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À peine remise, que ce Pedro de malheur m'envoie déjà en mission. Il n'en loupe pas une! Si j'avais un minimum de cran, je l'aurais giflé. Parce quil m'énerve! Il m'agace à toujours penser qu'à son clan! Il ne pense pas à ses membres.
Preuve en est, il ne s'inquiète pas de son frère. Marco est épuisé. Je le sais. Je le vois. Et même si je suis toujours en colère contre lui, je vois bien que les évènements de la semaine passée l'ont épuisé.
Mais pour Pedro, c'est le cartel et les bénéfices d'abord. Alors, pas de soucis. Si j'ai appris une chose chez Tony, c'est qu'il faut toujours se montrer plus fort et indifférent que ce que l'on est réellement.
Le grand Pedro Esteves souhaite que l'on aille récupérer un bout de territoire dans le sud de Pereira, on va donc y aller. Et quand je dis "on", je parle de Moana, Alejandro, Amina, Anthony, Marco, Bennet et Nico. Et moi.
Pourquoi j'y vais? Je ne sais pas. Je ne devais plus participer à ce genre d'opération. Je ne comprends pas. Mais dans ce cartel, on ne discute pas les ordres du grand Pedro. Oui, il m'agace! Il m'agace quand il vient nous déranger Marissa et moi. Il m'agace quand il donne des ordres à la con. Il m'agace quand il ne se rend pas compte qu'il épuise ses membres.
Marco me jette un coup d'œil après avoir fait le traducteur pour moi. Je l'ignore. Je ne veux pas lui parler. C'est comme ça depuis notre dispute et je me porte bien. Est-ce la vérité?
Non. Je déteste être en froid avec lui. Parce qu'il me manque. J'aime son regard sur toi. J'aime quand il me parle en langue des signes. J'aimerais sentir de nouveau sa gorge vibrer quand il parle. Ce moment... il était magique pour moi. J'aimerais le revivre.
Amina se lève. Je fais comme elle. Je vois du coin de l'œil Pedro parler à Marissa. C'est une jolie brune, finalement. J'ai l'impression qu'elle s'épanouit parmi nous. Elle semble plus... souriante. Et ça la rend encore plus belle. D'ailleurs, je pense que son charme n'est pas passé inaperçu. Notamment auprès de Pedro.
Je suis Amina jusqu'à l'étage. Enfin, elle m'y traîne de force. Nous partons dans un quart d'heure. On a un peu de temps devant nous. Nous entrons dans ma chambre. Je me dirige vers mon armoire.
J'attrape un pantalon noir simple et un pull noir. Je me dirige vers ma salle de bain. Je me change rapidement et retourne dans ma chambre. Je m'arrête sur le pas de porte en voyant Marco. Mais pas Amina.
Quelques secondes, je fixe cet homme imposant, qui emplie la pièce entière rien qu'avec son charisme. Puis mon cerveau se remet en marche. Je reprends mon chemin, pour aller chercher des chaussures portables.
J'enfile mes baskets. Je sens le regard lourd et pesant de Marco sur moi. Qu'est-ce qu'il me veut le colosse de pierre? Est-ce qu'il est obligé de rester collé à la porte, les bras croisés sur son torse? Je me relève. Je m'avance vers cette porte. Parce que je veux sortir.

"Recule."

"Tu me parles maintenant?"

"M-A-R-C-O, laisses moi passer."

Il me jauge du regard, puis se décale. Je lui souris faussement et ouvre la porte. Je m'empresse, le plus naturellement du monde, de rejoindre la chambre d'Amina. Je jette tout de même un coup d'œil dans mon dos. Marco me fixe. Qu'est-ce qu'il me veut celui-là bon sang?

💠💠
💠

Je gare le SUV devant une maison de quartier, d'un style plutôt pauvre. Voilà à quoi je serre dans cette mission. Je dois conduire. Moi, Ava Santes, ayant vaincue il y a peu ma phobie des véhicules à quatre roues, conduis des mafieux à une mission. Je n'ai même pas le permis!
Marco qui est sur le siège passager le quitte. Les autres le suivent. Je fais quoi moi? Je ne fais aucune remarque. Je me détache, et me tourne pour lieux avoir en visuel ce qui se passe dehors. Ils sont une bonne quinzaine.
Marco semble donner les dernières instructions. Tout le monde hoche la tête. Ils vont commencer. Ils se séparent tous. Cinq s'avancent vers la maison, les dix autres les suivent pour les couvrir. Je crois
Anthony défonce la porte. C'est parti. En trente secondes, tout le monde est à l'intérieur. Et je ne vois plus rien. Je déteste ça. J'attends. Les secondes ressemblent à des heures. Je cherche à m'imaginer ce qui peut bien se passer dans cette maison.
Je m'imagine ces corps. Qui se battent. Une mêlée violente de coprs, de muscle, de chair. Ces coprs. Morts. Il doit y en avoir. C'est même très probable. Je suis sûre que les murs sont criblés de balles. Mais, pourquoi personne ne revient?
Je n'y tiens plus. Je quitte cette voiture et avance jusqu'à la porte laissée ouverte. Lentement, je passe ma tête. Couloir. Vide. J'avance. Il donne sur une grande salle. Comment je le sais? Il y a un miroir au bout.
Je peux voir sur ce miroir les morts, ceux qui se battent, la violence de ce qui se passe ici. Mon cœur loupe un battement lorsque je vois Amina éliminer de sang froid un homme, d'une simple balle dans la tête.
Puis, mes yeux se posent sur cette silhouette. Elle absorbe toute l'énergie de la pièce. Marco Esteves. Je le regarde. Il tire. Et chacun de ses tires tuent. Mais je ne vois pas que lui. Je vois cet homme derrière lui. Je le vois. Je l'observe. Et je comprends qu'il va s'en prendre à lui.
Sans que je puisse me contrôler, je fonce. J'entre dans cette grande pièce. J'attrape au hasard une arme. Enfin... une arme... il s'agit plutôt d'un ustensile pour cheminée. Enfin, je crois. J'ai attrapé ça au hasard à côté de la cheminée.
Mais je ne m'arrête pas. Je fonce. Je cours avec ce truc en fer dans mes mains. Et j'arrive rapidement derrière cet homme. Je lève les bras. Et je les baisse. Je ferme les yeux. Je ressens cette résistance. Celle d'un corps humain qui se fait frapper.
Puis, il n'y a plus de résistance. Alors j'ouvre les yeux pour comprendre. Et je comprends vite. L'homme est au sol, baignant dans du sang. Son crâne ouvert. Je lâche mon arme. Qu'est-ce que j'ai fait?
Je viens de tuer un homme. Moi, Ava Santes, je viens de tuer un homme. Je pose mes mains devant ma bouche. Il n'y a plus plus autour de moi. Non. Il n'y a que moi et ce coprs. J'ai réduis un être humain à un cadavre.
J'en oublie tout. Marco, les autres, le danger, les coups de feu, la raison de notre venue. Je ne vois que ce crâne ouvert. Je lui ai broyé le crâne. Broyé. Enfoncé. Il a un trou béant là où j'ai frappé. Sa matière grise s'en écoule. J'en ai un haut de cœur.
Mais, je n'ai pas le temps de continuer à regarder cet homme. On me pousse violemment sur le sol. Mes yeux se lèvent. Je vois Marco se mettre devant moi, puis se jeter sur un autre homme.
Je n'avais même pas vu qu'on m'avait braqué une arme sur moi. Marco frappe cet homme. Il le frappe. Ses poings se brisent sur ce visage. Je le fixe, apeurée.
J'ai peur de moi. De ce que je viens de faire pour le sauver. Parce que j'ai honte de ne pas culpabiliser. Une vie pour une autre. Ce n'est pas ça, la maxime des cartels?
J'ai peur de Marco. Parce que ce n'est pas me vrai Marco que j'ai face à moi. Il a les yeux tellement noirs que je ne vois plus ses pupilles. Il frappe sans s'arrêter. Mais l'homme qu'il frappe est déjà inerte.
Il y a du sang partout autour de nous. Partout. Nous baignons dans le sang. Il fait ça pour moi. Parce qu'on a essayé de me tuer. Qu'est-ce qu'il nous prend Marco? Nous sommes capables de tuer l'un pour l'autre. Pourquoi? Pourquoi je me sens bien?
Parce que je me sens en sécurité dans ce monde violent.
Quelqu'un vient chercher Marco. Anthony. Il le tire pour qu'il lâche ce corps. Je me sens tirée aussi. Rapidement, je me retrouve sur mes deux jambes. Je me tourne pour dévisager Amina.
Elle hoche la tête. Je fais comme elle. Je vais bien, mi amiga. Je vais bien. Je me sens étrangement apaisée. Pourtant, je viens de commettre un meurtre. Pourtant, Marco vient de commettre un meurtre.
J'ai tué pour lui, il a tué pour moi.
Tout le monde sort de cette maison. Je suis le mouvement, un peu dans ma bulle. Je me sens déconnectée du monde quelques secondes encore, jusqu'à ce que je retrouve de nouveau derrière le volant du SUV.
Je démarre et nous quittons les lieux. Marco est à mes côtés. Les autres derrière. Je tremble légèrement. L'adrénaline redescend. Au premier feu rouge, je laisse mes larmes couler.
Une main vient se poser sur ma joue. Je tourne ma tête. Je me mords la lèvre. Non pas pour l'empêcher de trembler à cause de mes sanglots. Non. Parce que j'ai envie d'embrasser cet homme.
Je te déteste Marco.
Je serais prête à tout pour toi.
Et ça me fait peur.
Il me fait un signe de tête. Il a comprit. Mais il m'interdit. Je pose mes yeux sur les deux passagers. Amina et Anthony me fixent en souriant. Ils ne comprennent pas. Leur sourire me soutient parce que je viens de tuer quelqu'un. C'est tout.
Mais j'ai toujours envie d'embrasser Marco.
¡Mierda!
Non! Il en est hors de question! Je ne laisserais pas mes sentiments pour lui prendre le dessus!
Mierda...
Mes sentiments...
Mes... sentiments...
Pourquoi faut-il que je réalise maintenant? Pourquoi seulement maintenant?

Parce que...
Tu es tombée Ava.
Tu es tombée très bas.
Tu es tombée pour lui.
Tu es tombée amoureuse...

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant