Chapitre 19

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18 mars 2022



Aujourd'hui la salle était comble, et encore ce n'était qu'un euphémisme. En effet nous étions à la date buttoir où Killian devait choisir sa future épouse, la date qui mettrait fin à cette compétition entre la princesse de France et moi. Nous étions toutes deux habillées d'une robe rouge feu, la mienne étant plus ou moins authentique à la sienne. A notre côté, sur l'estrade, étaient plantés les drapeaux de nos nations : Julia se tenait à droite du drapeau français et je me tenais à gauche du drapeau argentin. La journée avait commencé à l'aube pour nous puisqu'à peine fûmes nous sortis de nos chambres que nous avions été assaillis par les journalistes. Pour ma part j'avais répondu avec un calme olympien aux nombreuses questions de la journaliste, gardant un sourire que je rêvait de chasser de mes lèvres. Les photos avaient aussi été à l'ordre du jour. Nous avions fait des photos chacune notre tour avec des postures plus ou moins différentes puis deux photos ensemble. Sur la premiere nous avions l'air d'ennemies et sur la seconde nous étions les mains liées, comme pour signer la paix et ce fut l'un des rares instants de cette journée où je pus communiquer avec Julia. Ses prunelles vert d'eau étaient altérés par la peur. Elle n'avait que 16 ans et pourtant elle croulait sous des responsabilités bien trop importantes pour son âge. La salle de la cérémonie était par conséquent noire de journalistes, de photographes, d'élèves, de gens du palais et surtout remplie par les congrégations de France et d'Argentine et c'est à cet instant, par la vision qui m'était offerte que l'angoisse monta en flèche. Je savais de toute manière que je ne pourrais respirer qu'après la cérémonie.


Julia me prit alors la main, comme si elle avait remarqué mon trouble et se tournant vers moi, elle me sourit d'un air timide et s'adressa à moi avec un ton que je ne lui connaissais que très peu.

- Quoi qu'il arrive je suis contente de vous avoir rencontrée votre altesse d'Argentine. J'espère que l'on se reverra, et si ce n'est pas le cas je vous souhaite de rester telle que vous êtes, entière et généreuse comme vous avez su l'être lorsque nous nous sommes côtoyées

- Il en est de même pour moi votre majesté de France

Soudain le silence se fit dans la salle lorsque le couple royal et leus enfants entrèrent. Nous nous inclinâmes bien bas puis nous redressâmes droites comme des piquets en attente du verdict qui se faisait de plus en plus proche. Killian s'avança vers nous, monta sur l'estrade et après un temps qui me parut être une éternité il s'agenouilla devant moi. Je tentais tant bien que mal de cacher mes émotions devant les caméras, rêvant de le serrer dans mes bras, de l'embrasser. J'y parvins avec peine et ce fut donc avec un air qui se voulait impassible que j'écoutais mon prince prononcer avec une voix solennelle la demande en mariage demandée par la réglementation de la royauté

- Hélène Céline Valentina d'Argentine acceptez-vous d'être la reine de la nation de Sicile, de devenir ma femme, de gouverner à mes côtés, de me soutenir quelque soit mon choix, et de respecter toutes mes décisions quelles qu'elles soient ?

Malgré une forte envie de lâcher un soupir face à cette demande tout sauf actuelle, je fis ce qu'on attendait de moi, suivant la procédure qu'on avait pris soin de m'apprendre durant de longues semaines et lâchais d'une voix forte

- Moi Hélène Céline Valentina d'Argentine j'acceptes de devenir la reine de Sicile et la femme de sa majesté le prince Killian de Sicile, héritier direct à la couronne, je promets d'obéir à ses décisions et à respecter ses choix quels qu'ils soient.

A ces mots toute la salle applaudit et Killian se releva pour me passer l'anneau. Je voyais bien qu'il rêvait lui aussi de me prendre dans ses bras mais nous n'en avions pas le droit, du moins pas maintenant. Je lui soufflais les larmes aux yeux que c'était « oui » pour la vie et en retour Il me souffla « merci » à l'oreille. Ne voulant pas nous trahir sur notre proximité précédant cette cérémonie nous convînmes de nous voir plus tard, en privé. Puis se reculant, il alla rejoindre ses parents et sa sœur. Sa mère le félicita avec cet air doux qui lui allait si bien, sa sœur lui sauta dans les bras, faisant une entorse l'étiquette, et son père resta de marbre comme il en avait l'habitude. Julia me prit elle aussi dans ses bras pour me féliciter et elle ne me souhaita que du bonheur. J'étais heureuse, sur un petit nuage mais je ne pus m'empêcher de me demander ce qu'il allait advenir d'elle maintenant que j'allais me marier avec le prince. Lorsque je fus descendue, toutes mes amies vinrent me rejoindre pour me féliciter et nous réfrénâmes toutes notre excitation sinon la salle aurait été emplie de cris de joie aigus.


Une heure plus tard, alors que j'étais en plein appel avec ma mère pour lui souhaiter un bon anniversaire et lui raconter la cérémonie d'aujourd'hui, j'omettais de lui parler du reste car j'ignorais si c'était une bonne idée de lui raconter toutes mes péripéties avec le prince, j'entendis des cris et une porte claquer. Je sortis de suite de l'alcôve où je me trouvais cachée, après avoir rapidement raccrochée avec ma mère, et me précipitais vers la source du raffut. Je fus bientôt rejointe par un petit groupe de soldats, eux aussi alertés par les cris. Plus je me rapprochais, plus les cris s'intensifiaient, et plus cela m'inquiétait, j'avais un sérieux mauvais pressentiment. Je pus de suite remarquer que c'étaient des cris d'effroi, et non des petits cris de plaisirs ou de rire sous la chatouille, c'était bien plus profond que cela. Une fois arrivée devant la chambre d'où provenaient les cris, qui s'étaient intensifiés et qui étaient mêlés de sanglots, j'ouvris la porte à la volée et pus seulement voir un homme, dévêtu de son uniforme qui gisait au sol, s'enfuir par la fenêtre. Prenant les choses en main j'envoyais certains de mes camarades de route traquer l'inconnu dans les jardins.

- Ramenez-le-moi vivant.

Mon ton était sans appel, presque froid mais il était surtout plein de colère envers cet individu qui n'avait, je l'espérait, pas commis l'irréparable. Trois des cinq soldats qui m'accompagnaient, s'exécutèrent les deux autres souhaitant rester avec moi. Je les congédiais bien vite leur demandant à être, un instant, seule avec la jeune femme qui pleurait. Mon regard se porta alors sur le lit et ce que je vis me fendit le cœur. Julia était attachée par les poignets aux barreaux du lit et était à moitié nue, sa robe ayant été déchirée et jetée à même le sol. Ses joues étaient inondées de larmes, ses cheveux auparavant parfaitement coiffés étaient désormais libres et je ne vis que de la frayeur dans ses prunelles, la frayeur d'une adolescente d'être impuissante, privée de tout mouvements, si nous n'étions pas arrivés, elle n'aurait rien pu faire pour se défendre. Les sanglots étouffaient sa gorge et elle ne pouvait que pleurer, peinant à respirer convenablement. Je me dépêchais de défaire les liens de tissus qui l'emprisonnaient, qui avaient été fortement serrés, ce qui avait rougi les poignets de la jeune adolescente française. Pour ne pas la brusquer, je lui ouvris mes bras, tous les mots du monde étant ici inutiles. Immédiatement elle vint s'y réfugier, presqu'avec soulagement. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, sans parvenir à s'arrêter, et je lui caressais le dos en lui chuchotant que c'était fini, que tout allait s'arranger, qu'il ne recommencerait jamais, plus jamais. Une fois que ses larmes se furent taries je lui demandais avec douceur, tentant d'être la plus délicate possible

- Est-ce qu'il t'a...

Je ne parvenais pas à finir ma phrase, ne pouvant pas prononcer à haute voix ce mot si affreux espérait que ce que j'imaginais ne se soit pas produit. A mon grand soulagement, elle secoua négativement la tête comme par peur de l'exprimer tout haut, et lorsque ses larmes eurent disparu de ses yeux, je vis dans son regard que tout son monde était sur le point de s'écrouler. L'idée qu'elle ne reprenne pas sa vie comme elle l'avait laissé me fendit le cœur. Je lui intimais de m'attendre et je revins bien vite avec des affaires pour elle, et une trousse de maquillage pour qu'elle puisse s'arranger et masquer ses yeux bouffis. Lorsqu'elle partis rejoindre sa chambre pour s'y reposer, je composais le numéro de mon prince et le mis au courant des événements. J'avais la voix tremblante et lui demandait de me rejoindre dans ma chambre s'il en avait la possibilité. A peine me fus-je affalée sur mon lit qu'il entra pour être à mes côtés. Je tremblais, choquée par ce que je venais de voir. Il vint m'embrasser avec douceur et à ce contact, les larmes jaillirent de mes yeux, je me sentis coupable de ne pas être restée avec elle, de l'avoir laissée seule une fois de plus, une fois de trop. Killian me prit dans ses bras pour me réconforter mais je me dégageais bien vite. Je n'étais pas la plus marquée par ces événements et je ne voulais pas imaginer dans quel état était Julia actuellement. Nous décidâmes d'un commun accord d'aller la voir et lorsque nous entrebâillâmes la porte nous la vîmes en train de dormir. Malheureusement, ces rêves semblaient être mouvementés, c'est pourquoi lorsque je la vis au paroxysme du cauchemar je la réveillais avec douceur pour pouvoir la rassurer, lui montrer que c'était désormais fini. Le regard qu'elle posa sur nous deux ne pouvait que m'émouvoir, elle avait un regard d'enfant, un regard plein de faiblesse, plein de tristesse et elle avait perdu tous ses repères.


Le soir même, la reine Eadlyn en personne, vint chercher sa fille en catastrophe pour la ramener le plus tôt possible en France, pour qu'elle puisse se reposer chez elle auprès de sa mère. Killian l'avait prévenu à demi-mots des événements survenus cette après-midi et vécus par sa fille, ne voulant pas être trop cru et employer des mots trop violents à entendre pour une mère. Son départ se fit tard dans la nuit afin de ne pas alerter les élèves que nous avions préféré ne pas mettre au courant. Concernant le couple royal, seule la reine nous avait écouté et avait été outrée de savoir qu'un pareil événement se soit produit sous son toit.


Journal D'une Princesse.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant