Entre ombres et lumière T1: Le secret des Dieux

Chapitre 52

Takeshi avançait dans les airs en plein tumulte. Ses cheveux défaits fouettaient son dos meurtri. Il avait cessé de se débattre, endurant simplement les mutilations infligées. Il baissa les yeux et discerna, à travers la grouillante, les toits de la résidence. Il était peu à peu descendu. La cour familiale apparut à une dizaine de mètres sous ses pieds, Tsubasa Hatano en son centre.

Le chef de clan leva la tête vers son fils et, d'un geste de main, désagrégea la poigne qui le maintenait. Takeshi flotta quelques secondes dans le vide avant de plonger, tête la première, vers la terre ferme. Son souffle se coupa. Il ferma les yeux, tétanisé, mais son corps s'arrêta brusquement un mètre au-dessus du sol. Ses paupières se rouvrirent sur les pavés. Il soupira, le cœur battant à tout rompre.

— Te souviens-tu de cet endroit, fils ?

Tsubasa pointa devant eux le long pavillon de nuit – toujours délabré – qui longeait la cour rectangulaire, autrefois arborée et jonchée de fleurs. L'on percevait à travers les décombres les sols calcinés, les murs noircis et les trous béants dans les façades, grignotées par le feu. Les stigmates du bâtiment gardaient l'empreinte du drame comme s'il datait de la veille. Il se posta devant les murs effondrés d'une pièce, Takeshi flottant à ses côtés. Au centre, les restes d'un matelas.

— Cette chambre-là était la tienne. Celle où Tetsuya, ton bien-aimé grand frère, a perdu la vie, tout comme ta mère...

Ses poings se serrèrent.

— Tout cela par ta faute.

— C'est... c'est faux ! Il y a eu un incendie et...

— Ils étaient hors de danger ! Ce n'est pas l'incendie n'a pas causé leur mort !

Takeshi baissa un regard perturbé. Il avait beau forcer sur sa mémoire, il n'en ressortait qu'un terrible sentiment de malaise. Un effluve vert s'échappa de la main de Tsubasa pour s'élever jusqu'aux narines de son fils.

— Il est temps de te souvenir de ce que j'ai endormi.

  

Dans la chaleur étouffante du brasier, le petit garçon enfouit sa tête sous la couverture, les yeux brouillés de larmes.

— Takeshi-kun !

— Grand-frère !

L'aîné s'engouffra dans une brèche entre les poutres enflammées qui obstruaient l'entrée de la chambre et se précipita vers son petit frère.

— Viens vite avec moi, on doit partir ! Père est venu me chercher pour m'emmener dehors, mais je suis reparti pour aller te trouver.

Les lèvres de Takeshi se mirent à trembler. Tetsuya lui serra fort la main. Alors qu'ils tournaient les talons en direction de la brèche, des planches en feu chutèrent du plafond fragilisé. Les deux garçons se retrouvèrent projetés au centre de la pièce, sans aucune autre issue. Apeurés, ils se blottirent l'un contre l'autre.

— Grand-frère, j'ai du mal à respirer...

Tetsuya regarda le nuage toxique qui descendait et poussa Takeshi à s'aplatir au sol. Riiko Hatano apparut dans le long corridor encombré de gravats.

— Les enfants !

— Mère !

Elle s'élança sans hésitation à travers les flammes et se jeta à leurs pieds après s'être débarrassée de sa robe de nuit en feu. Takeshi fixa les cloques sur ses joues et ses bras.