31

502 28 0
                                        

Ma tête est lourde. Elle me lance terriblement. Cette migraine ne risque pas de me quitter de si tôt. D'ailleurs, elle m'empêche d'ouvrir les yeux. J'ai l'impression que si je les ouvre, mon cerveau va exploser. Mais je le fais quand même...
Parce qu'il y a cette peur en moi. Celle qui se lie aux souvenirs. Le gorille qui m'a attrapé dans les toilettes! J'ouvre promptement les yeux. Je ne sais pas où je suis. La lumière du jour n'est plus là. Je crois qu'il fait nuit. Je frissonne.
La pièce dans laquelle je me trouve ressemble à une chambre. Une très vieille chambre. Ça sent le pourri. Je suis s'installee sur un lit peu confortable. En fait, il n'y a même pas de matelas. J'ai les lattes du sommier qui me rentrent dans les côtes.
J'essaie de bouger mes mains, mais elles sont retenues par quelque chose. Je tourne la tête. Deux choses s'offrent à moi. En premier plan, mes mains ligotées aux barreaux du lit. Ensuite, un homme qui me fixe. Il me semble. Je peine à le distinguer.
Et j'ai peur. J'ai peur parce que je sais que Marco n'est pas là pour me sauver. Cet homme va me faire du mal. D'ailleurs, son sbire ne s'en est pas privé. J'ai cette sourde douleur au crâne. M'ont-ils soigné? Je ne sais pas.
Je retiens mon souffle lorsque l'homme se lève. Mais une fois qu'il est debout, je ne le vois plus. Je ne sais pas où il se situe dans cette pièce plongée dans le noir. J'ai peur. Extrêmement peur.
Marco, viens m'aider, je t'en supplie. Si tu viens, si tu arrives ici, je te promets de ne plus jamais me plaindre silencieusement de ta mauvaise humeur ou de ton autorité à la con. Mais viens. Tu dois venir. Je suis ta protégée comme le dit si bien Pedro. Alors viens.
Soudain, une lumière s'allume. Elle m'éblouie. Je ferme les yeux. Mais je les rouvre dès que je sens cette main sur ma cheville. Non! Je repousse cet homme avec un sévère coup de pied dans le thorax. Je ne veux pas qu'on me touche!
Je pose finalement mes yeux sur cet homme. Il se tient la poitrine, légèrement courbée, mais je sais qu'il est grand. Autant que Marco je suppose. Il semble d'ailleurs autant musclé que lui aussi. Il est brun, tatoué sur les bras. Son tee-shirt blanc met en valeur la noirceur de son âme.
Il dégage une aura que jamais je n'aurais cru trouver chez un homme. Il dégage une sensation de mal extrême. Il a le péché collé à la peau. Même Pedroo ne semble pas aussi mauvais. Même lui, son âme est plus saine que celle qui se trouve face à moi.
L'homme finit par relever les yeux. Et je suffoque. Il me regarde avec tant de haine que j'en tremble de partout. Même mes os tremblent. Même mes veines sentent le danger. Et mon corps n'a pas tort. La torture commence ici.
Je le regarde se déplacer à grandes enjambées jusqu'à moi. Lorsque ses mains puissantes se saisissent de mon cou et y exercent une pression étouffante, je ne pense qu'à une chose.
Sarah. Tous les liens se font en moi. Ça circule dans mon cerveau à une vitesse hallucinante. J'ai une dette à payer à un homme que je ne connais pas, à cause delle. Mais il n'est pas le seul. Ils sont beaucoup. Beaucoup trop à mon goût. Et si chacun est aussi dangereux que ça...
Je reviens à la réalité lorsque je sens quelque chose de chaud et d'humide rouler sur ma joue. Une larme. Une seule. Je ne dois pas pleurer. Je suis un membre du clan des Esteves. Et un membre de ce clan ne pleure pas. Non. Il se bat.
Mais j'en suis incapable! Je suis incapable de me battre pour ma propre vie! J'en ai été capable pour Marco. Mais je n'en suis pas capable pour moi-même. Comment le pourrais-je? Je n'ai aucune raison de me battre pour moi.
La pression sur ma gorge m'étouffe. Les mains serrent si fort que je ne peux respirer. Et elles me font mal. Petit à petit, je vois des tâches noires. Je ne peux même pas atttaper les mains de cet homme avec les miennes, puisqu'elles sont attachées!
Il n'y a pas de justice. Parce que lui est fort, libre de mouvement, et immoral. Et parce que moi je suis faible, prisonnière et morale. Je sais faire la différence entre le bien et le mal. Mais lui non. Dans les cartels, il n'y a ni bien ni mal, juste ce qu'il faut faire pour être puissant.
Et lui, il est puissant. Ses mains sur ma gorge sont puissantes. Son coprs au-dessus du mien est puissant. Il le sait. Et je crois que c'est ça qui me terrifie. Il sait qu'il est puissant, alors il en joue.
La pression sur ma gorge disparaît tout d'un coup. Je papillonne quelques secondes des paupières pour reprendre la vue. J'avale de grandes bouffées d'air pour reprendre un peu de vie. Ma gorge me brûle. Autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je me force à fixer cet homme.
Il est au-dessus de moi, debout. Il me dévisage de sa grande taille. Avec dégoût et puissance. Il se penche, approchant son visage du mien. Une larme coule sur ma joue. La seconde. Mais j'ai mal... Et Marco n'est pas là. Marco! Pourquoi ne viens-tu pas me sauver? Les lèvres de cet homme bouge. J'essaie de comprendre.

"Ne tentes plus jamais ça. La prochaine fois, je te tue! Voilà, pleures... Tu vas apprendre qui est Tony Gomez. Tu vas apprendre... Ta dette, tu la payeras au prix de ta vie..."

Sur ces mots, il se redresse. Je n'ai pas tout suivi, mes larmes me brouillent trop la vue pour que je puisse bien lire sur les lèvres. Je ne dois pas pleurer. Mais j'ai peur.
Ses mots tournent en boucle en ma tête. Je ne le vois même pas sortir de cette chambre. Il éteint seulement la lumière. Je me recroqueville sur moi-même.
Marco... que fais-tu? Viens m'aider. J'ai peur sans toi. Sans tes bras.

💠💠
💠

Point de vue: Marco

Ce n'est pas normal. J'avais dit dix-sept heures. Il est dix-sept heures dix. Giotto est toujours à l'heure. Même si Ava et Moana sont imprévisibles. Je sais qu'il serait rentré à l'heure. Alors pourquoi ne sont-ils pas là?
Mon sixième sens me dit qu'il y a un problème. Je le sens. Et ils ne m'appellent pas! Pourquoi? Et si... si ils s'étaient fait attaquer et qu'ils étaient tous morts... Non, Pedro l'aurait su, il a des hommes partout. On lui aurait parlé d'une fusillade.
Je sursaute lorsque mon portable sonne. Je l'attrape. Même si j'ai réussi à cacher mon inquiétude jusqu'à maintenant, je sais que j'ai alarmé Alejandro et Anthony qui sont avec moi au salon. Je décroche. C'est Giotto.

-Vous êtes où?
-On a perdu la niña Marco.

Il me faut quelques secondes pour que l'information me monte au cerveau. Quoi?

-Perdu? Mais ce n'est pas un jouet ou un trousseau de clés! C'est une personne! Comment peut-on PERDRE une personne?

Alejandro et Anthony se redressent. Je crois que je les ai bien alarmé là. Mais je suis sous tension, alors je les ignore. Concentre toi sur ton interlocuteur Marco.

-Elle est juste partie aux toilettes...
-Tu te fous de ma gueule? Si elle pisse, elle pisse! ¡Mierda!

J'entends un grésillement et une agitation de l'autre côté du fil. Mais à quoi ils jouent? Je vais finir par...

-Fermes bien ta gueule Marco! hurle la voix de Moana. Elles est partie sans crier gare et ça fait trente minutes qu'on cherche après elle! Elle n'est plus là!
-Pourquoi vous ne l'avez pas surveillé? Je vous paie pour ça? Pour que MA protégée disparaisse en allant aux toilettes?
-Elle est partie sans prévenir! J'ai essayé de la suivre, mais il y avait trop de monde! J'ai essayé merde!
-Tu es où là?
-On arrive devant les toilettes au début du magasin. Elle n'était pas dans celle du fond.
-Démerdes toi se rentrer dans ces toilettes Maona, et de me retrouver Ava!

Elle ne me répond pas. Et c'est mieux pour elle. Dans mon agitation, je me suis levée. Mes poings sont serrés. Je crois que je pourrais tuer n'importe qui. Ava a disparu! Putain!
Je regarde Alejandro et Anthony. Le premier attend un signal de ma part. Le second n'a pas attendu. Il est déjà sur son ordinateur. Je sais ce qu'il fait. Il fouille déjà les caméras de surveillance du centre commercial.
J'entends un cri de l'autre côté du combiné. Quoi? J'entends des bruits de pas, des respirations saccadées. Je donnerais tout pour être sur place et voir! Moana! Ne me fais pas attendre comme ça... Je pourrais devenir fou.

-Moana! Qu'est-ce qu'il se passe? Mierda... mierda... mierda...
-C'est... du sang?

QUOI? Je crois qu'on lui prend le portable des mains. Le silence suit. Mais il ne dure pas.

-Marco, mets une équipe en place, on a enlevé la niña, me conseille Giotto.
-Il y a du sang? Comment peux-tu dire qu'on l'a enlevé? Ce n'est peut-être pas...
-Il y a du sang. Et son gilet multicolore. On l'a kidnappé.
-¡MIERDA!

Je pose mes yeux sur mes deux amis. Alejandro n'attend pas, il court déjà dans la maison. Je ne vois pas rouge... je vois noir. Je suis aveuglé par une colère noire. Une colère que je connais bien. Elle ne disparaîtra pas tant que du sang n'aura pas coulé.
Je vais venir te chercher Ava. Bats toi. Je t'en prie.

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant