Entre ombres et lumière T1: Le secret des Dieux

Chapitre 42

Kaito se redressa en sursaut au lever du jour, agité par un énième cauchemar. Il balaya le lit d'un regard anxieux et se pétrifia sur Takeshi. Ce dernier, déjà éveillé, tendit une main rassurante à sa joue.

— Tout va bien.

— J'ai cru que...

— Je suis bien là, cette fois.

Takeshi le rallongea doucement sur le matelas et le blottit tendrement contre lui. Son ton devint soudain plus sérieux.

— Kaito, combien de temps suis-je resté dans cet état ?

— Longtemps.

— Combien ?

— Neuf mois.

Takeshi ne cacha pas sa surprise. Si la période avait semblé longue pour Kaito, en ce qui le concernait, il aurait pu jurer avoir passé toute une éternité au cœur de l'enfer.

— Où étais-tu tout ce temps ? l'interrogea Kaito en s'asseyant face à lui.

Le regard de Takeshi se figea au plafond, hanté par les ténèbres. Depuis les affres de son tourment, il avait vécu la boucle infernale du deuil de sa mère et son frère, gisant dans le brasier. La peine, l'odeur de cendres, les larmes. La souffrance continue de leur perte avait été une part de son enfer. Et lorsque le deuil s'était effacé, il avait laissé place à la terreur et à la douleur.

Les cauchemars l'avaient fait hurler sans que personne ne vienne jamais le secourir. Il s'était retrouvé seul dans le noir, sans moyen de se cacher, harcelé par les illusions et les chocs. La solitude et la peur éprouvées étaient indescriptibles. Puis le sang avait coulé et coulé encore. On l'avait écorché, mutilé et infligé les pires sévices. Une agonie de chaque instant durant une éternité, sans pouvoir en réchapper.

Il avait tant prié pour que l'horreur cesse, mais l'obscurité l'avait persécuté sans répit. Car les abîmes regorgeaient de tortionnaires. Leurs traits s'étaient dissipés à son réveil, mais il se souviendrait toujours de leurs silhouettes monstrueuses et des atrocités qu'il avait subi.

Il ferma les yeux, la gorge nouée, et laissa un long silence s'écouler.

— J'étais dans le pire endroit qui puisse être, murmura-t-il. Un espace noir, sans aucun repère. Le temps n'existait plus, tout était irréel.

Il déglutit, son souffle s'accéléra.

— Le cycle se répétait sans cesse. Entre terreur, larmes et... tortures. Le cauchemar était sans fin. Je pouvais sentir mon propre cœur s'arrêter pour se faire réanimer par un nouveau supplice, encore et encore. Je ne saurais dire combien de fois j'ai supplié pour que l'on m'achève.

Kaito prit sa main et la serra fort. Tout ce temps, il avait été à mille lieues d'imaginer que Takeshi vivait l'enfer sous toutes formes. Il culpabilisa de n'avoir rien pu faire.

— Et puis, ton énergie m'est apparue, au loin dans l'obscurité. Une lueur que j'avais l'impression de connaître. Je savais, au fond de moi, que je n'étais pas censé la voir ni pouvoir m'en rapprocher, pourtant...

Il marqua une pause, perturbé par la sensation.

— Une force étrange m'a permis de glisser vers elle et de lutter contre l'attraction de la noirceur, jusqu'à traverser un mur invisible. C'était comme si j'avais pris conscience que je pouvais m'évader... Comme un cauchemar dont on se croit prisonnier, jusqu'au moment où on réalise que l'on rêve...

Les garçons échangèrent un regard intense. Même si les raisons de ce prodige leur échappaient encore, Takeshi était revenu d'entre les morts, et rien n'importait plus. Il avait désormais besoin de paix et aucun d'eux n'avait de toute manière la force de se tourmenter en vain. Les réponses viendraient en temps et en heure.