Entre ombres et lumière T1: Le secret des Dieux

Chapitre 50

Takeshi contempla ses cernes dans le miroir d'eau de la grande bassine en bois. Il s'aspergea le visage pour balayer la fatigue de sa nuit blanche et soupira nerveusement. La lueur fébrile de l'aube plongeait la chambre dans une semi-pénombre oppressante. Ou bien était-ce dans son esprit angoissé ?

Il parcourut du bout des doigts la noble tenue qui lui avait été offerte, le lendemain de l'annonce du mariage. Une veste ivoire aux dégradés d'or épousait sa taille ; dans son dos, un superbe phénix aux nuances lilas s'épanouissait, toutes ailes déployées. Une grande épaulette dorée, aux courbes agressives, recouvrait l'entièreté de son épaule droite et des manchettes du même métal protégeaient ses poignets.

Maintenus sous une large ceinture champagne, les pans du vêtement s'ouvraient sur un kimono aux broderies violines. La longueur de la veste flottait sur un hakama, rentré dans des bottes noires à genouillères. Sur ses cuisses reposaient des tassettes en cuir épais accordées à la ceinture, assez légères pour ne pas affecter son agilité légendaire. Pour l'occasion, il avait noué sa fidèle tresse et récupéré son lacet mauve.

Il se mordit la lèvre, coupable. Aujourd'hui, il se battrait auprès de ceux qui le prenaient à tort pour l'un des leurs contre le clan de sa famille. Il agrippa les rebords en bois. Jamais il n'avait encore connu un tel sentiment de malaise. Alors que guerriers en armures se rassemblaient dans la ville et les dotés se ressourçaient dans la nature, lui, faisait face à ses cauchemars. Il se sentait pathétique. Le jeune prodige qui ne craignait personne, tremblant comme une feuille dans la chambre du prince dont il devait assurer la protection. Sous de fières apparences, il mourrait de peur. Et l'angoisse était justifiée, il se retrouverait bientôt face à son père.

Des sueurs froides le firent vaciller. Il ferma les yeux et resserra ses doigts fébriles sur le bois. Ce visage déformé par la haine ne cessait de le hanter. Il caressa sa gorge sur laquelle était imprimé le souvenir de son étranglement. Les limbes. La douleur, les larmes et l'épouvante. Son estomac se noua. L'immense culpabilité de mentir à son prince s'ajouta à la crainte de se faire renvoyer en enfer. Son souffle se raccourcit et ses jambes flageolèrent.

— Takeshi-kun ?

La main de Kaito se posa sur son épaule. En le retournant face à lui, il découvrit la pâleur de son visage et l'angoisse dans son regard.

— Mon amour...

Takeshi inspira profondément.

— Kaito-kun, je ne suis pas à ma place ici. Je ne suis pas comme vous...

— En effet, tu es toi. Et c'est bien pour cette raison que je t'ai choisi.

Il caressa sa joue.

— Je ne me suis jamais battu sur un champ de bataille, comment serai-je à la hauteur des dotés ?

— Tu ne seras pas à leur hauteur puisque tu es déjà au-dessus d'eux. Toi et moi nous sommes battus à mort. Depuis, tu as vaincu mon père, l'an passé. Quelle autre preuve te faut-il ?

— Tu... tu as vu ?

Kaito sourit.

— Tu sais bien que je vois tout...

Bien sûr, le prince Kimura entendait, voyait et savait tout. Tout sauf la vérité cruciale au sujet de son futur époux... Takeshi baissa la tête.

— Tu m'es plus précieux que quiconque, lui confia Kaito. J'ai besoin de toi, aujourd'hui...

Takeshi posa son front contre le sien et l'attrapa par la nuque.

— Je serai auprès de toi à chaque instant, mon prince, jura-t-il. Je te protègerai quoiqu'il m'en coûte.