Chapitre 34

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Dorian

Tout s'est déroulé à la vitesse de l'éclair. Dès que les retrouvailles entre Daryl et sa sœur ont été faites, celle-ci a insisté pour que je l'accompagne dans les boutiques de souvenirs de l'aéroport John F. Kennedy. Depuis quelques minutes, nous nous trouvons dans la partie parfumerie. Les odeurs sont si puissantes que j'en ai mal au cœur. En fait, ce ne sont pas que les effluves qui me rendent malade, mais bien plus le fait que Jenny m'a séparé des gars pour avoir un entretien privé avec moi. J'ai une trouille bleue de ce qu'elle va me faire subir comme interrogatoire.

— Alors, cher beau-frère, je suis impressionnée par ta capacité à avoir su garder Daryl, me lance la psychologue tandis qu'elle regarde un dixième flacon de parfum.

— Hem, j'ignore encore comment il peut rester avec moi.

— Voyons, c'est une évidence qu'il ne jure que par toi. Lorsque je suis sortie de l'avion, la première chose que j'ai vue, ce sont vos mains enlacées. Ensuite, quand il nous a présentés, ses yeux brillaient de bonheur. Je ne l'ai jamais vu dans cet état.

— Cela ne veut pas dire que ça durera.

— Pourquoi penser de façon aussi négative quand tu as un homme qui semble t'aimer sans condition ?

— Si tu connaissais mon passé, tu saurais que chaque fois où j'ai cru être heureux, je l'ai payé très cher.

— Et tu crois que les bonnes choses finissent toujours par disparaître ?

J'essaie de ne pas paraître affecté, afin de donner une bonne impression à ma belle-sœur. Cependant, je sais qu'elle est psy et que ses paroles ne sont pas sans motif. Elle a relevé le regard et m'inspecte de haut en bas. C'est à ce moment que je réalise à quel point je torture mes mains en les triturant dans tous les sens. Je cesse aussitôt, bien que je sache qu'elle n'a rien manqué de mon effort raté pour paraître serein.

— C'est toujours le cas. Je sais que Daryl t'a fait un assez bon résumé de ce qui ne va pas chez moi. Ce n'est pas nécessaire d'essayer de me ménager. J'ai l'habitude de subir sans arrêt. Tu peux m'interroger, je vais survivre.

— Survivre ? N'est-ce pas justement toute la question ?

J'hausse les épaules, sans répondre cette fois. Je n'aime pas parler de mes tentatives de suicide. Sauf que nous savons tous les deux que c'est exactement pour cette raison qu'elle est là. Elle ne cherche pas à me soutirer davantage. Malgré tout, je vois qu'elle enregistre chaque mouvement que je fais. Sans m'en rendre compte, j'ai voûté mes épaules et ma tête s'est abaissée pour ne plus soutenir son regard qui traverse mon âme.

— OK ! Je ne vais pas bien !

Cette phrase sort de ma bouche avec résignation, après trop de secondes à attendre en vain qu'elle continue à dialoguer.

— Et quelle est, selon toi, la principale raison de ton état ? demande-t-elle en m'offrant un sourire bienveillant.

— Tout...

— Tu as un petit ami, Dorian. Est-ce qu'il te rend plus anxieux et dépressif ?

— Non ! Bien sûr que non ! Daryl fait ce qu'il peut pour m'aider. Comment peux-tu croire que ton frère pourrait me tirer vers le fond ?

— À toi de me le dire. Tu as affirmé que tout te déprimait.

Et un uppercut en pleine mâchoire ! C'est une professionnelle et maîtrise l'art de la conversation pour en venir au point qui l'intéresse. Je roule des yeux puisque je sais très bien qu'elle est au courant pour papa.

— Pas tout...

— Et ton métier ? Tu l'aimes ?

Pourquoi autant de questions si, au bout du compte, c'est pour en venir à mon père ? Je la regarde, ne sachant pas si elle se joue ou pas de moi. Jenny reste de marbre, attendant une réponse sincère. Je tourne la tête vers les petits groupes qui entrent et sortent de la boutique. Certains sont heureux de retrouver leur amis, d'autres se réjouissent de quitter pour une destination où ils passeront du bon temps. Suis-je moi-même aussi comblé que peuvent l'être ces inconnus ?

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant