Point de vue: Marco
Ava. Ça lui va bien. Je ne sais pas pourquoi, mais je bloque sur son prénom. C'est simple et beau à la fois. J'aime bien. Étrangement. Je relève ma tête lorsqu'elle me rend le carnet. Je lis.
"Vous allez me tuer?"
Elle a du cran, la petite. Mais elle a peur. Je le sais. Parce que c'est lisible dans son regard. Son regard... un vert transparent qui envoûte. On pourrait s'y noyer. Je souris. Puis lui fais signe "non" de la tête. Même si je mens. La vérité? Je ne sais pas. Ce n'est pas moi qui décide ici mais mon frère. Et il n'a pas aimé qu'elle ne lui réponde pas quand il lui parlait. Ce pourquoi il l'a battu jusqu'à la défigurer un peu.
Felicia se redresse à son tour. Et je remarque que la jambe charnue d'Ava est bandée. Felicia a fini son travail. Elle me sourit avant de fournir à notre "otage" deux cachets, qu'elle avale sans un verre d'eau.-Tu peux partir Felicia. Merci pour elle.
-Ce n'est rien. Autant que mon statut d'infirmière serve. Et puis, elle me fait se la peine...Sa phrase se perd dans sa gorge. Car elle a raison. Ava fait de la peine. Ava a peur, Ava a vu la mort. Felicia se racle la gorge en me tapant amicalement l'épaule. Puis j'entends la porte se fermer dans mon dos. Je prends le carnet, y écris "tu peux te changer dans la salle de bain", et le donne à la jeune femme qui me fait face.
Elle le récupère. Lit. Puis se lève. Maladroitement. Elle manque même de tomber. Je la rattrape. Je remarque ses yeux voilés. Non. Ce n'est pas la première fois qu'elle côtoie la mort. Et ça me fige. Elle se dégage de moi, apeurée, puis s'enfonce dans la salle de bain ouverte. Elle se cache derrière le maigre rideau.
Qu'as-tu vu Ava? Que se cache-t-il derrière ton regard translucide pour que je puisse facilement comprendre que tu connais la mort? Qui d'autre que ta colocataire la puta as-tu perdu? Je crois d'ailleurs qu'il faudrait que tu saches qui était la puta avec qui tu vivais. Car tu ne sais rien, Ava. Or, seul mon frère peut me permettre de tout te dire. Et puisqu'il ne semble pas ouvert ce soir à la discussion, ça attendra.
Je sors de mes pensées lorsque la colombienne revient. Vêtue d'un pantalon de survêtement trop grand et d'un pull aussi trop grand, elle avance en boîtant légèrement. Elle doit souffrir. Alors je lui laisse le lit, lui faisant signe de s'y installer. Et elle le fait. Parce qu'elle a peur. Sa chevelure noire extrêmement longue s'étale autour d'elle.
Rapidement, ses petits yeux verts se ferment. Son visage fatigué me fait penser qu'elle ne se réveillera pas de si tôt. Le problème? On est dans ma chambre. Il n'y en a plus aucune de libre dans cette villa, parce que cette villa de Pereira est pleine de nos hommes. Désolé, Ava, mais ce soir on dormira malheureusement ensemble.
Car même si tu as de beaux yeux, tu restes l'amie de la puta. Celle qui nous a trahit. Car même si tu as peur et que tu es faible, tu restes l'amie de cette puta. Sarah. Elle méritait ces deux balles. Elle méritait plus que ces deux balles. Elle méritait douleur et torture. Mais Pedro a été clair: elle doit mourir vite pour ne pas continuer à nous trahir. Une balle dans la bouche pour les informations qu'elle a donné à d'autres cartel. Une autre entre les deux yeux pour lui faire exploser sa cervelle de moineau.
Je souris. Oui, j'ai aimé tuer cette fille. Parce qu'elle le méritait. Je retire mon pantalon, ainsi que mon haut, et je jette le tout dans un coin de ma chambre. La femme de ménage s'en occupera demain. Avec les vêtements miteux d'Ava. Je me retrouve en caleçon. Alors je pose mon arme sur la table de chevet et m'allonge sous les draps.
Le petit corps d'Ava a déjà tout réchauffé. Elle a un léger sursaut mais ne se réveille pas. Je vais me reposer un peu à mon tour. Sauf que dans un cartel, on ne se repose jamais totalement. C'est pourquoi je serais debout tôt demain matin. Je sens mes paupières se faire lourdes. Et je laisse la fatigue et l'épuisement des derniers jours m'emporter dans un sommeil que je sais déjà réparateur.💠💠
💠Sommeil léger. Mouvement. Je me redresse instantanément. Je prends mon canon qui n'est pas loin de moi. Je le braque devant moi. Mais je le baisse légèrement. Ava. Elle se relève doucement, apeurée et le visage baignant de larmes. ¡Mierda!
Je pose mon Glock et me lève à mon tour. Je m'arrête quand je la vois baisser les yeux et reculer d'un pas. C'est de moi dont elle a peur? Je peux le comprendre. Je suis dangereux. Mais je ne renonce pas. Parce qu'elle me fait trop penser à quelqu'un. Ça en devient déboussolant. Je m'approche, elle recule. Jusqu'à toucher le mur. Alors j'en profite.
Elle relève la tête quand elle sent que je lui fais bien face.-Je ne te veux aucun mal.
Elle ravale un sanglot. Sa gorge émet des sons graves, peu élégant, mais je m'en fiche. Parce que je suis plongée dans son regard vert. Sus ojos verdes. Merveilleux. Je peux lire en elle, grâce à ses deux pupilles.
Je lève la main, elle ferme les yeux. Je ne te frapperais pas, Ava. Je pose ma main sur sa joue pour essuyer ses larmes. Tu as peur, je le sens rien qu'en te touchant. Tu es terrorisée mais tu gardes le sang-froid un maximum. Et pour ça tu as tout mon respect.
Sans m'en rendre compte, je l'attire à moi. Voir une femme pleurer m'a toujours déstabilisé. Parce qu'elles me rappellent toutes Camilla. Camilla, mi primero amor. Quand tu es morte et que tu pleurais dans mes bras. Tu savais.
Mais Ava n'est pas Camilla. Elle ne pleure pas comme elle. Non. Elle pleure des peines plus profondes. Alors je la réconforte. Et je me trouve con. Parce que je suis un mafieu! Pas une baby-sitter, et encore moins una madre!
Elle se laisse alors aller dans mes bras. Sa petite main trouve appuie sur mon torse nu. Et j'en frissonne comme un putain de lycéen en chaleur! ¡Mierda! Je ne peux même pas lui dire de se calmer, parce que mes mots rassurants, elle ne les entendra jamais. Alors je lui frotte le dos.
Après quelques minutes, elle ne renifle plus. Je l'emmène sur le lit. Mes yeux se posent sur le radio réveil. Six heures du matin. Je ne dormirais plus. J'attrape le carnet et le stylo, y griffonne "que t'arrive-t-il?". Et je lui tends. Elle le prend, tremblante, lit, écrit et me le rend."Un cauchemar."
Je fronce les sourcils.
"Tu veux m'expliquer?"
Elle prend le carnet.
"Pourquoi avoir tuer Sarah? Qu'est-ce que vous allez faire de moi?"
"Rien. Sarah devait mourir, j'en suis désolé."
Sans rien y comprendre, je me prends une gifle. Je tourne la tête vers elle. Je lève ma main, prêt à la frapper. Parce qu'elle m'a touché. Et qu'on ne me frappe pas sans conséquence. Mais mon geste ne va pas plus loin. Parce qu'il y a ses larmes.
Elle se bat contre elle-même et ça me tue. Je suis le seul responsable de cette souffrance. ¡Mierda! ¡Mierda! ¡Mierda! Je griffonne rapidement sur le carnet."Arrêtes de pleurer. Je t'expliquerais, plus tard. Mais arrêtes."
Elle lit à peine, mais se calme petit à petit. Puis elle se recule de moi. Avec dans ses yeux cette lueur. Celle que j'aime. Mais étrangement, pas chez elle. La peur. Le dégoût. L'horreur. Elle finit par baisser la tête. Oh oui mi dulce, tu es désemparée. Je le sais. Parce que je l'ai vécu. Ce désespoir.
Je tire sur son bras pour l'approcher de moi. Sa tête trouve -presque trop naturellement- le creux de mon cou. Je pose ma main dans le bas de son dos. Même si elle cherche à se dégager dans les premières secondes, elle finit par se laisser faire. Je sens ses larmes couler sur ma peau chaude.
Je lui relève la tête alors que je viens d'écrire dans le carnet. Elle le prend en ravalant un sanglot. Elle écrit."Je veillerais à ce que personne ne te fasse de mal, mi dulce. Mais tu dois faire preuve de courage."
"Comment faire confiance au meurtrier de ma cousine?"
Et je ne trouve rien à redire. Parce qu'elle a raison. Je suis là source de sa souffrance. Je suis son bourreau, malgré tout. Et j'accepte cette fatalité. En espérant que cela change.
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La Sourde et la Brute
Romance"Parce qu'elle était une âme égarée Qui a rencontré son âme déboussolée; Il avait le talent de tuer Et elle celui de supporter; Il a suffit d'un seul regard Pour que chacun s'égare; Parce qu'il était un connard et elle un rempart Ils faisaient...