Chapitre 40

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Dorian

Je me suis endormi, recroquevillé à même le sol de béton des vestiaires du circuit de Fontana en Californie, en proie à cette crise d'angoisse qui ne m'a laissé aucune chance. Ici, je suis à des milliers de kilomètres de maman, mais aussi très loin de Daryl.

Même si mon ange ne m'a jamais révélé d'où il venait, son accent texan ne mentait pas. Dans un mois, je serai là-bas, au Texas Motor Speedway. Tout cela me perturbe tellement de revenir dans un endroit aussi familier. Les lieux me rappellent nos vacances en famille, avant que l'accident de papa ne le change à jamais. Un joli chalet perché sur un lac et une plage à couper le souffle me reviennent en mémoire. J'y ai vécu de beaux moments avec maman, mais surtout avec papa. Oui, le Texas sera toujours un endroit qui me rend nostalgique. Mais avant tout, cet endroit me rappelle que Daryl y vit.

Et s'il venait ce jour-là, pour me montrer à quel point il n'en a rien à foutre de l'histoire que l'on a vécue ? Il aurait tous les droits de me regarder sans émotion. Ce cauchemar, je le revis toutes les nuits, depuis une semaine.

Aujourd'hui ne fait pas exception. C'est bien l'indifférence de Daryl qui a réussi à me sortir de mon sommeil agité. Encore sonné par ma crise, je me redresse du mieux que je le peux, sur le ciment glacé, courbaturé et sans aucune énergie.

Les nuits se ressemblent toutes.

Je jette un œil à mon téléphone qui indique vingt-trois heures dix-sept. Mon couvre-feu est dépassé depuis longtemps. J'en suis convaincu, un autre cauchemar m'attend dans cet hôtel. Il sera bien pire encore puisque, dès que j'ouvrirai la porte, l'odeur me rappellera notre première nuit d'amour. Et ensuite, ce sera papa. Toujours papa.

Un bruit de roulement m'oblige à me redresser. Je croyais être seul dans le bâtiment. Je me dépêche à me lever puis, je replace ma crinière indomptable et me précipite vers la porte des vestiaires. C'est un concierge aux allures de prisonnier qui m'accueille dans l'autre pièce. Sa salopette orange est remplie de taches grisâtres et un bandana entoure sa tête aux cheveux longs et grisonnants. Je reconnais enfin ce bruit qui m'a sorti de ma léthargie. Ce sont les roulettes du seau d'eau sale qu'il pousse avec sa serpillière. Quand il se rend compte de ma présence, il se fige, se demandant s'il doit ou non être sur ses gardes. Non désireux de m'expliquer, je bredouille un simple mot d'excuse avant de fuir vers la sortie.

L'homme reste là, à me regarder disparaître, encore sous le choc d'avoir rencontré une âme vivante pendant son quart de travail. Dès que je suis assez loin, je l'entends cracher dans son seau avant de continuer à pousser son fardeau jusqu'à l'endroit où je me trouvais tout juste avant. Il me semble que le bruit de son crachat se répercute dans mes oreilles tout au long de ma fuite jusqu'à l'hôtel.

C'est en arrivant dans ma chambre que toute ma vie de merde me rebondit en plein visage. Papa est à nouveau devant la fenêtre, face à l'extérieur, les poings serrés dans le dos. Putain ! Je préférais encore entendre l'écœurant glaviot du concierge que de voir la silhouette rigide de mon paternel qui m'attend probablement depuis le couvre-feu.

La porte qui se referme fait réagir mon père qui se retourne sans aucune expression sur le visage. Je ne suis pas certain si c'est bon ou mauvais. J'opte pour le second choix puisqu'il est ici et non dans sa propre chambre. Ce qui est bizarre, c'est que les lumières sont allumées alors qu'il a l'habitude de m'attendre dans la noirceur afin de me décontenancer et ainsi en prendre avantage.

— Nous t'attendions !

Papa qui ne m'insulte pas dès sa première phrase relève encore de l'absurde. Je dois être dans un de ces rêves où je l'imagine se préoccuper de ses enfants.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant