Point de vue: Ava
Je regarde cet homme, puis je me détache de lui. Quelle idiota! Me laisser ainsi réconforter par ses bras. Ses bras. Et ses mains. Ses mains pleines du sang de mi prima! Comment ai-je pu tomber si bas? Parce que je suis faible. Elle est ici la réalité.
Je m'éloigne le plus possible. Il ne cherche pas à me retenir. Et puis finalement il se lève à son tour et il disparaît dans la petite salle de bains attenante, après avoir prit des affaires dans l'armoire. Alors je peux me détendre un minimum, regardant par la fenêtre le levé du soleil.
C'est comme un instant en dehors du temps. Et j'en profite car je sais que le prochain moment de paix que j'aurais ne sera pas pour bientôt. Je remarque alors que nous sommes dans une belle villa. Le terrain est grand, même si rapidement la forêt arrive. Cette pièce doit être à l'avant de la maison. Car je vois les voitures garées et le chemin.
Sarah... M'accorde-tu ton pardon? Pardonne-moi de m'être laissée aller dans les bras de cet homme. Je ne suis pas excusable. Seulement... j'avais besoin de cette étreinte. J'avais mal, là, à mon cœur. Et ses bras m'ont un court instant retiré cette douleur. Et puis elle est revenue. Quand j'ai pensé à toi.
Je me retourne rapidement lorsque je sens un coup de vent faire bouger mes cheveux. Un homme. Cheveux courts. Celui de la cellule. Celui qui nous a suivit. Une nouvelle chemise à fleur. Et ses lèvres bougent. Je comprends. Il me demande où il est. L'autre homme. Je designe la salle de bains, la main tremblante. Je ne fais que trembler, décidément...
Au même moment, l'homme qui me tenait dans ses bras il y a encore quelques minutes sort. Il me regarde moi. Moi et mon doigt tendu. Puis l'intrus. Et leurs lèvres se mouvent. Ils parlent trop vite alors je ne peux pas comprendre. Je baisse les yeux, me sentant de trop. Je suis la prisonnière, après tout. Je ne sois pas l'oublier. Je ne suis réduite qu'à ça.
Je sursaute lorsqu'une main se pose sur mon menton et me le relève. Toujours et encore ce regard noir. Cet homme inconnu. Je ne connais même pas son prénom! Il me sourit. Ce n'est presque pas visible, mais je le remarque. Parce que son visage est proche. Très proche. Trop proche. J'avale difficilement ma salive. Et je lis sur ses lèvres."Vas te préparer. Et après descends."
Ordres qu'il appuie en me montrant la salle de bains du doigt. Puis il me relâche. Et les deux hommes sortent de cette chambre. Mon souffle me revient. Et je remarque seulement maintenant que je l'avais retenu. Je pose mes yeux sur le lit, où des habits propres et pliés sont posés. Je ne les avais pas vu.
Je me dirige donc vers la salle de bains, prenant les habits qui semblent m'être destinés.
Je rentre dans cette salle de bains semi-ouverte. J'espère que personne ne viendra... Je retire ce que je porte et me glisse dans la douche. L'eau chaude chatouille rapidement ma peau. Je pose alors les yeux sur mon coprs. J'ai encore mes bandages. Ceux de mon visage se détachent, finissent à mes pieds. Celui de ma jambe ne peut pas partir. S'enroulant autour de ma cuisse.
Je me savonne. Savonne mes cheveux. J'ai pris le premier produit qui me passait sous la main. Ça sent la vanille. Mon intuition m'a fait prendre une bouteille jaune. Et non la bleue. Et j'en suis contente. Mon parfum préféré. Je me dépêche. Je n'ai pas envie d'attirer les foudres d'un de ces hommes. Alors je sors, me sèche, m'habille. Un jean trop grand, un tee-shirt trop grand. Et mon gilet. Mon gilet multicolore. Mon préféré. Il n'a presque rien.
Je me coiffe. Enfin, j'essaie. Une brosse traîne dans un tiroir. Et des élastiques. Mais qu'est-ce que cet homme fait avec ça? Après tout ça ne me regarde pas... Je me confectionne une tresse et quitte cette salle de bains qui sent à foison le gel douche à la vanille. Dans la chambre, je récupère le carnet et le stylo. Que je serre contre ma poitrine. Ma seule arme.
Je rejoins rapidement la grande salle du rez-de-chaussée, me rappelant du chemin. Je m'arrête net. Oh... Une trentaine de personnes. Ou plus. Ou moins. Je ne sais pas. Je n'ai pas le temps de compter de toute façon. Parce qu'on me pousse. Un homme. Bronzé. Grand. Je dois avancer. J'ai compris.
Je me retrouve rapidement au centre de l'attention. Je reconnais l'homme à fleur, installé à côté d'une belle brune aux longs cheveux et aux yeux bleus. Peau claire. Tout de noir vêtue. Ensuite un homme imposant aux longs cheveux ramenés en un chignon défait. Puis la fausse blonde. Celle qui nous a suivit la veille. Tout de noir vêtu. Celle qui m'a soigné. Quelques hommes qui étaient chez moi. Qui étaient là lors de l'assassinat de ma cousine.
Mais mon regard ne voit qu'eux. Celui avec qui j'ai partagé un lit. Sans mon accord. Puis celui qui m'a battu. Sans mon accord. Et ça me frappe. Comme un uppercut. Comme une gifle. Ils se ressemblent fortement. Carrure, yeux, visage. Malgré quelques différences, je comprends le lien.
Comment peut-on être rassurée et apeurée à la fois? Ces paires d'yeux sur moi. Ça m'oppresse. Alors je rive mon regard dans celui du seul homme que je connaisse. Celui qui a essuyé mes larmes. Serait-ce un sourire que j'aperçois? Je ne cherche pas plus longtemps quand il me fait signe d'une main d'aller à lui.
Je me plante devant lui. Il me prend délicatement le carnet et le stylo. Un vide se crée. Mais je ne fais rien. J'ai trop peur. Il écrit. Puis me tend. Je lis."On doit te parler."
Je fronce les sourcils. Il écrit.
"Sarah. Parce que tu ne sais rien."
Mes yeux se brouillent. Quoi? Ils vont m'expliquer comment et pourquoi ils ont décidé de tuer ma dernière famille? Non! Mes mains tremblent. Mais je ne bouge pas. Je baisse les yeux. Je me soumets. Il griffonne. Alors je sais qu'il me raconte tout d'un coup. Et puis il me passe enfin le carnet. Je croise son regard. Un regard qui cherche à me soutenir. Mais je crois qu'il ne pourra pas sécher mes prochains pleurs.
Et je lis."Sarah faisait partie de notre cartel depuis un an, elle n'était pas vraiment active. Mais il y a quelques mois nous avons appris qu'elle revendait des informations de notre gang à d'autres. On l'a piégé plus fois pour être sûr de ne pas se tromper. Mais on ne se trompait pas. Et dans notre cartel, il y a une règle à respecter. Pas de trahison. Elle devait mourir. Je suis désolé Ava, mais c'est comme ça."
Je laisse tomber le carnet, tremblante comme une feuille. Je porte mes mains à mes yeux, cherchant à cacher mon visage humide. J'ai honte. J'ai mal. Mi prima. Pourquoi? Alors c'est comme ça que tu gagnais tout cet argent? Mon dieu! Elle aurait dû m'en parler. On aurait trouvé une solution.
Sarah? Dans un gang? Un cartel? Dangereux? Capable de tuer? Et puis tout s'assemble. Tous ces jours sans nouvelles, ces journées de travail interminables. L'argent et les secrets. ¡Mierda! ¡Mierda! ¡Mierda! Non!
Je sursaute lorsqu'une main me dégage le visage de mes propres mains. Ses yeux noirs me transpercent, et me demandent en silence de ne pas pleurer. Parce qu'il y a une suite. Il me tend le carnet. Mes larmes ont souillé l'écriture. Mais je me force."Tu dois rester avec nous. Nous n'avons rien contre toi, mais d'autres gangs voudront aussi vengeance car Sarah en a trahit beaucoup. Et même si elle nous a trahit, pour sa mémoire, et pour toi, on doit te protéger. Quand tu te sentiras prête, nous passerons aux présentations des membres les plus importants."
Et mon avis? Pourquoi on ne me le demande pas? Et puis-je refuser? Le regard de celui qui m'a tabassé dans la cellule me fait comprendre que non. Et de nouveau mes larmes. Je me fais la promesse que ce seront les dernières. Je dois essayer de tenir cette promesse. Je dois.
Je sens tous ces regards sur moi. Pitié? Rancune? Haine? Manque de confiance? Je ne sais pas. Et je ne veux pas savoir. Parce que je ne les connais pas. Parce qu'ils ont connu mi prima. Je suis jalouse qu'ils l'aient vu plus que moi dans les derniers moments de sa vie! J'hoche alors la tête, donnant l'accord à cet homme de me faire les "présentations".
Mais il ne fait rien. Il me fixe. Sans parler. Sans bouger. Mais j'ai besoin qu'il me parle, qu'il agisse. Je ne sais pas quoi, mais qu'il le fasse! Je le supplie du regard. Il doit.
Et il le fait. Doucement, il m'attrape les mains. Et mes pleures s'intensifient. Mais ma peine et mon désespoir s'estompent. Parce que j'ai l'impression qu'il partage tout avec moi. Il ne prend pas mon malheur, il le comprend juste. Et ça me suffit.
Je remarque cette rose tatouée sur sa main. Elle fait tout le dessus. Elle est belle, puissante, mystérieuse et rassurante. À son image.
Je relève la tête. Pour lui sourire. Maladroitement. Et peut-être que mon sourire ne semble pas sincère, ou bien qu'il n'est pas parfait. Mais je prends en lui la force de sourire. Pour le rassurer. Il s'inquiète. Je l'ai remarqué à ses sourcils à peine froncés. D'ailleurs, je pense être la seule à être attentive à lui, à ses gestes, ses mimiques, et sa douleur.Deux âmes perdues
Qui se découvrent;
Un moment suspendu
Où l'on se retrouve.

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La Sourde et la Brute
Romance"Parce qu'elle était une âme égarée Qui a rencontré son âme déboussolée; Il avait le talent de tuer Et elle celui de supporter; Il a suffit d'un seul regard Pour que chacun s'égare; Parce qu'il était un connard et elle un rempart Ils faisaient...