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"Parce que j'étais une âme égarée
Qui a rencontré une âme déboussolée;

Il avait le talent de tuer
Et moi celui de supporter;

Il a suffit d'un seul regard
Pour que chacun s'égare;

Parce qu'il était un connard
Qui faisait de la souffrance un art."

Je n'ai jamais compris pourquoi certains hommes faisaient le mal. Quels étaient leurs buts? Ce mal défendait-t-il une cause? Pour moi, non. Aucun mal ne pouvait obtenir un alibi. Défendre le mal, c'était faire aussi le mal.

Des années durant j'ai souffert. De longues années. Puis j'ai pensé plus tard que ma souffrance était guérie. Elle l'était. Vraiment. Réellement. Ce creux béant dans mon cœur n'était plus. J'avais vaincu la souffrance. La tristesse. Le deuil.

Mais je ne me doutais pas que je connaîtrais encore des souffrances. Encore. Des différentes. Des difficiles. Des simples. Des profondes. Des indélébiles. Des souffrances qui tuent. D'autre qui ressuscitent. À leur manière, elles se gravent. Je suis moi, par mes souffrances. Encore et toujours plus de souffrance.

Je suis Ava Sanchez. Colombienne de naissance. Mes parents l'étaient aussi. Ma grand-mère aussi. Mon amie, que j'appelle prima, aussi. Celle qui m'a recueillit quand je n'avais plus de proche.

Mes parents, Hannah et José, sont morts quand j'avais cinq ans, dans un accident de voiture. J'y étais et j'ai survécu. Ma grand-mère, mi abuelita, Avala, m'a alors recueilli, jusqu'à mes dix-sept. Elle est morte à son tour. De vieillesse. M'éduquer l'a tué. Alors son amie Nina m'a recueilli, avec sa fille, Sarah. Sarah est comme une cousine pour moi. Nous avons emménagé ensemble, à deux, il y a un an de cela. Sa mère est morte. Règlement de compte. Mauvais endroit. Mauvais moment.

J'ai vingt-trois ans. Et j'ai déjà vécu beaucoup de morts. Trop. Des traumatismes. Je vis à Armenia, en Colombie. Sarah et moi partagons un appartement minable ensemble. Nous gérons plutôt bien nos dépenses. Moi en tant que serveuse et Sarah en tant que caissière. Je déteste mon travail. Mais je suis obligée. Ces hommes indécents. Qui insultent, critiquent, sous-entendent. Les blagues salaces m'épuisent. Mais je dois travailler. Je ramène juste les plateaux sur les tables. Je ne communique pas. De toute façon, je ne peux pas. Mais je déteste les mains aux fesses ou les sourires en coin.

Depuis ma naissance, je suis sourde. Alors certes je n'entends pas, mais je sais lire sur les lèvres, un minimum. Je suis aussi muette. Je n'ai jamais su parler, et ce à cause de ma surdité. Comment prononcer des mots sans les entendre? Impossible. Pour moi en tout cas. Et je me fiche pas mal des autres.

Physiquement? J'ai de longs cheveux noirs qui m'arrivent jusqu'aux fesses. J'ai les yeux verts, une peau bronzée, je suis de taille moyenne et mon corps me complexe, à cause de certaines formes ou rondeurs. Je ne me trouve pas belle. Mais cela ne m'est pas important. Je suis ici pour aider Sarah, c'est tout.

Enfin... c'est ce que je croyais avant ce jour fatidique.

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"Parce que j'étais une âme déboussolée
Qui a rencontré une âme égarée;

Elle avait le talent de supporter
Et moi celui de tuer;

Il a suffit d'un seul regard
Pour que chacun s'égare;

Parce qu'elle était un rempart
Qui faisait de la souffrance un art."

J'ai toujours su pourquoi certains hommes faisaient le mal. Quels étaient leurs buts. Ce mal défendait une cause. Pour moi, c'était certain. Tout mal pouvait obtenir un alibi. Défendre le mal? C'était faire aussi le bien. On me l'a toujours dit.

Même si des années durant j'ai souffert. De longues années. Puis j'ai pensé plus tard que ma souffrance était guérie. Elle l'était. Vraiment. Réellement. Ce creux béant dans mon cœur n'était plus. J'avais vaincu la souffrance. La tristesse. Le deuil. L'abandon.

Mais je me doutais que je connaîtrais encore des souffrances. Encore. Des différentes. Des difficiles. Des simples. Des profondes. Des indélébiles. Des souffrances qui tuent. D'autre qui ressuscitent. À leur manière, elles se gravent. Je suis moi, par mes souffrances. Encore et toujours plus de souffrance.

Je suis Marco Esteves. Colombien de naissance. Ma mère l'était aussi. Mon père aussi. Mon frère, que j'appelle hermano, aussi. Ceux qui m'ont ramassé quand je n'avais plus de raison de vivre.

Ma mère, Shiappa, est morte quand j'avais deux ans, d'une maladie. J'ai vu et j'ai survécu. Mon père, mi padre, Rico, n'a alors pas flanché. Il y avait moi et mon frère, Pedro. Nous éduquer l'a épuisé et rendu fière. Notre père nous a apprit à tuer. Il nous a inculqué des valeurs. Des principes. Mon premier amour est mort. Camilla. À cause de moi.

J'ai trente ans. Et j'ai déjà vécu beaucoup de morts. Trop. Des traumatismes. Je vis à Pereira, en Colombie. Je partage une villa luxueuse avec l'ensemble de mes proches. Nous gérons plutôt très bien nos dépenses. Moi en tant que bras droit de mon frère dans le Cartel familial. J'aime mon travail. Le trafic d'armes et de drogue. Et ces hommes forts. Qui insultent, critiquent, sous-entendent. Les blagues salaces me font rire. Je dois travailler et j'aime ça. Je ramène juste les billets sur les comptes en banque. Je communique.

Depuis ma naissance, je tue. Alors, certes je ne dois pas, mais je le fais, un minimum, quand c'est nécessaire. Je suis un meurtrier. Je n'ai jamais su faire autre chose, et ce à cause du business de ma famille. Comment sortir de ce monde sans mourir? Impossible. Pour moi en tout cas. Et je me fiche pas mal des autres.

Physiquement? J'ai les cheveux bruns mi-longs. J'ai les yeux noirs, une peau bronzée et tatouée, je suis grand et musclé. Il le fallait. Je me trouve plutôt beau. Mais cela ne m'est pas important. Mon physique m'importe peu. Je suis ici pour aider mon frère, c'est tout. Car je n'avais plus de raison de vivre. Hormis lui.

Enfin... c'est ce que je croyais avant ce jour fatidique.

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant