Entre ombres et lumière T1: Le secret des Dieux

Chapitre 48

La grande salle de réception de la résidence se remplissait de prestigieux invités, conseillers comme militaires. Ce soir, les deux patriarches annonceraient l'union de leurs deux enfants aux yeux de tous.

Takeshi s'agenouilla sur un coussin plat, à la longue table des Kimura les plus influents. Les deux chefs de clan honorés étaient à la tête des tables, qui formaient un grand U. En tant que favori de la générale, Naoki était présent, au grand soulagement de Takeshi ; le jeune homme s'installa près de son ami. Le Maître des Flammes, convié pour l'occasion, prit place face à eux, suivi par l'un de ses généraux. Il échangea un regard bref avec Daijiro, assis aux côtés des maîtres et conseillers Kimura. Yuna et ses enfants s'agenouillèrent à la gauche de Kazuhiro.

L'estomac de Takeshi se noua à l'arrivée de Kaito. Celui-ci s'installa à la droite de son paternel, sans un mot pour l'assemblée ni une quelconque attention pour son compagnon – qui le fixait avec insistance. Takeshi ne put s'empêcher de lui lancer des œillades anxieuses, mais Kaito était figé telle une statue de marbre.

Un mauvais pressentiment lui assécha la gorge. Cela faisait des jours que son prince se montrait distant et même désagréable envers lui, jusqu'à finir par faire chambre à part. Il n'avait eu qu'une courte semaine pour trouver un nouvel accord... avait-il échoué à conclure un nouvel arrangement ? Takeshi ne tenait plus en place, sa nervosité était à son comble. Il avait appris à connaître Kazuhiro Kimura. Si Kaito refusait simplement de se marier, le patriarche jetterait sur lui ses foudres. Et cette fureur serait compréhensible, leur survie en dépendait. Aurait-il dû encourager son prince à s'unir à Umi, pour le bien de tous ? Il baissa les yeux, coupable. Au fond, peut-être était-il égoïste ?

Kazuhiro se leva, Takeshi déglutit. Il chercha le regard de son amour. Un simple coup d'œil rassurant aurait suffi, mais ce coup d'œil n'arriva pas. Kaito était-il capable de miser sur le fait qu'il ne pourrait se résoudre à le quitter ? Takeshi regarda Kazu et Kiyoshi. Les deux jeunes gens semblaient plutôt à l'aise, y aurait-il eu une connivence entre frères et sœurs ? Kazu allait-elle être le centre d'un nouvel arrangement ? Il reposa les yeux sur l'héritier.

Comme s'il était étranger à l'agitation de ce monde, Kaito se tenait droit et fier, les paumes rangées sur ses cuisses. Il était une forteresse impénétrable. Pour l'occasion, ses cheveux étaient relevés par une coiffe bien plus imposante ; les très longs pendants d'or qui en réchappaient épousaient, par-dessus sa chevelure, les courbes viriles de ses épaules. Il avait également choisi d'arborer un autre bijou, en plus de son rubis : du cartilage au lobe, son oreille était ornée d'un superbe dragon d'or aux finitions parfaites. Un sublime travail d'orfèvre. Paré des couleurs célestes et dans ses vêtements majestueux, il semblait tout droit tombé des cieux. Un dieu parmi les hommes, dénué de tout intérêt pour le commun des mortels.

Plus Takeshi le regardait, plus il songeait au fait que, lui, n'était qu'une parfaite imposture. Le grand prince Kimura était destiné à un être digne de lui. Comment un prince ennemi, fils héritier de l'infâme Maître des Ombres, avait-il eu l'audace de le séduire ? Il était l'unique traître dans cette réception. Si Kaito lui accordait encore son attention à l'avenir, ce serait déjà là un privilège (bien qu'immérité).

— Mes chers camarades, commença le patriarche Kimura, ce soir, j'ai l'honneur de vous annoncer une grande nouvelle.

— Père, l'interrompit Kaito en se levant révérencieusement. Si vous me le permettez, je désirerais moi-même assumer la charge de cette annonce.

Kazuhiro, surpris, opina du chef et se rassit. Umi échangea un regard empathique avec Takeshi, ignorant tout, elle aussi, de la décision de leur prince ; tous deux avaient été mis à l'écart de l'affaire. Kaito ferma les yeux un instant et serra les dents. Il se redressa, soudain glacial.