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Je monte à une vitesse folle les escaliers qui mènent à l'étage. Une fois en haut, je prends à droite. Par inadvertance, je tamponne quelqu'un. Je me retourne pour voir Amina qui sortait de sa chambre.

-Qu'est-ce qu'il t'arrive Alejandro?
-Je dois régler un problème, désolé.
-Oh! Je vois...

J'entends le sourire dans sa voix. Mais je ne m'y attarde pas, je suis déjà devant ma chambre de Moana. La belle et merveilleuse polynésienne. J'entre sans frapper. De toute façon elle ne m'aurait pas entendu avec le boucan qu'elle fait.
La première chose qui me saute aux yeux, c'est sa mince et petite silhouette au milieu de la pièce. Elle me regarde, son buste se gonfle sous sa respiration saccadée. La seconde chose qui me saute aux yeux, c'est les cadres cassés, les objets en miette et le mobilier en désordre.
J'avance un peu plus dans cette pièce. Les rideaux sont tirés, il fait presque noir. Une fine lumière parvient à passer. Mes débris de verres craquent sous mes pas. Je ferme la porte derrière moi. Je continue à avancer.
Mais Moana ne l'entend pas de cette oreille. Elle me fait signe de m'arrêter. Ce que je fais. Nous nous dévisageons en silence. Il n'y a que sa respiration qui comble la pièce. Lentement, elle baisse sa main. Je la fixe. Comment as-tu pu en arriver là Moana? Je reprends mon chemin. Celui qui me mène à elle.

-Arrêtes! Je ne veux pas que tu m'approches!
-Moi je le veux. Et je sais que tu le veux aussi.
-Arrêtes Alejandro! Regardes ce que je fais à cause de toi! Tu me rends complètement folle!
-On doit discuter. Calmement.
-Je n'y arrive pas!

Ses sanglots. Ils me déchirent le cœur. Je la regarde fermer violemment les yeux. Je te comprends Moana. Tu aimerais ne pas être toi. Ne pas être cette femme malade. Je sais. Et j'en suis navré. Parce que tu n'as pas le choix.
Malgré tout, je m'avance. J'avance. Je vais vers elle. Je ne lui laisse pas le temps de protester ou de m'esquiver. Je l'attrape pour la coller contre moi. Sa tête repose sur mon torse. Je pose une main sur son crâne, l'autre dans le bas de son dos. Et je la tiens fermement contre moi.
Au plus près de moi. Ses sanglots sont plus forts. Je la berce. Je lui demande de se calmer. D'être forte, encore, même si c'est dur. Même si elle pense ne pas être capable. Petit à petit, ses sanglots se calment. Jusqu'à cesser. Mais elle reste là. Dans mes bras.
Je profite de cet instant. Le calme et la sérénité après une tempête de chaos. J'attire Moana avec moi jusqu'à son lit, où je la fais asseoir à mes côtés. Elle se détache un peu, mais je garde ses mains dans les miennes.

-Moana, je veux que tu m'écoutes sans me couper, et sans me contredire comme tu le fais si bien.
-Tu aimes bien quand je te tiens tête.
-Des fois j'ai envie de t'arracher la tête. Mais oui, j'aime bien.
-Je t'écoute.

Et en effet, je la sens prête à m'écouter. Elle est plus calme. Ça me rassure. Bon... Je me lance.

-Je crois que toi et moi, on s'est mal compris. Je n'ai jamais voulu arrêter les entraînements avec toi, au contraire. J'ai uniquement souligné le fait que ta formation était finie. Donc tu avais le choix. J'avais le choix. Aucune obligation de réellement arrêter. Et... ouais, je l'avoue, j'aurai aimé qu'on continue. Ne pas te parler durant tout ce temps où tu m'as ignoré, ça me rendait furieux, et pire encore. Ça me rendait triste. Si Marco ne m'avait pas mit ce coup de poing...
-Marco t'a frappé?

Je la retiens alors qu'elle se lève et qu'elle cherche à s'enfuir. Elle tombe sur mes genoux. Nos regards s'accrochent. Et je sais qu'ils ne sont pas prêts de se séparer. J'en oublie le chaos dans cette chambre, qui prend soudain une atmosphère plus intime.

-Oui.
-Pour... pourquoi?
-Parce qu'il a comprit que j'en avais besoin pour que je comprenne que ce que je ressens pour toi, ce n'est pas de l'amitié, mais bel et bien de l'amour. Mais mierda... l'amour c'est dangereux! Moana, tu le sais.
-J'en n'ai rien à faire... Tu m'aimes? Oh Alejandro, dis-moi que tu ne te moques pas de moi, s'il te plaît.
-Je ne me moque pas de toi. Je t'aime Moana Wong.
-Moi, toute entière, avec ma maladie, mon passé et cette horrible chose sur mon visage.
-Toi, toute entière. Et surtout avec cette magnifique cicatrice.

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant