Chapitre 43

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Dorian

Notre période de supposé deuil est beaucoup trop longue. Je veux retourner sur les pistes de course, mais Brandon m'assure que ce n'est pas le moment. Si seulement je vivais de la tristesse pour le départ de papa, cela pourrait m'aider.

Le seul sentiment qui me hante, en ce moment, c'est plutôt le remords. Jenny est revenue à la charge, il y a quelques jours. Au lendemain de l'enterrement, elle m'a fait savoir que Daryl n'allait pas bien du tout et qu'il se laissait aller dans un état pas très loin de la dépression. Elle a joint une photo de l'amour de ma vie qui m'a fendu le cœur. Il est encore pire que ce que j'imaginais. À mon avis, il n'a pas rasé sa barbe depuis que je l'ai quitté. Ses yeux sont cernés et si sombres. Rien à voir avec ce vert émeraude que je lui connais.

Évidemment, Jenny n'a pas envoyé qu'un seul cliché. Le second est encore plus saisissant. Il pleure, assis sur son lit, l'air hagard. Si ce n'était que cela, je pourrais toujours me dire qu'il s'en remettra, mais ce n'est que la pointe de l'iceberg. Sur les photos, il porte des cols roulés. Ce n'est pas du tout son type de vêtements. Et comme je le soupçonnais, Jenny m'a fait savoir qu'il les utilise pour cacher ses cicatrices. Je lui ai dit qu'il finirait par s'y faire. Après tout, il est beau autant de l'intérieur que de l'extérieur. Cependant, elle a vite fait de me remettre à l'ordre. Selon elle, il ne les supporte pas, car il croit qu'elles sont la raison de notre rupture.

Mon ange ne peut pas douter de lui à ce point. Il est si fort en toute circonstance. C'est difficile de croire que notre séparation l'affecte autant et, surtout, qu'il croit que je l'ai laissé tomber pour de simples cicatrices. Au cours des derniers jours, je me suis surpris à m'imaginer ce qu'aurait pu être notre vie à deux. Et à chaque fois, je me suis dit qu'il serait mieux sans moi.

Je sais que papa n'est plus là et que le risque de le rendre malheureux est diminué de moitié. Cela n'empêche pas que j'ai été lâche et que je me sens injustifié de revenir auprès de lui. Il ne pourrait jamais me pardonner d'avoir fui, même si j'essayais seulement de lui éviter de sombrer avec moi, de le protéger d'un futur instable en ma compagnie.

C'est le rire spontané de maman qui me sort de mes pensées obsessionnelles. Elle est assise à ma droite, s'amusant avec Carlos qui lui tient la main. Ce gars est toujours là, la faisant rire sans arrêt, ce qui était improbable, il y a un peu plus d'un mois. Bien sûr, il est jeune, et elle dans la fleur de l'âge, sauf que si cela redonne un second souffle à la mère que j'ai connue, qui suis-je pour les juger ? Je serais un connard si je m'interposais à cette relation qui semble encore platonique. «Encore» est bien le terme, car chaque fois que je les vois ensemble, il me semble qu'ils se rapprochent toujours un peu. Ça viendra, je le sais.

Enfin, j'imagine que nous avons une famille atypique. Si je suis étonné de la relation qu'il y a entre Carlos et maman, c'est bien Brandon qui a trouvé le moyen de tous nous stupéfier quand il est arrivé aux funérailles de papa en charmante compagnie. Qu'il soit accompagné ne nous a pas surpris, loin de là. Il aime la proximité des femmes. Ce qui nous a ébahis, c'est que cette jeune femme, très jolie d'ailleurs, se nomme Rodrigue. Bien sûr, elle a insisté pour qu'on l'appelle Rhoda, ce que nous nous sommes empressés de faire, mais c'était important pour mon cadet de nous le dire. J'imagine que d'avoir un frère gay l'a aidé à ne pas avoir honte et de plutôt être fier de sa petite amie.

Il semble qu'elle a fait chavirer le cœur de mon petit frère dès le premier regard. C'est une gentille infirmière qu'il a rencontrée quand nous attendions des nouvelles de Daryl. Elle l'a aidé à éloigner les paparazzis tandis qu'elle prenait son déjeuner à l'extérieur. Déjà que les vrais journalistes ne pouvaient pas vraiment être évincés, au moins, les autres n'ont pas eu le bonheur de soutirer des clichés ignobles de mon malheur. Cette femme est la douceur incarnée. J'ai peine à croire qu'elle ait pu faire peur à ces redoutables vautours, mais puisque Brandon insiste sur son habileté, j'imagine que nous avons tous de nombreuses facettes cachées que l'on ne montre que lorsque c'est nécessaire.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant