14 avril
Aujourd’hui fut assurément l’un des pires jours de ma vie. J’étais tranquillement installée en compagnie de Killi, la tête sur son épaule et sa main dans mes cheveux, dans la salle cinéma du palais quand un garde entra à l’improviste, et nous nous redressâmes rapidement, lui faisant face pour qu’il puisse s’exprimer librement. Il demanda à me parler et cela me surprit dans un premier temps puisque la sélection était à peine finie, et je n’avais donc aucun statut particulier en Sicile, autre que fiancée du roi. Ainsi rien ne justifiait une demande d’entretien privé avec un soldat. Je lui signifiais qu’il pouvait parler tranquillement en présence du prince. Malgré cela le garde semblait mal à l’aise, se tordant les doigts et ne parvenant pas à s’exprimer, donc je l’encourageais à parler avec douceur.
- C’est à propos de vos parents mademoiselle…
Ces mots me firent me redresser droite comme un piquet et craindre le pire. J’étais désormais tout ouïe, tout sentiment d’apaisement et de joie m’ayant quitté. Je le pressais donc de poursuivre. Mon fiancé mit une main réconfortante sur mon épaule pour signifier qu’il serait là pour me soutenir quelle que soit la nouvelle
- Nous avons eu des nouvelles du palais argentin par le biais des gardes. Ils…ils ont retrouvés vos parents….assassinés tous deux par balle.
Mes yeux s’agrandirent d’horreur et, me défaisant de l’étreinte de Killian, je sortis de la salle en courant, les lèvres tremblantes et les larmes dévalant sur mes joues. Je courais à travers les couloirs, ne prêtant guère attention aux personnes que je bousculais et je me réfugiais là où je savais que je pourrais me vider l’esprit, m’envoler durant une poignée de secondes. Je pensais que cette plaie ouverte se refermerait un jour mais la perte de parents ne cicatrise jamais totalement.
Point de vue de Killian (exceptionnel)
Voilà maintenant une heure tout au moins que je cherchais Helene, elle était partie si vite après l’annonce du soldat, agissant presque comme une automate, et lorsqu’elle avait rejeté mon étreinte, j’avais compris qu’elle était en train de se décomposer intérieurement. Impossible de la trouver pour la réconforter, personne ne l’avait croisé et les personnes qu’elle avait croisées ne savait pas où elle allait. J’allais rejoindre ma chambre, reportant mes recherches à plus tard pour lui laisser du temps et pour lui donner l’occasion de me rejoindre lorsque ses larmes se seront taries, lorsque je croisais ma sœur qui me lança sur un ton malicieux
- Ça n’a pas l’air d’aller toi, un problème avec ta dulcinée ?
Même si habituellement let ton enjoué de ma sœur me faisait sourire, ce jour-là il n’en fut rien, je n’avais pas le cœur à rire, je ne pouvais être joyaux alors que ma fiancée était en pleine souffrance émotionnelle. Mon ton fut triste, terne, je me sentais démuni face à la situation qui se présentait à moi.
- Je m’inquiète vraiment pour elle. Hel vient de perdre ses parents
- Oh…
Lorsque ma sœur avait entendu la mort de feu le couple royal argentin son visage s’était comme fermé et elle était redevenue sérieuse. Désormais une flamme d’inquiétude brillait dans ses prunelles.
- Mais tu as réussi à la réconforter ?
- Non justement voilà bien une heure que je la cherche, sans succès. Je suis même descendue aux écuries pour voir si elle avait pris son cheval mais rien, Kitty était bien dans sa stalle à manger. Elle est tout bonnement introuvable et je ne sais plus où chercher
- Tu as vraiment regardé partout ? Tu l’as demandé en mariage mais tu n’as même pas remarqué qu’elle utilisait la musique pour exprimer ce qu’elle ressentait ou pour se vider la tête.
Je l’ignorais en effet. J’ignorais que nous avions cette passion de la musique en commun et cette nécessité de l’utiliser lorsque tout allait mal, et le fait que même ma sœur le sache me fit me sentir bête. J’étais la personne avait qui Hélène passait le plus clair de son temps et je n’avais même pas fait attention à ses passions. Je remerciais donc ma sœur et me dirigeais d’un pas rapide vers les salles de musique. Après avoir parcouru le couloir, je vis une pote entrouverte d’où s’échappait de la musique et lorsque je plongeais la tête par l’ouverture, je la vis assise devant ce piano noir, reprenant une musique de Sardou, si triste et pourtant si belle.
Rouge, comme la colère d’un homme quand il voit s’en aller
Rouge tout ce qu’il a construit, tout ce qu’il a aimé…
D’abord silencieux pour ne pas la déranger, pour ne pas la perturber dans cet instant dont elle avait terriblement besoin, je restais dans l’embrasure de la porte puis n’y tenant plus je vins m’asseoir à ses côtés pour jouer un quatre mains. A la fin de la musique, elle la repris puis après cette reprise elle me regarda les yeux emplis de tristesse et de douleur. Aucun mot ne fut prononcé après le retour du silence, elle n’en voulait pas car ce serait admettre que tout ceci était vrai. je lui ouvris simplement mes bras et elle s'y réfugia, s’accrochant à moi comme à une bouée de sauvetage. J’aurais pu lui demander comment elle allait, ce qu’elle ressentait mais je ne l’ai pas fait. A quoi bon, ces questions sont inutiles dans ces instants où l’on est perdu, comme assommé
Reprise du point de vue d’Hélène
Je m’étais bien évidemment réfugiée dans la salle de musique, lieu des mes chagrins, lieu réceptacle de mes tourments. J’avais hésité à aller habiter la bibliothèque mais le cœur n’y était pas, j’avais besoin de musique avant tout, pour extérioriser, pour m’empêcher de hurler à l’univers entier que ce qui m’arrivait n’était pas juste. J’avais d’abord pris un violon pour en jouer mais ça n’eut pour seul succès que de faire gémir ce pauvre violon. Je le reposais donc dans son étui et m’apprêtais à sortir pour aller pleurer dans mon oreiller lorsque mes yeux tombèrent sur le piano noir à queue de la salle, qui semblait m’appeler avec un air doux. Mes doigts effleurèrent les touches manichéennes et je ressentis comme un besoin d’en jouer. Je m’assis donc au piano et laissais mes doigts jouer la musique qui me consolerait ne serait-ce qu’un peu, qu’un instant. Je commençais à jouer les accords de rouge et très vite ma voix vint rejoindre les notes cristallines du piano. Une fois que j’eus fini de la jouer je repris le dernier refrain et le dernier couplet. Je chantais les deux phrases qui me ressemblaient le plus lorsque je sentis sa présence à mes côtés. A mon avis Anne avait vendu la mèche à son frère et elle avait bien fait car j’avais terriblement besoin de lui. Je me décalais donc un peu et nous finîmes la chanson à quatre mains et en duo. Puis nous la reprîmes tous les deux. Les moments qui suivirent et qui clôturèrent cette journée qui avait pourtant si bien commencée m’ont apporté un peu de baume au cœur, même si la plaie restait très ouverte comme si j’avais été calcinée au fer rouge, pour que jamais je n’oublie cet événement de ma vie.
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Journal D'une Princesse.
RomanceHélène, jeune princesse d'Argentine se retrouve fiancée à Killian le prince de Sicile. Qui a dit que derrière cet accord de mariage se cachait uniquement une union? Que se passerait t'il si les sentiments s'y mêlaient? Entre jalousie, rivalité, prob...