Chapitre 37

505 90 200
                                    

Fuyant la chaleur humide du début de l'été, les habitants recommençaient à flâner en cette fin de journée ; la fraîcheur du soir se faisait attendre. Takeshi était adossé au mur, bras croisés, dans l'attente que Kaito ressorte de l'armurier. Cette inversion des rôles lui plaisait beaucoup. Le prince, son protégé. Il sourit. Mais cette condition ne le satisfaisait pas pleinement.

Il avait beau aimer être auprès de Kaito, cette tranquillité de vie ne lui convenait pas. Une énergie folle bouillonnait en lui et une immense vide intérieur le rongeait, chaque jour qui passait. Les paroles de Daijiro tournaient sans cesse en boucle. « Cette frustration dévorante qui coule dans tes veines ». Il soupira. Ses nerfs étaient à vifs depuis quelques temps.

— Takeshi ?

— Enfin ! Encore un peu et je mourais ici, se lamenta-t-il.

Le prince leva les yeux au ciel tout en rebroussant chemin.

— Si tu cherches à t'occuper, je peux t'envoyer faire cours aux enfants non-dotés, rétorqua-t-il en lui jetant une œillade de biais.

— Est-ce ma faute à moi si...

Il s'interrompit et détourna le regard.

— Si ?

— Rien.

— J'insiste, tu as l'air d'avoir un poids sur le cœur.

Takeshi le regarda en coin, partagé entre défiance et le besoin de se confier.

— C'est simplement que... je m'ennuie un peu...

— Ha ! Tu t'ennuies ? s'offusqua l'hériter. Je ne pensais pas que ton rôle te lasserait à ce point...

— Ne le prends pas mal, s'il te plaît... s'attrista Takeshi.

— Et ressens-tu à nouveau l'envie de partir ?

Kaito le lorgna. Ce silence gêné ne lui inspirait rien qui vaille.

— Je vois.

— Kaito, je ne te quitterai pas tant que tu auras besoin de moi, jura Takeshi en se plantant devant lui à l'angle d'une rue.

— Car tu te sens obligé d'honorer ta parole.

— Non, parce que je le désire de tout cœur, répondit-il avec un léger sourire.

Le prince le toisa. Au fond, il avait conscience de ses besoins, cet ennui était prévisible et il ne lui en tiendrait évidemment pas en rigueur. Mais le perdre était devenu sa hantise. C'était donc à lui de tout faire pour rendre sa vie plaisante et le distraire. Et sur ce point, fort heureusement, il avait appris à le connaître... Il esquissa un sourire malicieux et releva le menton.

— Peut-être que si je m'appelais Ken Musashi je t'intéresserais davantage ?

— Je... te demande pardon ?

— Tu m'as bien entendu, répliqua-t-il en s'avançant vers lui. Si c'est la violence qui te plait, je peux t'en donner.

— Ce n'est pas ce que...

Kaito le bouscula brusquement. Takeshi en resta bouche bée. Il recula dans la ruelle bordée d'habitations qui descendait jusqu'au lac et subit à nouveau le même assaut.

— Eh bien, l'ennui t'aurait-il rendu incapable de riposter, « jeune prodige » ? gaussa Kaito.

— Si tu cherches à me provoquer, grimaça Takeshi, tu t'y prends bien mal, mon prince.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant