguement aux questions de mon père. Lui qui d'habitude était bavard et souriant, était à présent perdu dans ses pensées. La curiosité et l'envie de savoir ce qui n'allait pas étaient arrivés à leur paroxysme quand j'étais sortie de ma douche.

- Tu peux y aller, la salle de bain est libre, exposais-je tout simplement à mon compagnon allongé sur le lit. Ses mains étaient passées sous sa tête et ses yeux regardaient le plafond.

- Hum.

Je savais que cette réponse était simplement automatique, il n'avait pas écouté le moindre mot de ce que je venais de dire et continuait à se murer dans son silence. J'avais déjà suffisamment de problèmes à gérer pour laisser passer ça, plus vite les soucis de Keigo seraient partis, plus vite je serai en mesure de me concentrer pleinement sur les miens. Avant même qu'il ne comprenne ce qui lui arrivait, je m'installai sur lui, les mains de part et d'autre de son visage, les genoux sur le lit, tandis que seul mon t-shirt trop grand le frôlait. Son regard se fit surpris à ma position, mais je ne lui laissai pas le temps de demander quoi que ce soit.

- C'est quoi le souci ?

- Rien, ne t'en fais pas, dit-il en fuyant mon regard.

- Keigo Takami, je vois très bien qu'il y a quelque chose qui cloche. J'ai besoin que tu sois avec moi à cent pour cent toute cette semaine pour ne pas devenir folle. Tu es celui qui a proposé ce plan, alors tu assumes jusqu'au bout. Maintenant, et je me répète, c'est quoi le problème ?

Ces yeux montrèrent le choc que mes paroles lui provoquèrent, mais il se reprit bien vite en me répondant dans un grand soupir.

- Tu es à la fois extrêmement généreuse mais aussi très égoïste quand tu t'y mets. J'essaye juste de mettre mes pensées en ordre par rapport à la situation de cet après-midi.

- Le moment où tu as voulu tuer Sixtine ? C'est ça ton problème existentiel ?

- Problème existentiel ? On dirait que tu t'en moques ! Je suis dangereux Kuro, j'ai déjà tué et cet après-midi, j'ai failli recommencer. Mon corps a réagi avant même que je puisse réfléchir. Si j'étais allé aussi loin, qu'est ce qui se serait passé ?

Sa voix semblait désespérée, presque au bord de la rupture. Le voir se confronter à ses démons me faisait mal, il souffrait et malgré tous mes problèmes je devais l'aider. Il était celui pour qui mon cœur battait. Jamais je ne pourrai le laisser se faire dévorer par ses propres ténèbres.

- Tu te bats pour ce qui te semble juste, pour tes idéaux et pour que le monde soit un minimum meilleur. Tu as du sang sur les mains ? Moi aussi j'en ai. Parfois je cauchemarde sur ce qui s'est passé ce jour-là, mais à mon réveil, je me souviens de pourquoi je l'ai fait. Je n'ai pas le droit de regretter ce qui s'est passé, ni de le nier. J'ai pris une vie, que je le veuille ou non. La seule façon de vivre que nous pourrions adopter, c'est d'avancer la tête haute. Nous avons pris des vies, mais n'oublie jamais la raison de ces meurtres ni les gens que tu as pu sauver grâce à ça.

La Jeunesse est le professeur des fous [Hawks x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant