Chapitre 32

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Le conseiller émit un gémissement souffrant en remuant sous la table.

— Mon petit, aurais-tu la bonté d'aller demander un nouveau mugica ? Mes vieux genoux me rendent la vie dure...

Volontaire, Takeshi se leva, abandonnant son bol de thé tiédi sur la table... Il revint une minute plus tard avec le breuvage d'orge roussi. Daijiro l'en remercia puis le regarda finir son propre thé d'une traite.

— Tu as l'air d'apprécier...

Takeshi acquiesça avec un sourire innocent.

— Après cela, que dirais-tu de visiter mon humble demeure ? tenta le conseiller.

Une silhouette se dressa près de leur table. Une silhouette imposante et éclatante par les nuances or de sa tenue. Daijiro retint son souffle et déglutit. Son regard se hissa lentement le long des vêtements, reconnaissables entre mille.

— Kaito-sama ? s'étonna Takeshi.

— Takeshi, mon père te fait demander.

— Oh, j'arrive tout de suite. Veuillez m'excuser, Daijiro-sama.

L'espion se liquéfia, sa jovialité n'était plus qu'un pâle souvenir. Avant d'emboiter le pas à Takeshi, Kaito transperça Daijiro d'un regard noir.

Aussi incapable l'un que l'autre d'entamer une banale discussion, les deux garçons remontèrent en silence le chemin sinueux de la résidence. Lorsque Kaito trouva enfin le courage d'ouvrir la bouche, Takeshi freina l'allure et s'arrêta subitement dans la petite allée.

— Un problème ?

— Je... je ne sais pas.

Kaito s'approcha de lui, le sourcil froncé, et l'examina de plus près. Comme si une maladie soudaine l'avait fauché, il affichait un regard livide et son visage avait blêmi.

— Takeshi, que t'arrive-t-il ?

— Que m'arrive-t-il...

L'inquiétude gagna le prince. Il saisit son bras et l'entraîna jusqu'à sa chambre.

 

Arrivés dans la pièce, il l'accompagna jusqu'au lit.

— Assieds-toi.

Takeshi s'exécuta et s'assit sagement au bord du matelas. Kaito balaya le drapé de sa longue veste pour s'agenouiller à sa hauteur.

— Regarde-moi, dit-il en le dévisageant. Comment te sens-tu ?

Le regard vide de Takeshi se figea dans le sien.

— Comment veux-tu que je me sente ?

Kaito se décomposa. Il ne lui en fallut pas davantage pour comprendre : le conseiller était responsable de son état. Takeshi n'était plus qu'un pantin. Son sang ne fit qu'un tour. Faire surveiller les allées et venues de cette vipère s'avérait vraisemblablement insuffisant.

— Takeshi, qu'est-ce que Daijiro a fait ?

— Daijiro-sama... répéta ce dernier d'une voix monocorde. Daijiro-sama m'a parlé des Kimura... les crimes commis à la Cité Rouge...

Les sourcils du prince se froncèrent.

— Les crimes ? La Cité Rouge ?

— Le massacre...

Kaito resta bouche bée. Son père avait beau refuser d'aborder ce sujet, il savait, grâce à leurs cours d'histoire, que leur clan était jadis entré en guerre contre les Musashi, aux côtés d'alliés. En revanche, jamais les maîtres n'avaient fait mention d'un bain de sang arbitraire ; la barbarie était contraire aux valeurs divines d'Amaterasu. Cette histoire n'était que pure manipulation de la vérité, la volonté de discréditer sa famille était patente.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant