Chapitre 19

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Daryl

Avant qu'elle n'atteigne son menton, j'essuie une larme sur le visage de mon beau brun. Ses lèvres tremblantes m'indiquent qu'une nouvelle crise de larme pointe le bout de son nez. Malgré tous mes efforts pour lui faire oublier sa peine, celle-ci revient gâcher l'atmosphère détendue que je croyais avoir installée. Après ma déclaration sur la vie et toutes les belles choses qui nous entourent, j'espérais au moins un tout petit sourire.

Minuscule.

Il faut croire que j'ai encore du travail à faire. Je suis si maladroit ! Pourtant j'essaie ! De toutes les fibres de mon corps, je m'efforce de le rendre heureux. Cette envie irrépressible de lui crier combien il est magnifique ne me quitte jamais. Je voudrais lui hurler qu'il est un homme accompli, mais je sais reconnaître quand je m'y prends mal.

Puisque les compliments ne fonctionnent pas, je garde tout ce que je souhaite lui dire pour plus tard. Peut-être qu'après notre activité il sera moins à fleur de peau.

Attendre le bon moment...

La patience n'a jamais été mon truc, sauf que pour lui, je suis prêt à faire un million d'exceptions. Il mérite d'être mon centre d'attention, mon centre du monde.

Faute de mieux, j'en reviens à mon plan B : l'occuper pour ne pas qu'il craque.

— Tu es prêt pour notre première activité ? déclaré-je de ma voix pimpante. Je l'admets, ce ne sera pas aussi excitant que la deuxième, mais elle va te changer les idées, sinon je ne m'appelle pas White.

Il prend un temps considérable pour me répondre. Sa tête se voûte, puis il murmure des paroles qui me serrent le cœur.

— Oui, ce sera toujours mieux que d'essayer sans cesse de me rassurer, me répond-il d'un ton déçu.

Attendait-il quelque chose ? Je fronce les sourcils, cherchant en vain ce qui peut bien lui donner cet air dépité. À bout d'idées, j'essaie de lui communiquer un peu de mon entrain perpétuel.

— Hé ! Ne sois pas si pessimiste, lui réponds-je en passant un bras sur ses épaules tout en l'attirant jusqu'au bout du sentier. Tu verras qu'il faut prendre notre première étape avec un grain de sel.

Dorian soupire profondément. L'impression qu'il me cache quelque chose refait surface. Ses yeux énigmatiques sont de retour, encore plus noirs que la veille.

— Tu vas enfin me dire ce que l'on fait ici ? demande-t-il alors que nous arrivons à destination.

Percuté par sa voix qui vient de changer du tout au tout, je reste un moment à l'observer. Il a cette façade qu'il utilise devant son père pour ne pas lui montrer ses émotions. J'ai merdé, je le sais, mais je n'ai aucune idée de ce que j'ai pu faire ou dire pour qu'il se retranche à nouveau derrière sa fausse indifférence.

Est-ce que je devrais lâcher prise et le ramener à Montréal ?

Je m'apprête à lui offrir de repartir quand la porte de la cabane s'ouvre sur une vieille Amérindienne aux longues tresses grisonnantes. C'est peut-être un signe pour me rappeler de ne pas abandonner Dorian.

Sur le pas de la porte, la femme, vêtue d'une jupe traînant presqu'au sol, commence à parler dans une langue qui m'est inconnue. Elle exécute ensuite de grands gestes de ses bras, ce qui nous confirme qu'elle nous invite à entrer. Je pousse Dorian vers la chaumière, à peine deux fois plus grande que notre motorisé, sans laisser paraître que j'ai deviné son état d'esprit.

En pénétrant dans l'habitation, on se retrouve enveloppés de la culture algonquienne de par ses multiples décorations indigènes. Accroché au mur du fond, un canoë aux bancs tressés surplombe le canapé recouvert de la peau d'un énorme animal. La fourrure brune me porte à croire qu'il s'agit probablement de celle d'un orignal. Plus loin, un couvre-chef, paré de longues plumes, prend place sur un meuble de bois fabriqué à la main. De superbes capteurs de rêves sont suspendus ici et là, signe que l'on peut en acheter directement à la source.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant