Chapitre 11

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Le patio familial était le havre de paix privé des Kimura. La sérénité était ponctuée par les timides chants d'oiseaux, perchés sur le cerisier qui trônait entre son entrée et les parcs extérieurs. En position de lotus sur un petit banc de méditation, les deux garçons s'adonnèrent à la plénitude matinale. Une première pour Takeshi, dont l'esprit ne connaissait aucun repos depuis des jours.

Dans sa nouvelle tenue de clan, il se sentait toutefois apaisé. Il avait enfin troqué son habit de disciple pour des couleurs plus chaleureuses. Pour une raison étrange, Yuna avait insisté pour lui offrir un pantalon aux tons violines, surmonté d'un kimono au blanc immaculé et d'une large ceinture brodée du fier soleil d'Amaterasu – gage d'appartenance. Il était désormais libre de vaquer à ses occupations comme n'importe quel autre citoyen.

Kaito profita qu'il eût les paupières closes pour l'admira. La longue tresse qui reposait sur son torse lui conférait un charme particulier. Une coiffure curieusement familière – et fort à son goût... Il sourit. Tout comme la première fois, près de Takeshi, il ressentait une profonde paix. Le contraste avec sa nervosité quotidienne était frappant.

— Grand frère !

Cette voix fluette... Kaito bondit de son banc de pierre et ouvrit grand les bras. Kazu, benjamine de la fratrie, se jeta contre lui et ils s'étreignirent tous deux avec une tendresse qui surprit Takeshi.

— Oh ! Grand frère, tu m'as manqué, s'exclama la jeune femme.

Derrière elle, la mine chaleureuse du cadet apparut.

— Bonjour, mon frère, je suis heureux de te revoir.

— Kiyoshi-kun, votre voyage s'est-il bien passé ?

— Ah ! Le trajet est si long depuis le Berceau du Soleil, geignit la princesse. Je ne traiterai plus jamais Kiyoshi de paresseux.

— Tu me traitais de paresseux ? s'offusqua le concerné, en faux boudeur. Toi qui n'as que dix-neuf ans, tu as l'énergie d'une vieillarde !

Kazu le bouscula gentiment et Kiyoshi lui tira la langue. Kaito lui-même, par quelques gestes taquins, participa à leurs brimades fraternelles. Takeshi n'en croyait pas ses yeux. Le cœur de pierre était capable de plaisanter. Bien que la scène fût émouvante, sa déception était palpable : le prince n'accordait ses joies et sa tendresse qu'aux seuls êtres qui lui étaient chers. Voilà la réalité. Lui, devait rester à sa place...

Les deux frères et sœurs finirent par remarquer l'inconnu, resté en retrait.

— Tu as un invité, Kaito ?

— Mon apprenti.

— Oh, tu as un vrai disciple à toi comme les maîtres ? s'extasia la princesse.

Takeshi s'inclina humblement puis leur offrit son plus beau sourire.

— Je m'appelle Takeshi. Enchanté de faire votre connaissance.

La benjamine fut aussitôt charmée par son charme naturel. Dans sa magnifique robe de soie blanc et doré, sa longue chevelure partiellement remontée par une broche d'or au sommet de son crâne, Kazu le dévisagea de son regard nuageux, aussi intense que celui de leur frère aîné. La délicatesse de son gracieux visage ne devait laisser personne insensible. Un nœud dorsal enserrait sa taille étroite et ses doigts fins étaient presque invisibles sous ses larges manches pendantes. Sur sa poitrine reposait une gemme précieuse, à l'image de sa famille : une opale claire nébulée d'éclats chamarrés. Elle porta une main à ses lèvres, étirées par la malice.

— Tu es vraiment très beau...

Takeshi s'empourpra et baissa les yeux.

— Kazu ! la reprit Kaito. Cesse d'être gênante.

Entre ombres et lumière T1: Le secret des DieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant