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J'ai couru tellement longtemps. Je culpabilise d'avoir prit autant de temps à traverser cette forêt. Si j'étais plus en forme, je serais plus performante pour sauver Marco.
Quand j'ai enfin atteint la ville, j'ai croisé un homme. J'ai eu peur. J'ai sorti mon arme. Il faisait nuit, j'avais peur. Mais il m'a sourit. J'ai lu sur ses lèvres. "Je reconnais cette arme."
La sortie de la forêt donnait sur un entrepôt qui appartient à Pedro. L'homme travaille pour lui. Il a vite comprit que j'étais sourde et muette. Mais je devais lui expliquer.
Mais je devais aussi partir. Je devais rentrer à Pereira. Il m'a fourni une feuille et un stylo. Je lui expliquais. Et vingt minutes plus tard, on était était voiture. Escorté par deux autres voitures. Il a appelé Pedro.
Pedro voulait me parler. Quel con celui-là! Il sait que je ne peux pas parler. Mais pour qu'il soit sûr que c'était moi, j'ai fais vibrer mes cordes vocales pour sortir des sons.
Apparemment il y a cru. Ils m'attendent tous. C'est ce que l'homme m'a dit. Nous roulons depuis des heures. Je suis épuisée, j'ai mal, mais je m'interdis de m'endormir.
Marco. Ses yeux noirs. Il me manque. J'ai peur pour lui. Je retiens mes larmes. Parce qu'il ne voudrait pas que je pleure pour ça. Au contraire. Il serait fière de moi que j'ai pu réussir aussi vite.
Mais ça fait déjà dix heures que l'attaque a eu lieu. J'ai peur qu'il soit trop tard. J'ai tellement peur. Qu'est-ce que je ferais sans Marco? J'ai besoin de lui. De son amour. De sa personne.
Et Pedro. Et leur père. Leur tante. Et les autres. Ils m'en voudraient tous. Et je m'en voudrais encore plus. On parlait famille et sérénité ensemble! ¡Mierda!
Alors pourquoi? Pourquoi a-t-il fallu qu'on me retire tout ça? Pourquoi a-t-il fallu qu'on vienne s'en prendre à lui? À moi? Je ne supporte pas l'idée de le savoir seul, avec ses hommes.
Peut-être d'ailleurs qu'il les a tous tué. Qu'il a réussi. Et qu'il cherche après moi. Qu'il cherche à me retrouver pour qu'on rentre ensemble. Marco est fort. Il est capable de tout.
Peut-être que je l'idéalise trop. Peut-être qu'il a reçu une balle, qui s'est vidé de son sang, seul, au milieu de cette forêt. Peut-être qu'ils l'ont torturé.
S'il est mort, que font-ils de son corps? S'il est mort, je voudrais qu'on l'enterre. Que je puisse continuer à lui rendre visite. À rêver à ses côtés.
S'il est mort, je regrette de ne pas être morte à ses côtés, avec lui. Comme Roméo et Juliette. Je ne peux pas imaginer une vie sans Marco. Bon dieu! Je l'aime de toute mon âme!
Je sursaute lorsqu'une main se pose sur ma jambe. Celle qui trésaute lorsque je suis au bord de la crise d'angoisse. Je tourne la tête vers le conducteur. L'homme à qui je dois beaucoup.
Peut-être que grâce à son appel, Pedro a eu le temps de retrouver Marco. Peut-être que lorsque l'on arrivera il m'attendra sur les marches du perron. J'espère. Mais je me berce d'illusions. Encore et encore.
L'homme demande quelque chose à un autre homme derrière nous. Je n'ai pas réussi à lire sur ses lèvres. Sûrement à cause du stress. Et de cette satané peur qui m'étouffe. L'homme derrière moi me tend une feuille. Je lis.

"Le chef demande si ça va. Il vous dit aussi d'arrêter de vous inquiéter. Et qu'il faudrait soigner votre bras quand nous arriverons dans une dizaine de minutes."

Dix minutes. Ce seront les plus longues de ma vie. J'hoche simplement la tête. S'il pouvait accélérer pour que nous puissions arriver encore plus rapidement!
Je souris presque en voyant le panneau de Pereira passer sous mes yeux. Je connais la route après. Cinq minutes. Bon dieu... Que le temps est assassin quand il y a urgence.
Nous passons un entrepôt vide. Après, il y a la campagne. Là où il y a la villa. Trois minutes. Je regarde l'environnement. Mais je ne parviens pas à me calmer.
Deux minutes. Je me détache. Je m'en fiche si c'est dangereux où quoi que ce soit. J'étouffe. Je veux sortir de cette voiture, vois son visage. Je veux retrouver Marco. Je le veux.
Une minute. Je tient la poignée de porte. Je veux le voir. Qu'il me dise que c'était une blague. Qu'il va bien. Ou qu'il les a tous tué. Je m'en fiche qu'il les ait tous tué et torturé. S'il va bien.
La voiture se gare devant la villa. Je sors en catastrophe. Et je cours. Je suis épuisée, j'ai faim, j'ai mal, mais je cours. Je cours jusqu'à la porte qui s'ouvre quand je commence à monter les escaliers.
Ce n'est pas lui. Mes espoirs s'envolent. Marco... Je prie en silence. Qu'il soit à l'intérieur. Je laisse Felicia m'aider à rentrer dans la villa. Mes jambes ne me supportent plus. Mais je me force.
Nous arrivons au salon. Ou je retrouve uniquement Amina et Francesco. Felicia m'installe sur le canapé. Ils ont déjà préparé mes soins. L'homme a du les prévenir de mon état. Mais je m'en moque. Je cherche à me relever. Marco n'est pas là. Alors je dois voir Pedro.

"Restes assise." me gronde Amina.

"Je dois voir P-E-D-R-O. Je dois le voir."

"On va te soigner."

"Non. Je veux voir P-E-D-R-O."

"Il n'est pas là. Il est sorti."

Quoi? Comment ose-t-il quitter cette villa alors que son frère, l'homme que j'aime, est peut-être mort!? Une rage sourde s'encre en moi. Je vais me le faire. En attendant, je laisse Felicia s'occuper de moi. Ça ne serre à rien de m'agiter, je ne peux rien faire sans Pedro.

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Moana cherche à me faire manger. Mais je n'ai pas faim. Je veux retrouver Marco. Et je veux voir Pedro. Ça fait deux heures que je l'attends. Apparemment, il ne va pas tarder à rentrer.
Personne n'a voulu me dire où il était parti. Mais il n'est pas parti seul. Il y avait Marissa avec lui. Alejandro. Anthony. Giotto. Et d'autres encore. Je ne sais pas si ça doit me rassurer.
En tout cas, les hommes qui m'ont ramené ici sont restés. Ils sont avec nous. Ils attendent. Je crois qu'ils sont prêts à se battre pour Marco. Le premier homme sur qui je suis tombée tombée sortant la forêt m'a expliqué comment il avait su.
C'est un ami de leur père. C'est lui qui a entraîné Marco. Leur père s'occupait de Pedro, car c'est lui qui devait reprendre le clan. Alors on lui a confié la formation de Marco. Et il lui a offert cette arme quand il a su que Marco était prêt. Il a reconnu l'arme.
Moana abandonne et délaisse mon assiette sur la table basse du salon. Je m'en fous de son ragoût à la con. Je fixe la porte d'entrée. Mais je garde un œil sur le comportement de tout le monde. Ils sauront avant moi si quelqu'un arrive.
Amina se redresse sur sa fauteuil. Et au même moment, la porte d'entrée s'ouvre. Anthony. Ses yeux se posent sur moi avec tant de... pitié. Oh non! Pas ça. Il est suivit d'Alejandro et de Marissa. Mais je ne m'occupe pas d'eux.
Je me lève dès que je le vois. C'est le même. Et quelques seconde je crois voir Marco. Mais non, c'est Pedro. C'est bien lui. D'autres hommes entrent derrière lui alors qu'il avance dans le salon. Il jette un coup d'œil à ceux qui m'ont ramené. Il y a beaucoup de nostalgie dans son regard.
Puis, enfin, il semble me remarquer. Mais trop tard. Je m'avance vers lui. Et, une fois face à ce mastodonte de muscles, je le gifle. Et je signe directement après.

"Pourquoi tu n'étais pas là? Où étais-tu? Il n'est pas avec toi!"

Je ne sais pas ce que je raconte. Mais je suis fatiguée. Je ne finis pas le discours que j'avais préparé. Je fonds en larmes. Il n'est pas là. Cette réalité me tue.
Deux bras viennent m'encercler. Et je pleure. Je pleure parce que je sais que Pedro me comprend. C'est son frère après tout. Je peux me permettre de laisser ma peine couler. Je m'accroche à lui.
J'ai besoin d'un pilier. De quelqu'un qui puisse m'aider et me soutenir dans cette épreuve. Je ne peux pas perdre Marco. Et c'est la même chose pour Pedro.
Il vient sécher mes larmes rapidement. Pas de temps à perdre dans le sentimental. Marco détesterait me voir pleurer ainsi. Surtout dans les bras de son frère. Il serait même jaloux.
Amina s'approche. Je suis toujours dans mes bras de Pedro. Je crois qu'il a besoin de ça aussi. On ne rompt pas le contact. Nous sommes deux êtres en désolation. Je sens son torse vibrer. Il parle à Amina. Je me tourne vers elle. Elle traduit en langue des signes.

"Il était sur place. Il sait où est M-A-R-C-O. Il va aller le chercher. Il te le promet. Mais ça ne sera pas aujourd'hui ni demain. Parce que l'homme qui détient M-A-R-C-O est un homme qu'ils connaissent bien. Fais lui confiance. A-V-A, je t'en prie, fais lui confiance."

Marco. Il sait où il est. Il sait. Et il sait ce qu'il va faire. Je le sens. Parce que quand Amina a commencé à traduire, il m'a serré plus fort. Il sait.
Je relève la tête vers lui. Les mêmes yeux noirs. Ça me transperce le cœur. Mais je dois faire tout mon possible pour l'aider à retourner Marco. Et ça commence par consolider mon mental. Plus de larmes jusqu'à ce qu'on le retrouve.
J'hoche la tête. Oui. Je te fais confiance Pedro. Sur ce coup ci, je te fais amplement confiance. Parce que je sais que tu feras tout pour aller chercher ton frère. Pardonnes moi d'en avoir douté.
Il me fait signe de regarde Amina. Elle traduit de nouveau en souriant.

"Il dit que tu es la femme parfaite pour son frère. Et qu'il regrette toute cette histoire, depuis le début. Le tout début. Il voit comme tu aimes M-A-R-C-O. Et il fera tout pour que vous viviez cet amour. Nous irons tous le chercher."

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant