Chapitre 39

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-Salut, sœurette.

Mikey, ligoté aux pieds de mon frère, ses cheveux blancs collés au visage à cause de la pluie, les vêtements trempés et dégoulinants, me regardait fixement sans émotion. Au contraire, derrière, Koko et Sanzu, eux, se tortillaient dans tous les sens pour défaire leurs liens et aider leur chef. Ce dernier insultait et menaçait en vain mon frère qui n'avait d'yeux que pour moi. Les Haitani restaient parfaitement calmes mais regardaient mal autour d'eux. Yosuke pointait son arme contre la tempe de Manjiro.

L'eau commençait à s'infiltrer sous mes vêtements comme je restais immobile de surprise. Mon propre frère venait de kidnapper Manjiro Sano et ses subordonnés, pour de l'argent et surtout, surtout, pour me récupérer ? Chose impossible quand on pense qu'il se foutait de moi étant enfants, avait même abandonné ses charges de grand frère pour s'adonner au poste de chef de gang. J'avais été très triste à l'époque où j'habitais encore chez nos parents. Il ne m'avait jamais appréciée, aimée.

Même le jour où il voulut reprendre contact avec moi, lors de ma gloire à la tête de mon gang, riche et puissante, je l'envoyai boulet et il disparut encore.

Alors qu'est-ce qu'il voulait de moi ?

-On a l'argent, dis-je sans préambule, et sans répondre à ses regards insistants.

Je montrai la mallette pleine de faux billets que tenait Kakucho, lui aussi médusé par la scène.

-Tu sais très bien que ce n'est pas tout. Je veux autre chose. Toi. Reviens.

-D'où cette question : pourquoi ? Que puis-je t'apporter à part la vengeance du Bonten et un peu d'argent ?

-Tu ne comprends pas. Tu m'appartiens. Je suis ton frère alors tu dois rester près de moi.

-C'est vrai que c'était vachement le cas quand tu as quitté la maison. Tu t'intéressais trop à moi à cette époque.

-Ne fais pas celle qui ne comprend pas. Je ne te veux pas toi, mais celle que tu représentes aujourd'hui et tes talents.

-Rendez-nous le Boss et vous aurez l'argent, dit soudain Kakucho en nous rappelant que nous n'étions pas seuls.

-Quels que soient vos raisons pourries, je te suivrai comme convenu, j'ajoutai.

Sanzu avait arrêté de gesticuler et écoutait à présent avec beaucoup d'intérêt. Je me dis que je ne risquais rien, puisque Laurent se dissimulait normalement pas loin et nous sauverait grâce à une attaque par derrière.

-Tant mieux ! Je n'ai aucune envie de me battre à mort contre toi. Avance lentement avec l'argent, et tu pourras t'occuper de libérer ton Mikey personnellement.

Kakucho me donna la malette. Heureusement qu'elle était bien hermétique, sinon l'eau de pluie aurait trempé l'argent. Je manquai de me casser la gueule trois fois à cause de la pluie et de mes talons -ou du regard que Mikey posait sur moi en cet instant-, mais j'avançais tant bien que mal. Tout allait bien. Aucune raison de s'inquiéter.

Enfin arrivée à sa hauteur, mon frère bien-aimé me prit des mains l'argent et désormais les mains libres, je me jetai sur Mikey pour le libérer grâce à un petit canif dissimulé dans ma jarretière. Il continuait de pointer son flingue vers nous pour nous empêcher de faire quoi que soit de dangereux.

Une fois libre, Mikey se leva, fit face à son agresseur de toute sa (courte) hauteur pour le foudroyer du regard. Sanzu restait plus silencieux que jamais. Yosuke me prit le bras pour me rapprocher de lui, et m'arracha le canif des mains pour le balancer à l'autre bout du toit.  Je ne pouvais plus ni m'enfuir, ni revenir en arrière. J'avais fait mon choix. Celui de la sécurité. Je devais me laisser faire, accepter mon sort.

-Libérez les Hauts Gradés aussi. C'était dans le contrat, dit Mikey.

Un subordonné de Yosuke alla détacher les autres gars. Ils rejoignirent Kakucho qui attendait toujours debout.

Que faisait Laurent ? Il aurait dû intervenir plus tôt.

-Ah, j'oubliais, dit Yosuke. Si vous vous attendiez à recevoir de l'aide de ce gamin, sachez qu'il est mort.

Un frisson glacé me transperça la poitrine. J'avais le souffle coupé dû au choc. Non. Impossible. Pas lui. Mes genoux tremblaient, manquant de se dérober sous mon poids. Mais mon frangin me tenait fermement par le bras. Ma respiration se fit saccadée, et je parvins a peine à entendre la suite.

-On l'a jeté par dessus le toit. Un belle chute.

-Espèce de connard !

Je me jetai sur lui. Je pris son poignet droit où il tenait le flingue pour dévier sa trajectoire. C'était une idée stupide car il restait ses subordonnés à côté mais, la mort de mon collègue et ami me mettait hors de moi. Je ne le connaissais pas aussi bien que je l'aurais voulu, mais restait qu'il faisait partie de ma vie.

-Vous allez le regrettez, annonça Sanzu, l'orage dans la voix. Le Bonten venge toujours ses hommes !

Enfin, ses hommes me prirent par les aisselles pour m'écarter de lui. Ma robe était définitivement foutue.

Un son sourd se rapprochait doucement de notre position. En plissant les yeux, un hélicoptère se dessinait sous les rafales de vents et les torrents de pluie.

Alliés ou ennemis ? Le Bonten possédait bien quelques engins mais à la réflexion, personne n'aurait pu appeler des renforts. Cet hélicoptère appartenait à mon frère, c'est certain.

Pire encore : ma montre indiquait deux heures quarante six. Sauf qu'une bombe était sensée exploser dans quatorze minutes. Si cet engin emportait mon frangin et ses hommes au loin avec moi, Mikey et les autres n'auraient pas le temps d'évacuer même si Kakucho les aidait. Et si je les prévenais oralement, ça pousserait peut-être Yosuke à faire quelque chose de désespéré pour leur faire perdre du temps.

-Cet hélicoptère est notre porte de sortie n'est-ce pas, frérot ?

-Exactement.

Le grondement des pales devint assourdissant. Tout le monde reculait en se bouchant les oreilles pour laisser place à l'atterrissage. Yosuke me tenait toujours fermement par les poignets. J'eus une horrible pensée pour Laurent qui s'était brisé les os une centaine de mètres plus bas.

Alors pourquoi je n'arrive pas à pleurer ?

À force de côtoyer le danger auprès du Bonten, mon cœur et mon esprit s'étaient-ils endurcis ? Mes seules pensées étaient pour Mikey, uniquement lui, toujours lui. Mais est ce qu'il ressentait la même chose que moi ?

Alors que j'allais m'envoler au loin avec mon frère, est-ce qu'il ressentait quoique ce soit ?

Oui.

Mon kidnapping il y a quelques semaines à peine avait prouvé qu'il s'inquiétait pour moi : chose rare chez lui.

Le fil de mes pensées s'interrompit quand Yosuke me poussa avec force dans l'engin toujours en marche. Mon corps se heurta sur une banquette. Il monta après moi, et le pilote manœuvra pour s'envoler de nouveau.

-[T/P] ! REVIENS, OU JE TE BUTE MOI MÊME !

Je souris en reconnaissant la voix de mon coéquipier. La porte de l'hélicoptère était toujours ouverte. D'après de vifs calculs, je pensais que la distance ne devait pas encore être trop importante pour atterrir brutalement. Avec le peu de force qu'il me restait, faillant glisser à cause de l'eau de pluie, je sautai hors de l'engin, en plein vol. Yosuke essaya en vain de me rattraper mais ne réussit qu'à déchirer ma robe. Elle était décidément foutue.

Je tombais.

La hauteur semblait bien trop haute. Vingt mètres, peut-être plus. J'allais me fracasser les os sur le toit. Un cri guttural et désespéré me fit perdre espoir. Il venait de l'être que j'aimais le plus au monde.

-NONNNN !

Mikey x Reader /spécial Bonten/Où les histoires vivent. Découvrez maintenant