Chapitre 39

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Daryl

Mon premier jour sans la morphine est le plus dur de ma vie. Le feu, même s'il a quitté mon corps depuis une semaine, semble vouloir me consumer. Bien entendu, la foudre est l'une des principales sources de ma douleur. Cependant, Dorian occupe la première place, bien avant cet élément destructeur. Mon amant ne répond à aucun de mes messages que je lui écris en boucle depuis mon réveil à l'hôpital. Jenny m'a dit qu'il a filé dès qu'il a compris que je survivrais. Je pensais, dans ma naïveté, qu'il s'était décidé à prendre un peu de repos, après l'affreuse journée qu'il avait passée à attendre le verdict de ma survie.

J'étais dans le déni, moi, l'amoureux transi. Je ne pouvais pas concevoir que mon beau brun m'avait laissé tomber. Pas après les épreuves qu'on a traversées ensemble.

Aujourd'hui est le dernier message que je lui transmets, dans l'espoir qu'il prendra conscience de ce qu'il me fait endurer en étant loin de moi.

Quant à Carlos, il est parti, il y a quelques jours. Une compétition internationale à Most en République Tchèque était sur mon calendrier, là où mon coéquipier se trouve en ce moment. Je le comprends d'être là-bas. C'est une occasion, dans sa jeune carrière, qu'il ne pouvait refuser. Étant donné mon état, mes patrons lui ont transféré mon inscription. Il a d'ailleurs dû justifier son métier pour qu'on le laisse quitter le pays. Il doit être de retour au plus tard pour l'audience de la cour, sinon il sera emprisonné. Je compte sur Papi pour le ramener dans les délais. Évidemment, il l'a suivi sur le continent européen tandis que moi, je suis piégé dans la chambre d'ami de Jenny. Ma greffe est insupportable et, si je suis juste avec moi-même, ma nouvelle liberté me fait encore plus souffrir.

Je veux retrouver Dorian !

Ses yeux si énigmatiques me manquent, sa voix éraillée au levée me manque, ses cheveux en bataille dès qu'il y passe la main me manquent. Tout me manque chez lui. Et même si j'essaie de ne pas y penser, j'ai cette boule au ventre qui me rappelle sans cesse qu'il a choisi de me quitter. Je suis sans doute trop horrible, avec les cicatrices sur mon torse qu'il aimait tant couvrir de baisers. Je penche la tête pour voir mes blessures. Oh ! Elles sont bien cachées en dessous des pansements stériles que je dois changer chaque jour, sauf que voilà, elles sont là, traces indélébiles de ma laideur. Le côté droit de mon torse est le plus touché, mais il m'est aussi possible de voir quelques endroits où on n'a pas daigné toucher à la peau dans l'espoir qu'elle guérisse d'elle-même.

Dès mon arrivée chez elle, Jenny a fait installer un téléviseur dans ma chambre afin que je ne me morfonde pas trop. Je sais que je ne devrais pas, mais j'utilise la lecture en continu pour voir et revoir les courses de Dorian. Mes préférées sont bien sûr celles où il gagne. Je peux le voir en gros plan qui accepte son prix et, surtout, son visage si bouleversant quand il est heureux. Ce sourire qui ne me sera plus jamais destiné. Pourquoi ai-je tenté ma chance avec lui ? Il n'a fait que me briser le cœur, aussi vite qu'il me l'a ravi.

La course qu'il a gagnée à Montréal est en ligne, attendant patiemment que je la regarde. Jusqu'à présent, je ne me sentais pas encore le courage, étant donné que je sais déjà que la douleur sera encore plus grande. Jenny m'a dit que me confronter à tout ça serait bénéfique pour ma guérison amoureuse. J'ai vécu ce moment ; je l'ai vu monter sur le podium. Comment pourrais-je trouver le moyen de me distancer de ce que j'y ai ressenti ?

Ce jour-là, il m'a envoyé balader. C'était bien « LE » signe que j'aurais dû écouter. Malgré tout, je souffre de son nouvel abandon. Peut-être que Jenny a raison. Peut-être que le voir en tant que gagnant et non en tant que petit ami pourra m'aider.

Je ne sais plus...

Je veux seulement que la douleur s'arrête, que ma cage thoracique cesse de comprimer mon cœur. Sur la vidéo que je regarde en ce moment, on peut voir Charles qui ne bronche même pas lorsque Dorian reçoit le collier du vainqueur alors que Lana et Brandon sautent comme de vrais gamins. Mon ex pointe sa fratrie pour leur montrer qu'ils sont aussi des gagnants. Je le reconnais bien, lui, qui tente de donner un sens à sa vie en évitant les yeux dévastateurs de Charles.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant