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Point de vue: Moana

J'esquive un coup de pied d'Alejandro. Il ne s'arrête pas là. Il continue à m'envoyer des coups que j'évite. Coup de poing. Crochet. Uppercut. J'évite. Je souris en coin. Mais ma fierté vaut mon échec. Je me prends un sévère coup de coude dans les côtes, puis je tombe sur les fesses alors qu'Alejandro me pousse.
Mon sourire ne me quitte pas. Il m'a TRÈS gentiment poussé. Il me tend sa main. Je l'attrape alors qu'il me tire pour que je me relève. Mais c'est mal me connaître Alejandro. N'as-tu rien appris sur moi? Je suis aussi douce que malicieuse.
Sans attendre, je lui fais une clé de bras pour le plaquer en quelques micro-secondes au sol, après avoir placé ma jambe derrière la sienne. Il tombe lourdement sur le tatamis. Je me place sur lui, et place son doigt sous sa gorge pour imiter un couteau.
Je souris, très fière de moi, et me sentant victorieuse. Il me fixe avant d'expirer. J'ai gagné! Et j'en suis ravie! Ma respiration se calme petit à petit. C'est donc seulement maintenant que je remarque que je suis épuisée. Merde... Je dois être en forme aujourd'hui...

-Bien joué, me complimente Alejandro.
-Merci. Pas trop touché dans ton estime?
-Absolument pas. Bien au contraire. Je suis fière de t'avoir entraîné. Aujourd'hui, c'était la dernière séance.
-C'est vrai? Mais... pourquoi tu ne me l'as pas dit?
-Pour ne pas que tu te relâches. Et je suis très fière de toi, Moana.
-Mais... on ne s'entraînera plus ensemble alors?

Je le savais. Qu'un jour, tout ces moments rien qu'à deux finiraient. Mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit si tôt. Je suis ici depuis presque neuf mois maintenant! C'est trop tôt. Pour moi, en tout cas. Et puis, si je suis apte à obtenir mon poste...
Tout ça veut donc dire que les missions d'infiltrations vont commencer, et que je vais m'éloigner de plus en plus d'Alejandro. Cette idée me transperce le cœur. Et ça me fout en rogne. Dois-je pleurer ou péter les plombs?

-Eh... mi bella... ne pleures pas...

Bon... mon corps a choisi pour moi apparemment. Alejandro lève la main pour venir essuyer mes larmes que je n'avais même pas sentie. Tu es une idiote Moana Wong. Pleurer pour un homme...

-Je ne pleures pas...

Je me redresse sauvagement, ne souhaitant pas rester une seconde de plus proche de lui. J'essuie avec rage mes larmes de faiblesse et je m'avance vers la porte de sortie.
Au même moment, cette dernière s'ouvre. Marco. Il regarde Alejandro, que j'entends se lever dans mon dos, puis moi. Et ses sourcils se froncent. Il doit se faire un scénario incroyable dans sa tête de gangster paranoïaque.

-Il t'a touché?
-Quoi?

Je jette un coup d'œil à Alejandro. Nous avons posé la question en même temps.

-Tu pleures. Alors je demande si...
-Je ne pleure pas!
-Euh... si... Je sais...
-Tu viens pour quoi Marco?
-Bah... on part en mission. Mais tu es sûre que ça va Moana?
-Ça va très bien. Allons-y.

Les deux hommes de la pièce me regardent. Allez vous faire foutre! Vous me faites chier! Alejandro et sa bonne humeur et ses yeux marrons magnifiques à la con! Et puis Marco et ses ordres à la con!

💠💠
💠

Anthony se gare devant une sorte d'entrepôt. Il y a des hommes armées qui montent la garde. Ils nous ont laissé passer à la suite du véhicule de Marco, dans lequel il se trouve avec Pedro, Ava et Giotto. Moi, je suis avec Anthony, Alejandro et Amina. Et j'ai du supporter leur échange houleux -comme toujours- durant tout le trajet.
Anthony se gare. Je sors du véhicule, suivie des autres. Notre groupe de mission au complet, et Pedro en tête de troupe, nous pénétrons dans ce lieux. Rapidement, un homme nous escorte jusqu'à la salle principale.
Je dévisage la brune aux courtes boucles. Belle, séduisante et impressionnante. Elle porte un pantalon moulant en daim noir, un haut noir simple, une veste de tailleur violette pétante, et des bottes à talons blanches. Plutôt pas mal.
Je reste à mon poste. Pedro et Marco s'avancent vers elle. Je jette un -très- rapide coup d'œil à mes coéquipiers. Amina et Anthony sont sur le qui-vive. Ava découvre son environnement mais reste concentrée. Giotto et Alejandro sont restés aux voitures, où jouent parfaitement les gardes.

-Les frères Esteves en personne! Quel plaisir!
-Olivio Hernandez, nous sommes ravie de vous rencontrer, sourit Pedro.

Et il ne ment pas. Il doit ressentir un vrai plaisir à rencontrer cette magnifique femme presque indisponible. Il s'est battu pour pouvoir travailler avec elle et réussir à obtenir une alliance. Cette alliance sera de poids. Aujourd'hui, elle nous a dégoté des armes du monde entier. Des mises en bouche de ce qu'elle est capable de nous fournir.

-Vous vous ressemblez presque trop. Mais, Pedro est légèrement plus petit.
-En effet. Et c'est bien moi que vous avez eu au téléphone.
-Oh! Mais je le sais bien! J'ai reconnu cette voix suave et frissonnante. Et puis, j'ai fait mes recherches.
-Moi aussi.
-Pedro Esteves! Je vous aime déjà! Alors, passons aux choses sérieuses maintenant. Je déteste tergiverser.
-Je suis bien d'accord.

Ces deux-là sont fait pour collaborer. J'entrevois même un sourire sur les lèvres de Pedro! Le fait d'avoir trouvé son sosie au féminin lui plaît à ce point? Ça ne m'étonne pas...

-Alors... Un million c'est ça? reprend Olivia.
-Tout est là.
-Karl, amènes ces sacs dans la caisse. Bill a déjà mit vos marchandises dans vos véhicules.
-Déjà? s'étonne Marco.
-Marco, Marco, Marco... Il faut que vous appreniez à travailler avec moi. Et, pour cela, je dois vous donner le diction qui guide ma vie. "Le temps, c'est de l'argent". Alors, je ne perds jamais de temps.
-Nous non plus, répond Pedro. Alors, je nous souhaite une future collaboration aussi fructueuse.
-Mais je suis devenue votre alliée, Pedro. Ça me semble donc évident que vous et moi nous reverrons pour commercer. Mon père avait coutume de souhaiter bonne journée à ses collaborateurs. Mais moi, je préfère leur souhaiter bonheur dans les affaires.
-À vous également, Olivia.

Sur ces mots, la jeune femme quitte la pièce par une porte latérale. Pedro nous fait signe de partir. Nous nous exécutons.
Cet échange avec Olivia Hernandez était... étrange. De toute façon, cette femme est étrange. En fait, ça me fait surtout bizarre d'avoir croisé quelqu'un d'aussi semblable à Pedro.
Elle est aussi honnête et sans filtre que lui. Elle n'a pas froid aux yeux. Elle reste respectueuse et polie envers ses "amis". Je ne sais pas si je dois l'apprécier, la voir comme une simple alliée ou une femme complètement loufoque. Peut-être et sûrement les trois en même temps.
Une fois à l'extérieur de l'entrepôt, je pose mon regard sur Alejandro qui discute gaiement Avé Giotto -qui lui est plutôt fermé. Un sourire débile prend possession de mes lèvres quand je regarde Alejandro. Cet homme m'énerve.
Je suis encore triste et perdue. Par rapport à tout à l'heure. C'était notre dernière séance ensemble. Ça me brise le cœur. J'ai appris à apprécier cet homme qui se démarque tant dans ce cartel noir. Une touche de blanc. Ou de couleur. Tout dépend de ses chemises.
Peut-être que je suis encore trop jeune et stupide, mais sans tellement m'en rendre compte, j'ai développé... Non! Je ne dois penser à ça! Je me trompe. Je le respecte, je suis intimidée, mais rien de plus! De toute façon, c'est hors de question.
Parce que l'amour c'est dangereux. Aimer est dangereux. Parce que les personnes aimées finissent par disparaître. Qu'elles le veuillent ou non. Comme mes parents. J'avais deux ans quand ils sont morts dans un incendie.
Certes, je ne les ai presque pas connu, mais je les aime quand même. Parce que ce sont mes parents, et que je sais que c'était des gens biens. Ils n'ont pas non plus voulu mourir. Mais ils ont préféré me sauver que de se sauver eux. C'est pour ça que je suis ici aujourd'hui. Et c'est pour ça, aussi, que je les aime.

-Moana, en voiture, m'interpelle Anthony.

J'hoche la tête et monte dans le gros 4x4. J'évite soigneusement le regard inquiet et questionneur d'Alejandro. J'ai simplement eu un instant d'absence. Ça ne m'arrivera plus.
Et je m'énerve en silence. Parce qu'Alejandro m'a ignoré et a évité mon regard pour le trajet de l'aller, et qu'il souhaite sur le trajet du retour croiser mon regard. Mais non. Ça ne marche pas comme ça. Et puis, je ne suis pas d'humeur.

Parce que je sais que l'amour est dangereux,
Je préfère enfouir mes émotions dans un sol boueux.
Tu n'obtiendra rien de moi,
Même si je suis déjà toute à toi.

La Sourde et la BruteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant