Mikey x Reader /spécial Bonten/

Chapitre 33

La routine s'était réinstallée. Les jours se succédaient et se ressemblaient : réveil, petit déjeuner, travail avec Koko, pause midi, se fâcher avec Sanzu, travailler, subir les coups d'œil insistants de Laurent, qui m'était que trop reconnaissant pour la faveur que je lui avais rendue.
Et le soir, quand je rentrais dans ma nouvelle chambre, au même étage que Mikey, je ne me sentais pas vraiment à l'aise.

Ok, il m'avait laissé beaucoup d'espace vital. Un appartement à moi toute seule. Et il venait me voir souvent, et je le suspectais de jeter un coup d'oeil à mon lit la nuit. Il me faisait de la peine. Depuis l'autre jour, il ne s'était pas vraiment passé grand chose. Ou plutôt, Mikey avait pris la fâcheuse tendance à me suivre de loin, puis se cachait lorsque je me retournais pour voir qui me suivait. C'était entre l'adorable et le flippant.

Aujourd'hui était un jour spécial. On inaugurait la fin des travaux pour le nouveau bâtiment. Il se situait pas très loin du quartier général du Bonten, mais assez pour ne pas se voir attaquer par des mafieux bourrés et armés.
Laurent sautillait de joie, à croire il attendait ce moment toute sa vie. L'inauguration devait être discrète pour ne pas attirer les regards curieux des passants dans la rue : donc pas de ruban rouge, pas de banderoles ni de défilé de limousines devant.

Quand j'entrai pour la première fois dedans avec tous les autres Hauts Gradés, l'émerveillement se lisait sur nos visages. Tout était tout simplement splendide : les fauteuils en velours et en cuir rouges offraient un confort inégalable, le sol en carrelage noir reflétait les lustres de cristal finement élaborés. Les tables de jeux se distinguaient par leurs couleurs et pouvaient sortir d'un film. Les nouveaux barmans et agents de sécurité attendaient debout et portaient des vêtements richement cousus. Les pauvres hommes se confondaient dans le décor et se tenaient si droits qu'on les remarquait à peine : c'était l'effet voulu.

Dans le fond, je remarquai une pièce plutôt cachée qui renvoyait des spots multicolores. Sanzu avait dû mettre son grain de sel et ajouter un bar à stripteaseuses. À droite, un énorme escalier digne des plus grands palaces montait à l'étage sur les petites salles de poker et les fumoirs (et sûrement quelques chambres vides...).

Sanzu et Rindou, qui étaient là aussi, se jetèrent sur les bouteilles d'alcool derrière le comptoir.

-Revenez ! Cet alcool est super cher n'y touchez pas ! s'écria Koko aux deux énergumènes.

En vain. Sanzu finissait déjà sa bouteille.

-À quelle heure pour la première ouverture ? demandai-je.

-Vingt heures, répondit Kakucho.

Il était 19h38. Nous nous étions laissés une marge de temps exprès pour terminer les préparatifs. Mais tout était si parfait que ce n'était pas nécessaire.

Mikey était venu aussi. Toujours dans ses vêtements noirs, il examinait le nouveau bâtiment d'un air absent et désintéressé. Il se vautra sur un canapé en cuir, la tête en arrière, les yeux fermés. Les bras le long du dossier, les jambes croisées. Sanzu arrêta immédiatement sa débauche et se plaça derrière son Boss.

Soudain, Laurent se glissa derrière moi et chuchota à mon oreille.

-Tu as rempli ta part du marché. Je vais faire de même et oublier ce que j'ai vu et entendu l'autre jour.

Il mima un cadenas sur sa bouche et jeta la clé imaginaire loin, dans un coin sombre de l'immense salle.

-Merci... ça tombe bien que tu sois coopératif, je n'avais pas du tout envie de te tuer, dis-je innocemment.

Un bon coup de pression ne faisait pas de mal pour rappeler mon nouveau grade. Même si je n'étais sérieuse qu'à moitié. Il rit de bon cœur comme si j'avais fait une bonne blague, même si Laurent savait que je ne parlais pas totalement à la légère.

-Je pourrais prendre ça comme une proposition d'amitié...

-Ce serait étrange comme réaction, mais pourquoi pas ?

Je ne croyais pas ça possible, mais son sourire s'étira encore plus. C'était contagieux, car je souris à mon tour, mais dans le coin de mon œil je vis Mikey nous toiser d'un regard noir.

Koko s'excitait aussi tout seul. Grâce à ce casino, les caisses du Bonten vont considérablement se remplir et comme dit le dicton dans le gang : «L'argent du Bonten est l'argent de Koko» ou «l'argent du Bonten est contrôlé par l'intendance », et l'intendance c'est Koko.

-Je sens que je vais adorer cet endroit, dit-il. Je l'aime déjà à vrai dire. C'est grâce à toi [t/p], merci.

-Mais de rien. Tu as une dette envers moi maintenant, dis-je malicieusement.

Son ton enjoué disparu aussitôt.
La demi heure passa très vite. Bientôt, les limousines comblaient les places du parking souterrain neuf, et les hommes en costard affluaient dans le hall, accompagnés de leurs gardes du corps, eux aussi en costard mais avec des oreillettes et des lunettes noirs.

Je me sentais mal à l'aise, surtout que j'étais la seule femme de tout le casino, en dehors des stripteaseuses. C'est peut-être pour ça que Mikey m'avait collé Kakucho aux basques. Lui non plus ne se sentait pas de la fête et pouvait me surveiller tranquillement.

Super. Pas du tout l'impression d'avoir un chaperon sur le dos. Mais j'aimais bien Kakucho, donc ça allait. Koko et Sanzu, comme d'habitude, se tenaient debout de part et d'autre de Mikey, toujours assis.

L'inauguration débuta enfin. Lors de la première heure, personne ou presque ne jouait aux jeux d'argent et préféraient échanger des banalités à couteaux tirés. Puis quand l'alcool et les joints commencèrent à couler à flot, les chefs se lançaient des paris sur divers produits en jouant au poker ou à la roulette, par exemple. Ça marchait plutôt bien, j'étais contente du résultat.

Soudain, je repérai mon grand frère dans la foule masculine. Complètement débraillé et les cheveux en bataille, il sortait du lot. Normal qu'il fut là, c'était un chef de gang aussi. Était-il de notre côté ? Pas sûr. Peut-être. Kakucho servirait de bouclier de toute façon.

Soudain, tout fut bruyant. Je m'amusais avec les invités sans me soucier du reste. J'étais trop naïve. J'aurais dû être plus attentive.
Il était 22h08. Demain, à trois heures du matin, quelqu'un perdrait la vie.