Point de vue: Ava
Hier, pour la première fois depuis des années, j'ai ri. J'ai ri avec cette dénommée Moana et Marco. J'ai vite arrêté. Parce que j'ai vu les regards sur moi. J'ai arrêté de rire il y a des années. Parce que j'avais honte. En tant que sourde, je ne savais pas à quoi ressemblait mon rire, si s'en était bien un.
De nombreuses personnes m'ont fait des remarques. À l'école, au travail, dans la rue... Partout. Alors j'ai arrêté. Sauf avec Sarah. Parce qu'elle aimait mon rire. Et hier, j'ai ri. Je me suis amusée quelques secondes.
Puis, il y a eu le regard massacrant d'Alejandro, qui n'aimait sûrement pas qu'on se moque de lui. Le regard de Moana, qui semblait surprise par ce son qui faisait vibrer ma gorge. Et le regard de Marco, que je n'ai pas su décrire. Ce qui m'a vexé. Alors j'ai arrêté de rire. Comme toujours.
Ensuite, Marco m'a emmené voir Felicia pour vérifier mes blessures. J'allais bien. Et je me suis retrouvée enfermée dans la chambre de Marco, de nouveau. Seule, cette fois-ci. Il avait des choses à régler. J'ai pu dormir un peu.
Avant que je sente une présence à mes côtés. Amina venait me réveiller. Je sais qu'elle ne m'aime pas. Elle n'a fait preuve d'un effort à mon égard. Pas de politesse ni de compassion. Elle a juste écrit une question sur mon carnet."C'est quoi ta morphologie et tes mensurations?"
Je n'ai pas compris sur le coup. Alors j'ai froncé les sourcils. Ça ne lui a pas plu, parce qu'elle m'a crié dessus. Je l'ai su à ses lèvres qui bougeaient très vite. Et à son expression énervée. J'ai vite répondu. J'avais vu l'arme coincée dans son pantalon en cuir. Je n'ai pas honte de dire qu'elle me fait peur.
Puis elle est partie. Le soir, Moana m'a ramené un petit quelque chose à manger, sans rester avec moi. Elle devait s'entraîner. De toute façon, je n'ai pas mon mot à dire. Ensuite, je me suis endormie.
Dans la nuit, il me semble que Marco est revenu, j'ai senti son corps chaud et puissant s'installer à mes côtés. Pourquoi dois-je dormir avec lui? Je ne sais pas. Mais je n'ai pas non plus mon mot à dire. Il a dégagé une mèche de mon visage. J'ai fermé les yeux très fort. Parce que j'ai j'ai peur qu'il me viole.
Je ne sais pas d'où m'est venue cette idée, mais j'ai eu peur. Après tout... Un homme aussi fort, musclé, dangereux et mystérieux que lui est capable de tout. Il était derrière moi dans le lit. Tout était possible. Mais il n'a rien fait. J'ai pu me rendormir.
Cependant ce matin, en me réveillant, je vois bien qu'il n'est pas là. Je suis seule dans ce grand lit. Son odeur boisée imprégne le linge de maison. Cette odeur trahit. Car elle donne confiance. Et je n'ai pas confiance en lui. Même si je reste soumise et obéissante, je ne lui fais pas confiance.
Je me décide enfin à me lever. Et je remarque alors deux gros sacs de vêtements posés à côté de la fenêtre. Curieuse, je vais y jeter un coup d'œil. Juste un. Personne ne le saura. Ce sont des habits de femme. De couleur noir en majorité. Je comprends que c'est pour moi. Je choisis donc un pantalon en cuir et un haut en dentelle. Vraiment? Ce n'est pas mon style...
Je rejoins la salle de bains et me déshabille en quelques secondes, puis j'entre dans la douche. L'eau chaude finit de me réveiller. Je me savonne, me sèche, m'enroule d'une serviette, et me coiffe. Je cherche mes sous-vêtements propres quand je remarque que... je n'en ai pas pris! ¡Mierda!
Je retourne dans la chambre, tout en essayant de me confectionner un chignon. Je m'arrête net en voyant cette lourde silhouette assise sur le lit. Marco. Je pose mes yeux sur le radio réveil. Onze heures. Ai-je été aussi longue jusqu'au point de ne pas l'avoir remarqué? Il pose ses yeux sur moi.
J'ai un mouvement de recule lorsque je vois sa lèvre fendue qui saigne abondamment. Mais ce n'est pas tout. Il y a ses pommettes rouges, son arcade saignante, son corps abattu, ses jointures abîmées. Il s'est battu!
Nos regards ne se quittent pas. Et ça me fait peur. Je vois dans ses yeux cette haine. Celle qui aspire à la vengeance. Mais il y a aussi cette lueur. Celle qui me demande de ne pas avoir peur, de lui pardonner cette part de lui. C'est d'ailleurs celle-ci qui me pousse à aller jusqu'à lui. Ça, et aussi le fait qu'il se tienne les côtes.
J'attrape sur une commode la trousse de soin, celle que Felicia a utilisé pour moi il y a quelques jours. Je l'ouvre, et prends ce dont j'ai besoin. Parce qu'il m'a fait soigner, je le soignerais. Je commence par son visage. Je reste d'ailleurs étonnée qu'il ne dise rien. Pansement sur l'arcade. Juste une égratignure. La lèvre. Pas besoin de pansement. Les pommettes. Un peu de pommade pour prévenir les bleus.
Les mains. J'avale difficilement ma salive. Ses grandes mains. Et ce tatouage incroyable. Cette rose. J'aurais presque envie qu'il pose ses mains sur mon corps. Mais j'ai dis presque. Zéro confiance. Zéro affection. Égratignures. Ça ira pour lui. Ses prunelles noires se posent sur moi. Enfin. Il évitait mon regard, c'était étrange. Or... ce regard sur moi, sur mon corps, me donne une réponse.
¡Mierda! Mais quelle idiota! Je suis encore en simple serviette! Ma maladresse me tuera! Je recule brutalement. Comme si son regard m'avait brûlé. Parce que c'est le cas! Il me mate le pervers! Je me précipite sur les sacs, à la recherche de sous-vêtements. J'en trouve rapidement. Mais les cache immédiatement. Mais qui a choisi ces vêtements!
Je n'ai jamais vu de sous-vêtements plus indécents et sexy que ça! Je... je ne peux pas porter ça! Ce n'est pas possible! Pero... il n'y a que ça... Si je sais qui a choisi ça pour moi, je me jette à son cou pour le tuer! Je me tourne vers Marco qui ne m'a pas quitté des yeux. Il sourit! Imbécile va!
Je prends tout de même ces bouts de tissus et rejoins la salle de bains. Je croise mon propre regard dans le miroir. Soy roja... Je ressemble à une tomate! La honte... J'inspire puis expire. Ce qui m'aide à me ressaisir. Je m'habille donc. Et même si je ne suis pas très à l'aise dans ce nouveau style, je dois avouer qu'il est élégant et digne d'un membre de cartel.
Je retourne, peu assurée, dans la chambre. Marco n'est plus seul. Felicia est là. Il a retiré son tee-shirt, et elle lui passe une bande autour du torse. Il me remarque et me fais signe d'avancer. Felicia se retourne quelques secondes pour me sourire. Je lis aussi sur ses lèvres qui se mouvent."Merci du coup de mains."
J'hoche la tête. J'attrape mon carnet et mon stylo. J'écris et tends le tout à cet homme musclé. Je profite de sa lecture pour le dévisager. Je n'avais pas pris le temps de l'observer, de voir à quoi il ressemble réellement.
Brun, cheveux mi-long, ébouriffés. Des yeux noirs intenses, oppressants et captivants. Une bouche lisse. La peau bronzée et noircie de tatouages qui partent de son torse, jusqu'à ses bras, son dos. Ils doivent sûrement se prolonger plus bas sur son torse et sur ses jambes, à en croire ce que je vois.
Sa peau est aussi parsemé çà et là de cicatrices qui blanchissent légèrement plus sa peau. Sourcils épais et presque constamment froncés. Un nez tordu, comme ceux des boxeurs. Il a du très cassé de nombreuses fois. Grand. Très grand. Trop peut-être. Musclé. Sans exagération. Petite barbe taillée.
Il porte un jean noir et son tee-shirt jonche le sol, juste à mes pieds.
Je sursaute lorsqu'il me frappe l'avant-bras avec le carnet qu'il me tend. Prise en flagrant délit... Je récupère le carnet. Il a répondu à ma question, demandant ce qui était arrivé."Une opération simple qui a mal tourné. Les nouvelles vont vite dans à Pereira. Ils savent que tu es avec nous. La Colombie entière le saura d'ici quelques jours."
Je relis la deuxième phrase au moins trois fois. Pereira? Mais il y a quelques jours j'étais à Armenia! ¡Mierda! Alors j'ai pris la voiture durant des heures! Cette pensée m'accable encore plus. Il aurait pu se passer tant de choses lors de ce voyage -non désiré- en voiture! Comme...
Mes pensées cessent de se bousculer lorsque Marco atttape ma main. Je sais que c'est lui. J'ai reconnu sa rose. Je relève la tête. Nous sommes seuls. Il me tire vers lui, me faisant asseoir à ses côtés. Mon cœur cesse de battre quelques secondes. Calmate Ava. Tu as connu des hommes dans ta vie... Bon, un seul... Mais ce n'est pas Marco Esteves qui va t'intimider!
Bon, si, en fait. Il plonge son regard obscure dans le mien. Il ne bouge pas. Ne semble pas parler. Il me regarde. Juste. Il me regarde. J'avale ma salive, mal à l'aise. Et je me gifle intérieurement de laisser mon regard s'attarder sur le bandage qui comprime son torse. Il me prend mon carnet, et écrit. Puis il me le rend."Tu me mate?"
Je sens instantanément mes joues chauffer. ¡Mierda! Tu n'es plus une lycéenne en chaleur Ava! Qu'est-ce qui me prend? J'écris à mon tour. Changé de sujet, la meilleure de tactique.
"Je suis en danger?"
"Non. Tant que tu restes avec moi."
"Vous l'êtes par ma faute."
"Cesses de me vouvoyer. Ensuite, sache que j'ai grandi dans ce milieu. Le danger, je le connais. Et sans me vanter, c'est plutôt moi, le danger dans ce monde."
J'avale ma salive. Parce que je me vois durant ce court instant comme un membre puissant de ce monde de malfaisants. Marco... que caches-tu de mauvais en toi?
Tu me dis que tu es un homme à craindre. Mais tu fais en sorte que je ne te vois pas ainsi. Pourquoi? De quoi es-tu réellement capable? J'aimerais voir ton vrai visage. Celui que tu me caches. Je sais que que tu es ici, c'est que tu es capable de tuer. Mais comment?
Mais la vraie question c'est: pourquoi ne l'as-tu pas fait avec moi, Marco? Pourquoi ne suis-je pas morte?

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La Sourde et la Brute
Romance"Parce qu'elle était une âme égarée Qui a rencontré son âme déboussolée; Il avait le talent de tuer Et elle celui de supporter; Il a suffit d'un seul regard Pour que chacun s'égare; Parce qu'il était un connard et elle un rempart Ils faisaient...