Burn out

Chapitre 3

Dorian

D'un commun accord, Lana conduit la voiture afin que je passe incognito devant la majorité des gens. Arrivés au bar, j'anticipe l'échec de mon anonymat quand trois fêtards habillés aux couleurs de Firsten révolution passent les portes devant nous en criant à d'autres hommes encore plus festifs. Dans un ultime espoir de discrétion, j'examine de près le certificat de conformité affiché au mur ainsi que l'imitation d'un vase de la dynastie Ming qui trônent derrière la vitrine tandis que ma sœur discute avec l'hôtesse.

— Revenez demain, déclare la femme d'une voix ferme. La section restaurant est à pleine capacité pour les deux prochaines heures.

Sauf que c'est mal connaître la détermination de ma cheffe mécanicienne qui utilise le stratagème le plus répandu sur cette planète.

— Je peux utiliser vos toilettes ? demande-t-elle de sa voix suppliante. Ça fait des heures que nous roulons.

Quelle actrice !

Combien de fois m'a-t-elle berné par ses mensonges ? Son interlocutrice dans la trentaine en a vu d'autres et nous examine des pieds à la tête, jaugeant le niveau de confiance qu'elle peut nous accorder.

— Très bien, capitule-t-elle, mais vous, Monsieur, vous attendez ici.

— Impossible ! il ne peut pas rester seul. Notre père ne me le pardonnerait jamais s'il lui arrivait quoi que ce soit. Mon frère n'est pas très futé, répond Lana. S'il me perd de vue, il va paniquer et vous faire une scène monstre devant tous les clients. Je vous assure que vous n'aimeriez pas.

La jeune femme devient suspicieuse, m'inspecte de nouveau et roule des yeux pour nous montrer qu'elle n'est pas idiote. Même si ça ne me fait pas plaisir, j'entre dans le jeu de Lana, car je tiens à cette petite heure de détente. Ma lèvre supérieure se rétracte au-dessus de mes dents et je souris comme un demeuré.

Lana va me le payer !

J'enroule mes bras autour des épaules de ma sœur tandis qu'elle me tapote le dos pour « me rassurer ». La blonde flanche légèrement, alors je sors l'artillerie lourde et couine lorsque Lana fait mine d'avancer sans moi. Celle qui pourrait devenir agente carcérale vérifie le nombre de personnes en attente dans le vestibule et fait un bilan rapide de ses options. Laisser passer l'énergumène reste plus avantageux à court terme. Elle se décale, puis pointe ma sœur de son crayon.

— Vous avez dix minutes, hurle-t-elle avant de se retourner vers sa prochaine victime.

Je rejoins Lana et grommelle quelques insultes qu'elle accepte, un grand sourire aux lèvres.

— Tu peux te détendre, lover boy, elle ne nous reverra pas de la soirée.

— Encore heureux !

Elle ne réplique pas et s'arrête soudain au centre de l'allée. Je suis son regard et comprends aussitôt. On y est, ce moment où Lana part à la chasse, en quête de l'homme qui froissera ses draps pour la nuit. Un blond au rire spontané discute à la table devant nous. La nonchalance qu'il dégage correspond tout à fait à ses critères.

Lana pose ses mains sous son bustier et remonte sa poitrine. Dès qu'elle finit de lisser sa jupe, elle fonce droit vers sa proie. À notre grande surprise, elle reçoit une fourchette dans son décolleté au moment où elle s'apprête à l'aborder. Déstabilisée moins d'une seconde, elle oublie sa cible initiale pour se concentrer sur un frisé qui frôle à peine la majorité.

Pitié ! Faites qu'elle ne ramène pas un idiot pareil à l'hôtel.

Le type n'est pas fichu de s'excuser, ni de prononcer une seule parole. Il est si obnubilé par Lana qu'il ne remarque pas que j'existe, même s'il porte un t-shirt de la série NASCAR de l'an dernier.