J'ai pleuré des heures, il me semble. En réalité, je n'ai plus la notion du temps. Je me suis endormie, épuisée, exténuée par mes pleures et mes coups. Puis je me suis réveillée. Tiraillée dans mes jambes. Je les ai alors frotté. Et j'ai senti la douleur sur ma jambe droite. Et j'ai senti le verre dans cette plaie. Je l'ai retiré.
J'ai grogné. J'ai saigné. Puis j'ai accepté. Je me suis laissée aller. Et depuis, ma tête repose à même le sol. Je suis allongée sur le côté. Parfois je tousse. Parce qu'il y a cette odeur de mort. Je crois que c'est une odeur de corps mort... Parce que ça dégoûte. Et je prie pour toutes ces âmes. Pour la mienne aussi.
J'ai froid aussi. Peut-être que la nuit est tombée. Les frissons me prennent. Je crois que j'ai aussi de la fièvre. Infection. J'en suis certaine. C'est à cause de mes plaies. Il faudrait les soigner. Mais ce n'est pas de mon ressort. Je ne pense pas être en position de quémander des soins.
Mon cœur loupe un battement quand, sans que je n'y comprenne rien, on m'attrape violemment par le bras. Apeurée, et affaiblie par mes coups, mon désespoir et ma crise de panique, mon seul réflexe est de fermer les yeux quelques secondes. Mes pieds touchent soudainement terre. Et ça me fait ouvrir les yeux. Ce regard. Oh oui... ce regard.
Je n'ai le temps de rien que déjà, il me gifle, m'attrape par la gorge et me plaque contre le mur. Je gémis. Ça vibre dans ma gorge. Sous sa main qui m'empêche d'avaler ma salive. Et mes larmes font de nouveau surface. Je ne veux pas pleurer, parce que ça leur fait plaisir. Mais c'est plus fort que moi. Je suis faible, j'ai peur. Je n'ai que les pleurs.
Je remarque alors que la lumière est allumée. J'en profite pour dévisager la pièce. Ma cellule. Une chaise renversée au milieu de la pièce. La porte en fer qui est ouverte. Il y a un autre homme dehors.
J'empoigne ce bras qui m'étrangle. Pourquoi? Pourquoi me faire du mal? Je repousse cet homme. Il ne bouge pas. JE NE VEUX PAS MOURIR! Mes yeux se posent sur cette bouche. Il me parle. Enfin, il me hurle dessus. Mais je ne comprends pas. Et je sais que c'est ça qui le met en colère. Comme l'autre.
Il me fixe tandis que je porte à mon oreille ma main tremblante. Il doit savoir. Il doit comprendre. Je secoue vivement la tête. Je n'entends pas! Et je fais la même chose pour ma bouche. Je ne parle pas! Et la pression se fait de moins en moins forte. Jusqu'à ce que ses doigts ne reposent plus que sur mon cou.
Ses lèvres bougent. Et je comprends. Parce que je sais lire sur ses lèvres ces mots que j'ai souvent vu."Sourde?"
J'hoche la tête. Mes larmes sèchent sur mes joues. Et puis je le vois de nouveau bouger les lèvres. Mais pour lui. Il doit probablement jurer. Finalement, il se détache de moi, me tourne le dos. Je vois alors cette arme coincer dans son pantalon. Et j'en tremble de peur. Je revois Sarah et les deux balles qui l'ont défigurées.
Ce regard noir se pose sur moi. Serait-ce un sourire que j'entrevois? Non. Impossible. Parce qu'un homme qui tue ne peut pas sourire. Il s'approche de moi, m'attape le bras fermement, me faisant comprendre que même s'il ne me fera pas de mal, je ne partirais pas. Puis il m'emmène avec lui. Je n'ai pas le choix.
Je suis faible. Je dois donc préciser qu'il traîne ma carcasse. On sort de la cellule. Mon cœur se gonfle. L'odeur de putréfaction est plus forte ici. Une nausées me prend mais je la réprimande. Si je lui vomis dessus, il me tuera. Nous passons devant cet homme. Grand, cheveux très courts. Dans d'autres circonstances j'aurais ri de cette affreuse chemise à fleurs qu'il porte. Mais pas aujourd'hui.
Il nous suit. Et nous longeons des couloirs. Quelques secondes, peut-être une minutes à peine, mais c'est comme traverser l'Enfer durant une éternité. Parce que ça sent la mort. Parce qu'il a y d'autres cellules. Donc d'autres moi. Je prie pour ceux qui n'y sont plus, ceux qui y sont, et y seront. Nous arrivons face à des escaliers, nous les montons, nous arrivons à une porte, nous la traversons.
Je plisse les yeux. Parce que la lumière m'éblouie. Je mets quelques temps à me conformer à mon environnement. Une grande salle. Salon et salle à manger. C'est grand. Immense. Mais la lumière vient des luminaires. Dehors, il fait nuit. Rapidement, je me retrouve au milieu de ce salon, toujours tenue par ce regard noir.
Six personnes m'entourent. Mais je n'en reconnais qu'une seule. Et je panique. Je suffoque. Ça me fait mal. Je cherche à fuir, me débattant. Mais mon tortionnaire s'en moque. Il ne bouge pas. Mais j'ai peur! Je ne veux pas être devant cet homme! Le regard noir me secoue. Je pose mes yeux sur lui.
Il est de profil, je ne le vois pas beaucoup, mais je sais. Il crit après cet homme. Son regard est mauvais. Oh non! L'autre se lève. Mais ne répond pas. Il écoute. Que dit-il? Puis tout semble se calmer. Et mon bourreau, celui qui m'a battu, répond. Ses lèvres bougent. Mais je ne comprends pas tout. Je ne sais pas bien lire sur les lèvres.
Le regard noir se tourne vers moi après avoir fait un signe à deux femmes. Puis il me tire. Et je le suis de nouveau. Suis-je réduite à être une simple poupée que l'on balade? Il faut croire que oui. Nous rejoignons l'escalier, qui fait face à une cuisine -me semble-t-il-, puis nous le montons. Je regarde derrière moi pour voir que les deux femmes nous suivent. Une blonde mate, et une brune aux cheveux courts.
L'homme qui me tient toujours le bras ouvre une porte au fond d'un couloir luxueux, et nous entrons tous les quatre dans cette chambre. Une chambre? Je dois ressembler à une hystérique à regarder partout autour de moi, apeurée comme une brebis égarée. La blonde reste près de la porte. La brune s'approche de moi.
Et c'est uniquement maintenant que je me rends compte que l'homme m'a lâché. Il fouille dans une armoire. Quoi? Qu'est-ce qu'ils vont faire? La brune me sourit. Mais j'ai peur. Pourtant son visage me rassure. Quel âge a-t-elle? Elle semble plus âgée que moi, même si elle reste jeune.
Je recule. Non. Je ne veux pas qu'on m'approche! Elle avance. Je recule. Ses lèvres bougent. Je n'arrive pas à comprendre. Et ça m'énerve. Je sursaute lorsque mon dos rencontre le mur derrière moi. Vont-ils me torturer?
Je pose les yeux sur l'homme. Il vient de déposer sur le grand lit une trousse de soin, des vêtements, un carnet et un stylo... Ils veulent me venir en aide. Mais j'ai peur. Quand la brune se trouve face à moi et qu'elle m'attrape gentiment le bras, je me laisse porter. La dernière personne à m'avoir donné un semblant de tendresse était... Sarah. Non. Ne pas penser à elle.
On m'oblige à m'asseoir. Le regard de la blonde me fait peur. Elle ne m'aime pas. Parce qu'elle me fusille du regard. Et je me mets à pleurer. Comme une fillette de dix ans. L'homme la regarde et elle sort. Lui a-t-il dit quelque chose? Je n'ai pas entendu, et je n'ai pas vu, puisqu'il était dos à moi.
Une main se pose sur ma cuisse, me faisant sortir de ma léthargie. Et je grogne. Je crois que mes grognements sont moches. Parce que la brune a un mouvement de recul. Elle se reprend très vite. J'oublie son comportement lorsqu'elle commence à soigner mes plaies superficielles. D'abord mon visage qui doit être atroce. Ça pique. Je grimace. Elle met un pansement sur mon nez, un autre sur ma lèvre et un dernier sur mon front.
Elle continue avec mes bras nus. Blessés. Mais je ne souffre pas trop. C'est rapide parce que c'est superficiel. Puis elle commence mes jambes, nues également. Et d'un coup j'ai honte et j'ai mal. Honte de mon corps imparfait, peu couvert à cause de mes vêtements. Ceux que je porte sans honte à la maison quand il fait trop chaud.
On me tape sur l'épaule. Je sursaute en me retournant. C'est l'homme. Il me tend le carnet et le stylo, en me montrant la première page gribouillée de son écriture. J'aime son écriture. Fine, légère et pourtant si imposée. Je lis."Quel est ton nom?"
J'avale difficilement ma salive. Et je décide de signer mon prénom. J'ai peu de connaissance en langue des signes. Nous étions toujours trop pauvre pour que je puisse suivre des cours, tous payants. Mais j'ai appris un peu en croisant un sourd, une fois. L'homme face à moi fronce les sourcils. Il ne parle pas la langue des signes. Alors je prends le carnet, écris et lui rends.
"Ava."
Il sourit. Je crois. Non. Un homme comme lui ne peut pas sourire. Je sens une affreuse douleur me lancer dans la jambe. Je grogne de toutes mes forces en joignant mon poing à ma bouche. Je le mords.
Ma douleur ne s'arrête pas. C'est cette plaie. La brune retire avec une pince les bouts de verre. Je ne regard pas. L'homme me tend à nouveau le carnet. Je lis."As-tu mal?"
J'hoche simplement la tête. Et ses lèvres se mouvent. Je comprends. Il demande à la brune de me donner de l'anti-douleur. Je ne pense pas que ça soignera mes blessures, mais ça peut me soulager.

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La Sourde et la Brute
Romantiek"Parce qu'elle était une âme égarée Qui a rencontré son âme déboussolée; Il avait le talent de tuer Et elle celui de supporter; Il a suffit d'un seul regard Pour que chacun s'égare; Parce qu'il était un connard et elle un rempart Ils faisaient...