Chapitre 56

328 69 94
                                    

Deux portes s'ouvrirent sur une grande pièce aux murs rouges, baignant dans la chaude lueur de l'heure dorée. Un petit homme s'approcha du corps inerte d'un prisonnier qui gisait au pied d'un pilier.

— Prince Kimura...

Kaito battit des paupières. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il écuma de rage.

— Je le savais ! Daijiro, sale traître !

Il se releva pour se ruer vers lui mais fut retenu par une brusque douleur au cou. En reprenant ses esprits, il tâta sa gorge et constata avec horreur la lourde boucle en métal qui l'enchaînait au pilier. La fureur le submergea. Il serra les poings pour faire jaillir son énergie, mais ne sentit qu'un immense vide intérieur. Il contempla ses mains, devenues aussi froides que celles d'un simple humain. Horreur. En forçant sur son corps, un malaise le fit tanguer. Il se prit le front dans la paume. L'impuissance était atroce.

Il fusilla l'espion d'un regard noir et tira sur le lien à s'en cisailler la peau.

— Je vais vous tuer, vous m'entendez ? Détachez-moi ! Je vous ordonne de me détacher !

Le conseiller recula. Il s'était attendu à ce que les plans évoluent, suite à leur échec par la douceur, mais il n'imaginait pas que Musashi aille aussi loin pour attirer Takeshi.

— Allons, allons, calme-toi, Kaito-sama, souffla une voix suave depuis l'entrée de la pièce.

L'espion céda la place à son seigneur et s'effaça dans le couloir.

— Vous...

— Je dois l'avouer, mon cher prince, tu as été le seul à mettre mes projets en péril plus d'une fois. Ta perspicacité est admirable, mais tu es encore loin du compte.

— Vous avez tué la famille de Takeshi ! Vous avez ruiné nos vies, raclure !

— Je vois que tu as retrouvé toute ta mémoire, toi aussi, mes espions disaient vrai, fit paisiblement Musashi. Tu sais, je n'aurais pas eu besoin de t'enlever si ma chère amie Yuna n'avait pas eu l'idée de vous rendre vos...

— Je vous interdis de parler de ma mère ! Elle ? amie avec vous ?

Il cracha à ses pieds, le menton altier. Musashi ricana. Il jeta un regard nostalgique à travers la fenêtre.

— Cher prince, il y a tant de choses que tu ignores... Nous avons eu une vie, avant de vous avoir.

Nous ? De qui parlez-vous ?

— Tsubasa Hatano, ta mère et ton père.

— Ha ! Foutaise !

— Que tu le crois ou non, nous avons passé une partie de notre belle jeunesse ensemble. Nous avions réussi à soutirer notre indépendance à l'empereur, aspirant tous les trois à de fabuleuses conquêtes dans le reste du monde, dit-il, rêveur. Mais vinrent les divergences d'ambitions et la toute première trahison de ton père... Je me retrouvais alors jeune père, seul à élever un enfant en bas âge, tandis que mes deux amis, libres comme l'air, se pavanaient comme de jeunes coqs dans leur grande cité.

Il poursuivit avec un nœud à la gorge.

— Cette paix amère prit fin le jour où Tsubasa assassina mon garçon. Je pensais que ton père se montrerait juste, mais il se rangea aveuglément de son côté et le suivit même dans le massacre de mon peuple.

Kaito baissa un regard contrarié. L'histoire avait beau lui déplaire, tout concordait. Et plus les pièces s'emboîtaient, plus son père le décevait. L'ennemi avait été forgé de toutes pièces par les mauvais choix de deux hommes. Il grimaça, consterné et irrité par l'irresponsabilité de leurs deux pères ; ce conflit personnel avait créé de trop nombreuses victimes.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant