Chapitre 46

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Daryl

J'espère que Jenny aura pu me pardonner pour la manière dont je me suis comporté hier. Elle n'est pas venue me voir après sa sortie avec les enfants. Je l'avoue, j'ai peur de lui parler puisque je n'ai aucune excuse pour ce que j'ai fait. Heureusement que Franco était là, car je ne suis même pas certain que je trouverais la force de faire mon lit. Ma chambre doit rester propre, tout comme on en a discuté hier soir. J'y ai songé longtemps et en suis arrivé à mon deuxième objectif. Plus question de me cacher derrière des poils hirsutes. Aujourd'hui, je vais raser ma barbe, du moins, je vais essayer.

Il est déjà passé midi quand je décide que je ne peux plus remettre cette tâche à plus tard. Après m'être assuré que la chambre est décente, j'ouvre la porte pour vérifier ce que fait le reste de la famille. Dans l'entrebâillement, je découvre que la place est déserte. Je savais déjà pour Franco qui allait à la course de NASCAR, mais Jen n'avait rien de prévu. Peut-être ne me supporte-t-elle plus. J'en profite pour me faufiler jusqu'à la salle de bain et m'enfermer à l'intérieur. Je laisse la lumière close pendant quelques minutes puis soupire lourdement. «Un objectif à la fois.» que dit Franco.

J'allume et sort mon nécessaire. Pendant tout ce temps, j'évite mon reflet que je vois bouger du coin de l'œil. Il va bien falloir que j'ose me regarder si je veux atteindre mon but. Au moment où je suis prêt, je sens ma main s'affoler.

— Chat de gouttière, pourquoi c'est si difficile ?

Je connais la réponse, mais il faut bien que je me parle si je veux tenir le coup.

J'ose jeter un regard furtif vers le miroir et je suis accueilli par l'image d'un gars qui a l'air malade, mais normal. Il y a bien des ramifications qui sortent de mon t-shirt et qui montent jusqu'à ma mâchoire, mais mon instinct s'est occupé de me cacher le plus gros en m'étant tourné du côté opposé. J'ai donc l'impression que je ne suis pas si horrible que ce que je suis réellement.

J'enlève mon chandail et je m'y mets, comme si tout allait bien, sauf que je dois aussi faire la partie de droite. Et quand j'y arrive enfin, les larmes coulent toutes seules. Ma main reste en suspens, incapable de passer la lame sur mes cicatrices.

Je suis laid. Tellement laid.

Le rasoir tombe dans l'évier pour que je puisse m'accrocher au bord du comptoir. Je n'y arriverai pas, c'est au-dessus de mes forces. Je suis si faible. Mes jambes flageolent, ce qui m'oblige à m'asseoir au sol, la tête appuyée contre l'armoire.

Je n'y arriverai pas !

Quelques bruits sourds finissent par me parvenir de l'autre côté de la porte. Jenny est revenue, et on dirait qu'elle parle à quelqu'un. Ce n'est pas possible qu'il s'agisse de Franco, alors j'essaie d'être attentif. Cette voix masculine, je la reconnaîtrais n'importe où. C'est celle de Dorian !

Des pas se rapprochent et vont jusqu'à ma chambre. Voyant que je n'y suis pas, Jenny utilise le couloir et se dirige vers la salle de bain.

— Daryl ?

— Je ne suis pas là ! grogné-je en fixant le plafond.

— Difficile de te croire, marmonne-t-elle. Il y a de la visite pour toi. Et elle a tout entendu. On t'attend au salon.

— Je ne sors pas d'ici. Dis lui de partir. Il n'aimerait pas ce qu'il verrait.

Un silence suit ma dernière phrase puis, un murmure de Dorian dont je ne peux entendre le contenu. Les sandales de Jenny claquent sur le parquet jusqu'à être presque inaudibles. Pourquoi ai-je l'impression que Dorian est toujours derrière la porte ? Je dois en avoir le cœur net.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant