Chapitre 8

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29 octobre 2021

Ce matin en ouvrant la boite aux lettre murale que je partageais avec Ada, je vis tout un tas de magazines avec ma tête en devanture. Je soupirais lassement puisque ces couvertures nous opposant Julia et moi selon des designs différents est quotidien, et c’est une pression que j’ai de plus en plus de mal à supporter. Des filles de mon étage passèrent avec un exemplaire, commentant les moindres mots écrits sur ces pages de papier glacé et je ne pus que rouspéter à cette vision. Voilà un mois que nous recevions chaque matin des magazines qui étaient entièrement dédiés à Julia et moi. Nous étions opposées dans des sondages tel que "qui est la plus belle", "qui verriez-vous comme reine?" "qui...", "qui...". C'est durant ce mois d'octobre que je me suis rendue compte de la curiosité presque intrusive des médias, mais je ne peux pas leur en vouloir, c'est en un sens leur métier de s'informer sur ce que pense les gens et sur ce qui se passe dans notre société. Ils exécutent leur tâche le plus parfaitement possible jusqu’à en être intrusif au plus haut point sans vraiment faire attention aux conséquences engendrées ou qui en découleront. Que se passera-t-il pour Julia ou pour moi si l’une de nous venait à perdre. Serait-elle vue avec pitié, provoquera-t-elle la déception de sa nation ? De plus cette affaire de choix avait aussi eu un impact sur notre vie en tant que potentiel choix. En effet, il y avait d’abord un impact sur notre statut vis-à-vis des autres filles : le roi et la reine avaient aménagé juste pour nous deux, des suites pour "garder un bon œil sur nous", comme ils le prétendaient mais ça sonnait plus comme un moyen de mieux nous contrôler, nous influencer et pour nous monter l’une contre l’autre pour que la compétition devienne intéressante à suivre. Julia avait accepté immédiatement ce privilège, ne s'entendant pas le moins du monde avec Adeline, sa voisine de chambre. Pour ma part j'avais refusé tout net, préférant rester colocataire avec Ada avec qui j’avais tissé un lien particulier au fil des moins et avec qui, malgré la différence d’âge j’avais sympathisé. Le second impact que cette annonce avait eu au palais était le changement de comportements de tous ceux qui étaient au service du palais mais surtout le comportement de Julia qui avait changé à mon égard : elle était plus dure, exagérais son apparence pour attirer le regard et avait changé ses habitudes pour être la plus conforme aux soi-disant exigences que les différents magazines donnaient. Elle avait peur de la menace que je représentais, c’était flagrant, et je voyais bien qu’elle tentais de cacher ce sentiment qui lui était nouveau derrière un masque dur et faux. Je fourrais donc les nombreux magazines dans ma commode, ayant le temps d’un instant hésité à les jeter, sans avoir pris la peine de les feuilleter.

Je me dirigeais vers la salle commune des habitantes de cet étage et, avant d’y entrer je pris une grande inspiration, me préparant mentalement à me faire assaillir de questions, de réflexions et même de critiques. En arrivant je fus interpellée par tout un groupe de filles plus ou moins jeunes. Cette annonce avait bien évidemment eu un impact sur mes relations aux autres, certaines filles venaient me parler désormais et leur hypocrisie à mon égard était plus que flagrante. Evidemment toutes les filles étaient happées par cette histoire, désireuses d'en connaitre l'issue, c’était prévisible mais j’étais lassée d’entendre d’autres nous comparer : "Regardes Hélène tu as été nommée la plus belle du pays", "Julia as eu le mérite de te battre en terme de grâce". On m’a toujours enseigné que la comparaison pouvait devenir un poison, utilisée à mauvais escient, et donc faire mal et ça s’est malheureusement révélé vrai, l’une de nous a souffert de ces comparaisons incessantes et du rapprochement du prince et de sa camarade. Je laisse pour l’instant planer le suspens, je vous laisse imaginer qui de nous deux a le plus souffert de cette compétition.
Je fus sauvée de cet assaut, par Karol, Manon, Aude et Charlotte, des camarades de classe de qui j’étais inséparable, surtout Karol. Charlotte m’agrippa le bras et elles m’entrainèrent hors de la salle, et loin de toutes ces réflexions. Malheureusement j'allais devoir me plier à nouveau à un petit questionnaire qui n’était pas plus agréable que de se faire interpeller à chaque instant. Elles étaient visiblement pressées de m’aassaillir de questions puisque chacune me questionna en même temps que les autres. C’était un brouhaha compréhensible auquel je tentais de répondre au mieux.

- Tu l'aimes?

- Je n'en sais rien Manon, je n'ai jamais rencontré le prince, je ne sais même pas à quoi il ressemble ni ce qu’il est vraiment au fond de lui. Je ne peux pas tomber amoureuse d’une image que l’on me fait, j’ai besoin de le rencontrer en vrai pour me faire un avis.

- Mais tu es contente de représenter l'Argentine pour pouvoir potentiellement devenir reine? Tu penses que sa majesté le prince va te choisir comme épouse?

- Evidemment Aude que je suis fière de représenter mon pays, et même si ce n’est pas mon choix je ferais tout pour magnifier ma nation, pour la représenter au mieux et pour rendre fier mon peuple qui me regarde j’en suis persuadée. C’est une chance pour moi et mon Pays d’Amérique Latine même si ni l'Argentine ni moi n'avons choisi d'être engagés dans cette histoire de mariage arrangé, enfin pas entièrement.

Elles me regardèrent avec des yeux ronds, interloquées, lorsque je prononçais ces derniers mots. Evidemment je ne les avais pas encore mise au courant sur les vraies raisons de ma venue en Sicile. Je  ne venais pas simplement étudier comme elles le faisaient toutes

- Ce que je veux dire c'est que je savais que j'allais me marier avec le prince mais je ne savais pas que j'allais me marier de cette façon.

Elles ne parurent pas me comprendre ce qui me poussa à être plus explicite en leur disant que je ne m’attendais pas à être soumise à ce processus tout à fait idiot de sélection qui nous privait en quelque sorte d’une partie de notre liberté

- Pour répondre à ta question Charlotte je ne pense pas que le prince me choisira. Il aurait plus intérêt politiquement parlant de se marier avec Julia.

- Je pensais plus à un mariage d’amour

- Je ne pense pas que ce mariage sera un mariage d’amour quelque qu’en soit l’issue. 

Dieu que je me trompais là encore. Aude, Charlotte et Manon restèrent coites ayant épuisé leur quota de questions. Je pensais que la conversation touchait à sa fin lorsque Karol, jusque-là muette me posa une question à laquelle je ne m'attendais pas, pour ne pas y avoir pensé en amont.

- Hélène, je pense que la question la plus importante à te poser et à laquelle je voudrais une réponse franche de ta part est : est-ce que tu te verrais reine de Sicile ?

Elle me posait une colle, j’avais besoin d’un temps de réflexion. Etais-je prête ? Je n’en savais trop rien car j’ignorais ce qu’il allait advenir de moi si cela arrivait. Tant d’histoires circulent sur les reines par alliance tant positives que négatives que je ne parvenais pas à trouver une réponse claire à cette question.

- Oui...Non. Je ne sais pas Karol. Je me vois mal épouser le prince et me retrouver dans le rôle de statue de cristal qui ne sert à rien d'autre que de saluer au balcon. Je ne veu pas être mise sur un piédestal et enfermée dans ce palais comme dans une cage dorée. Au contraire e veux pouvoir faire changer les choses, donner un avis sur des décisions qui pourraient aider à faire évoluer le pays, je veux me sentir utile. Or lorsque je vois la reine Alice, je prends peur. Elle est indéniablement dans l'ombre de son mari et je ne veux pas devenir comme elle, j’ai peur que ce que j’observe soit ce que je pourrais vivre si je venais à épouser le prince. Donc je ne sais vraiment pas si je veux devenir reine de Sicile.

Manon la plus timide de nous toutes, me demanda avec un ton hésitant

- Est-ce que, est-ce que si tu deviens reine on pourra rester en contact?

La réponse était toute trouvée, elles étaient mes premières amies, des personnes à qui je tenais immensément et je ne me voyais pas les oublier et les laisser de côté si je venais à devenir reine. Ma réponse fut donc assez rapide et dite avec un ton qui se voulait asuré et rassurant et qui le parut j’en suis certaine mais si j’ignorais ce que l’avenir me réservait.

- Evidemment les filles. Mon statut ne changera jamais toute l'affection que j'ai pour vous que je sois reine de Sicile ou reine d'Argentine.

Pour clôturer mes propos, je les pris dans mes bras et nous retournâmes dans la salle commune nous affaler sur des poufs multicolores, ne prêtant pas attention à celles qui nous entouraient. Ce fut un moment de répit que je savourais plus que de nature en imaginant ce qui allait m’arriver par la suite.     

Journal D'une Princesse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant