1

2.9K 48 13
                                    

Mathieu se réveilla grâce au soleil se levant. Il se frotta les yeux, ébloui, pourtant, appréciant la chaleur sur son torse. L'été était terminé et il avait profité de la fin des festivals pour se ressourcer là où il avait vécu les plus beaux moments de sa vie. Il se redressa pour regarder l'horizon. La porte fenêtre ouverte lui permit de voir le ciel bleu se confondant avec l'océan. Il ne put que se sentir apaisé malgré la peine de se retrouver seul dans ce bungalow. Il attrapa son paquet de cigarettes sur la table de chevet, s'en allumant une, rêvant d'entendre une voix lui demander de l'éteindre. Il se laissa tomber contre le matelas pour regarder le ventilateur de plafond tourner, laissant sa clope se consumer dangereusement entre ses doigts. Les derniers mois avaient été suffisamment hectiques pour qu'il ne se pose pas dans ses pensées solitaires. Toutefois, allongé, là, à l'autre bout du monde, il n'avait plus que sa tête et ses émotions.

Il lui fallut plus d'une heure pour sortir de sa transe et quitter le confort du matelas. Il commanda un repas qui ne tarda pas à venir. Il s'installa sur la terrasse pour profiter de l'extérieur. Il ferma les yeux un instant, les souvenirs glissant sous ses paupières comme des diaporamas.

De leur premier voyage ici pour fuir la police puis de leur second pour fuir Marcus. Il lui avait promis qu'ils y retourneraient ensemble, non pas pour fuir cette fois mais pour profiter seulement. Néanmoins, ils n'avaient pas eu la chance d'essayer.

Lorsqu'il ouvrit les yeux pour se replonger dans l'horizon, il crut être pris d'une hallucination. Il fronça les sourcils tout en se redressant, près à courir si le mirage était vrai. Une femme marchait pieds nus dans l'eau, une paire de sandales dans une main tandis que l'autre empêchait sa robe de s'envoler. Sa peau était beaucoup plus mate mais il reconnaissait cette silhouette sans aucun effort. Ses cheveux bruns étaient plus longs, néanmoins, il n'y avait aucun doute que c'étaient ceux qu'il avait touché encore et encore. Il se mit debout, serrant la rambarde de la terrasse de toutes ses forces tout en fixant cette ombre de peur que s'il clignait des yeux, elle disparaîtrait.

« Lina ! » Il fut surpris de ne sortir qu'un murmure étouffé tant il avait le souffle coupé. « Lina ! » Cette fois, il s'écriait, la panique prenant sa cage thoracique.

La femme se retourna un instant, une main se posant sur son front pour se cacher du soleil et apercevoir qui criait à plein poumons en sa direction. Seulement, elle n'eut pas la réaction attendue. Elle se retourna pour reprendre sa route comme si Mathieu n'avait pas hurlé à cœur ouvert.

« C'est elle. J'suis sûr que c'est elle. » Il fourragea ses cheveux,regardant de droite à gauche tout en cherchant une raison de croire à un rêve. « Il faut que je la vois, putain. »

Il ne prit pas la peine d'enfiler un t-shirt ou des chaussures avant de se précipiter sur le portillon pour descendre sur la plage. Il courut vers la mer, manquant de se tordre les chevilles dans le sable qu'il avait déjà foulé de nombreuses fois avec Lina. La jeune femme disparut derrière une maisonnette et il jura entre ses dents tout en accélérant. Dorénavant, elle n'était plus visible et Mathieu crut devenir fou. Il continua sa course mais rien n'y faisait, elle semblait être devenue un fantôme. Il fit plusieurs tours sur lui même et vu une dame plus âgée.

« Madame ! » Il se précipita vers elle. « Madame ! Vous avez pas vu une jeune femme ? Brune ? » Il posa la tranche de sa main contre son torse. « De cette taille là ? A peu près ? »

« Sorry, I don't speak French. »

« A girl ? Brown... » Il tira sur ses propres cheveux, incapable d'aligner deux mots en anglais. « Putain, j'suis vraiment trop con. »

« Are you looking for someone ? »

« J'en sais rien, j'comprends rien. » Il fit encore un tour sur lui-même, complètement désespéré. « Fais chier putain. » Il s'éloigna de la femme tout en essuyant son visage. « Elle était là. » Il se passa la main dans la nuque avant de rentrer vers le bungalow, ses pieds frôlant le sable frais. « J'suis certain de l'avoir vu. »

Sa cage thoracique semblait le comprimer de plus en plus tandis que sa respiration se faisait sifflante. Ses ongles se plantèrent dans son cou. Lorsqu'il entra, il se réfugia sur son téléphone, essayant d'appeler Lina parce que c'était toujours ce qu'il faisait quand ça n'allait pas, quand il lui paraissait que le monde s'effondrait autour de lui. Toutefois, comme toutes les fois où il avait essayé, le numéro était toujours injoignable. Il préféra alors appeler celui qu'il considérait comme son grand frère.

Antoine répondit dans l'instant.

« J'te manque déjà ? »

« Elle était là. » Il déambula tout en tenant de toutes ses forces son portable. « Lina, putain, je l'ai vue, elle était sur la plage... j-juste en face du bungalow. »

« Qu'est-ce que tu racontes ? Me dit pas que tu as repris l'alcool ? »

« J'te jure que c'était elle. Elle marchait dans l'eau. E-Elle était là... »

Il voulait lui dire à quel point il l'avait trouvé belle comme au premier jour, à quel point il regrettait d'avoir abandonner leur histoire seulement parce qu'il voulait juste se punir d'être lui-même. Toutefois, il en était incapable parce que ça reviendrait à avouer que le monde ne tournait plus sans elle et que, finalement, la vie n'avait d'intérêt que lorsqu'elle était là.

« Écoute, Mathieu... Parfois, on veut tellement que quelque chose se passe qu'on a l'impression que c'est la réalité... mais honnêtement mec... combien de chances il y a que Lina soit en même temps que toi en Guadeloupe ? Une sur un million ? »

« Tu comprends pas... »

Antoine souffla, essayant de convaincre son protégé de tourner la page. « T'aurais dû partir autre part. Cette île... dans ta tête... c'est Lina. Tout te la rappelle. »

C'est pour ça qu'il était là, pour se souvenir et se replonger dans les événements heureux de sa vie. Il voulait se ressourcer, pas oublier. Et, s'il fallait passer par des hallucinations visuelles de son ex petite amie, il était prêt. Mais ce n'était pas de simples illusions, il en était certain. Elle devait forcément être réelle parce qu'ils étaient beaucoup trop connectés pour que le fait qu'ils se trouvent ici, tout deux, soient improbables.

« T'inquiète, c'est bien plus que ça. »

« Appelle-moi, ok ? Si jamais ça va pas, appelle-moi. »

« J'le ferai. »

Il ne tarda pas à raccrocher, l'anxiété encore présente dans sa poitrine. Il ne pouvait croire à un simple mirage. Il pensait à elle, tout le temps, depuis le zénith parisien. Pourtant, pas une fois il ne l'avait aperçue dans la foule ou encore dans les rues. Il avait fallu qu'il se retrouve à l'autre bout du monde, noyé dans sa solitude pour la voir apparaître comme un ange au bord de l'eau. Il regarda par la porte fenêtre une dernière fois avant de se diriger vers la salle de bain, s'arrêtant à la porte tout en repensant à ses gestes romantiques qu'il avait fait pour Lina.

Rien que pour Lina.

Il secoua la tête avant d'allumer le jet de la douche, ressassant toutes les fois où ils avaient pris une douche ensemble pour finir par faire l'amour, mais surtout, toutes les fois où il l'avait aidée tandis qu'elle était prise d'une terreur sans nom. Il pouvait encore sentir l'odeur du shampoing alors qu'il retirait ses vêtement pour se glisser sous l'eau chaude, s'aspergeant le visage pour faire fuir un instant les flashs. Mais il ne fallut que quelques secondes pour qu'ils reviennent. Il s'appuya contre la paroi, rêvant un instant sentir les mains de Lina contre son dos puis se glisser contre son ventre.

« Sors de ma tête, Lina. Juste cinq minutes. »

Phœnix Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant