Chapitre 10

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24 décembre 2021

Aujourd’hui avait lieu le bal de Noël, bal où pour la première fois je verrai le prince de près, même s’il portera un masque noir qui ne laissera paraître que ses yeux, première fois aussi où nous allons « discuter » afin de faire plus ample connaissance, mais à dire vrai je n’attendais rien de cet échange, qui ne me semblait pas être très naturel. De plus il aura un moyen de me reconnaitre puisque les suivantes seront vêtues de vertes comme les feuilles vertes au printemps, les hommes de rouge et les jeunes filles nobles seront vêtus de blanc, pour symboliser la pureté d’une pucelle.

Je commençais à me préparer pour ce bal signant la fin du second trimestre, avec l’aide de Lila et je retrouvais ce soir Anastasia la suivante d’Ada qui était tout à fait excitée. La danse était sa passion et elle excellait d’ailleurs dans ce domaine, surtout en danse classique et en danse de couple. Cette dernière sortit à cet instant de la salle de bain et je dois dire qu’elle était époustouflante avec sa robe blanche à volants, sans manches. Elle était certes jeune, mais elle paraissait cependant être une jeune adulte, et elle était tout bonnement ravissante. Je m’attendais à mettre la même robe qu’Ada, tout comme nous avions le même uniforme mais ce ne fut pas le cas. Lili sortit ma robe de sa house et m’intima de fermer les yeux pour que la surprise reste entière. Je partis la mettre, aidée de ma suivante et lorsque le tissu glissa tout contre ma peau je me sentis à l’aise dans cette tenue, et bien qu’elle me paraissait imposante, elle était assez légère et cintrée à la taille. Ma suivante me guida doucement à l’extérieur de la salle de bain pour me mettre dos au miroir. Dans un souffle elle m’autorisa à ouvrir les yeux et lorsque je m’exécutais, m’apprêtant à me confronter à un avis extérieur, je vis la bouche d’Anastasia et d’Ada former un O d’admiration. Je fus surprise de leur réaction, de les voir le souffle coupé, dépourvu de mots, j’étais peu habituée à de telles expressions et m’avançant vers la glace, je vis un reflet que je ne pensais jamais voir : celui d’une femme qui découvre sa beauté, une femme entre l’adolescence et l’âge adulte, une femme à la croisée des chemins. Je le savais ce choix du chemin que je souhaitais prendre était imminent, s’il n’était pas ce soir-là. Ma robe était plus travaillée que celle d’Ada puisque des broderies au fil doré avaient été faites avec la minutie des doigts d’une fée. Mon bustier mettait en valeur mes formes arrondies et la robe cintrée à la taille épousait totalement la forme de mes hanches. Les jupons en tulle de la robe partaient en évasé et, dieu merci, les couturiers avaient eu l’idée ingénue d’alléger la robe en retirant les cerceaux des jupons ce qui donnait l’image d’une robe plus fluide et ce qui était surtout bien plus agréable pour la personne qui portait la robe. En somme une vraie robe de princesse de conte de fée, ce type de robe qui me faisait rêver enfant, aujourd’hui j’étais émerveillée par ma tenue mais j’étais surtout fière de l’image qui s’offrait à moi. Je me trouvais belle dans cette tenue et j’espérais époustoufler les autres. Cette sélection avait eu un effet sur moi, je voulais égaler la beauté de Julia et ce soir-là j’avais moins cette impression de faire pâle figure à côté de la princesse de France. La surprise passée, mes trois camarades prirent congé tandis que je restais seule, ayant besoin de ce moment seule. Je me mis à fixer mon reflet dans ce verre tant flatteur que critique et je me fis la réflexion que ce bal était l’occasion de rêver telle une enfant, une dernière fois avant le grand saut vers l’âge adulte et vers ma destinée, avant que tout ne commence pour moi tant dans mon rôle de future reine que dans mon rôle de jeune femme. La dernière pensée qui me traversa l’esprit avant que je ne quitte ma chambre fut qu’il était temps pour la limace de devenir un joli papillon, une fois pour toute et à jamais.

Nous nous retrouvâmes toutes dans le couloir nous amenant à la salle de dance, là encore dans un ordre parfait et, nous mêlant aux autres, nous formâmes un océan de couleurs peignant ainsi le drapeau italien. Le roi et la reine étaient sur leur trente-et-un comme à l’accoutumée mais celle qui me bluffa de par son élégance et sa beauté fut la princesse Anne-Elisabeth qui était époustouflante dans sa robe bleu nuit. Nous étions annoncés dans un ordre spécifique. D’abord la famille royale, puis les suivantes, puis les élèves de l’institut, puis à ma grande stupéfaction moi et Julia les deux prétendantes et enfin le prince. Tout se déroula à merveille, les suivantes et les élèves entrèrent avec grâce toutes harmonieuses, toutes en paires avec un élève, dans leurs tenues similaires puis ce fut à nous.

- La princesse Hélène Céline Valentina d’Argentine et la princesse Julia Marie Penelope de France

Je descendis les escaliers en compagnie de Julia sous les applaudissements de tous ceux qui se trouvaient en bas et je croisais de nouveau ce regard bleu océan qui appartenait à un beau majordome assez élancé et aux cheveux bruns que l’on devinait habituellement en bataille. Tu ne dois pas tomber amoureuse, tu es déjà promise à un homme, tu ne dois pas tomber amoureuse, tu est déjà promise, je me répétais inlassablement cette phrase dans le but de chasser ce tiraillement et cette joie d’avoir enfin découvert à qui appartenait ce regard des premiers jours. Je tentais de rester droite avec malheureusement la grâce d’une patate cuite comparée celle de Julia qui frôlait à peine les marches alors que je les martelais de mes talons. Je me dirigeais donc vers le centre de la pièce et me tournais vers l’escalier lorsque le prince fut annoncé. Il était tout de rouge comme tous les hommes de cette salle. A sa vue nous nous inclinâmes harmonieusement en signe de respect à cette figure. Je trouvais cela assez stupide puisque nous occupions pour la plupart le même statut que le prince mais il est la figure sicilienne donc nous nous devons de respecter les traditions de son pays. Il descendit lui aussi, d’un pas lent, presque exagéré, et vint nous rejoindre. Il s’avança vers Julia pour l’inviter à danser et elle accepta sa main sans hésiter. Une musique classique se lança et petit à petit tous les couples vinrent rejoindre le couple qui avait ouvert le bal. Le majordome de tout à l’heure, un certain Wilfred, m’invita lui aussi à danser. J’acceptais sa main après avoir légèrement hésité, par avis de conscience, et une fois que nous fûmes sur la piste de dance il plaça sa main droite sur ma hanche et je plaçais ma main droite sur son épaule et à son contact je me sentis bien, légère, toute culpabilité effacée, je m’autorisait même à me rapprocher un peu de lui. Nous dansâmes d’abord avec lenteur et harmonie puis Wilfred me fit peu à peu virevolter. La piste s’était vidée autour de nous nous laissant valser avec le prince et sa cavalière, mais ça je le sus plus tard lorsque Lili me montra la vidéo de moi et Wilfred en train de danser, cette vidéo rendra mes joues cramoisies car la complicité et la symbiose entre moi et mon cavalier crèvent les yeux, pour ne pas dire qu’elles crèvent l’écran. Mes yeux étaient ancrés durant cette valse dans les prunelles de mon beau cavalier, comme si deux aimants se rencontraient pour la première fois et briser le contact n’était pour l’instant pas à l’ordre du jour, ça ne me traversait pas l’esprit. J’étais presque inconsciente des pas que j’effectuais tellement j’étais perdue dans ses yeux océans. Ma bulle explosa lorsque la mélodie s’éteignit. Autour de nous un tonnerre d’applaudissement éclata et c’est les joues en feu que je me tournais vers l’assistance. Je vis alors Julie tentant de cacher une jalousie visible à des kilomètres à la ronde ce qui me fit sourire tellement c’était risible, et je ne savourais que mieux ce moment, étrangement. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’était de la pure méchanceté mais je dois avouer que profiter de la jalousie des autres pour jubiler n’est en aucun cas une bonne chose. Une fois les applaudissements éteints, et après avoir salué les nombreux invités extérieurs à l’école qui m’assommèrent de questions, Wilfred m’emmena sur une banquette dans un coin plus tranquille, pour que nous puissions nous rafraîchir. A peine nous eûmes nos verres dans les mains qu’il embraya sur un sujet qu’il ne m’aurait pas déplu d’éviter, juste pour un soir.


- Ains donc vous allez vous marier avec Kilian

- C’est fort possible.

- Comment le trouvez-vous ?

Son ton était plein de curiosité, dénudé d’une quelconque jalousie et même ses iris bleus témoignaient d’un intérêt tout particulier. 

- Je l’ignore, je ne lui aies jamais adressé la parole. A dire vrai, l’envie m’en manque, il me paraît si froid, si éloigné pour que je daigne m’en approcher. Voyez-vous, je pense que le prince est arrogant, prétentieux, enfantin dans son esprit puisqu’il aime faire joujou aux petits soldats avec son armée, du moins c’est ainsi que je le vois, je le trouve aussi un peu empoté et….. peu maniéré

J’avais lâché ce dernier adjectif avec une pointe de dégout puisque je venais de voir le prince enfourner une grande poignée de cacahouètes dans sa bouche, d’une façon peu ragoutante. Wilfred suivit mon regard puis après un petit temps il redirigea son attention sur moi.

- Je pense que vous vous trompez à son sujet, c’est un bon garçon je puis vous l’affirmez

- En même temps qui dirait du mal d’une personne qui joue avec les filles et qui a un pouvoir de vie ou de mort sur ses sujets ?

Mon ton était un peu acide car j’étais perdue, ne parvenant pas à obtenir une image précise du prince. Chacun me le décrivait d’une façon différente ce qui ne faisait qu’accroître ma confusion.

- Ains c’est comme ça que vous me voyez en tant que prince ?

- Pardon ?

- Ainsi c’est comme ça que vous le voyez en tant que roi  
 
- Oui je trouve aussi que la population a tendance à le flatter sur tout. Cependant je ne parviens pas à savoir si c’est vrai ou si c’est de l’hypocrisie. Prenons son physique par exemple, physique, il n’est pas très…

- Beau ? Faites attention mademoiselle. Vous avez beau tenir des propos à l’égard du prince vos yeux vous trahissent en exprimant tout le contraire de votre pensée

- Absolument pas

A ces mots je rougis ce qui appuya les propos véridique de Wilfred. Après le bal mon cavalier d’un soir m’emmena sur le toit pour admirer les étoiles, petit points lumineux qui berçaient mes rêves. Je me blottis contre lui, faisait comme si nous n’étions que des amis, malgré le fait que je commençais à tomber amoureuse de ce beau majordome. Ah si seulement j’avais su…      

Journal D'une Princesse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant