Phœnix Souls [PLK]

27

Mathieu ouvrit la portière, le cœur battant la chamade. Il avait toujours détesté les hôpitaux. Néanmoins, depuis qu'il avait failli perdre Lina, ce n'était plus seulement une haine mais une réelle phobie.
La brune sortit de la voiture et ne put louper le regard de son petit ami. Elle tenta de lui prendre la main mais il fut plus rapide pour attraper son paquet de cigarettes et s'en allumer une. Il s'appuya contre le capot tout en scrutant l'énorme bâtiment devant lui. Il connaissait ses couloirs par coeur tant il y avait errer des semaines, priant pour ne plus la perdre. Le pire, c'est qu'il avait réussi à le faire quelques temps après.

Devant son mutisme, elle s'installa face à lui, tapotant dans ses baskets avec les siennes jusqu'à ce qu'il les écarte et qu'elle s'installe entre. Elle tira sur sa nuque pour l'embrasser et il se laissa faire, espérant lui même qu'il se sentirait mieux. Il l'enlaça contre lui. Toutefois, l'horreur qu'il avait vu était bien trop réelle sous ses paupières, rongeant son âme entière, que même tout l'amour de Lina ne pouvait l'apaiser.

« Bébé, tout va bien. » Elle posa une main sur sa mâchoire, espérant attirer son attention pour qu'il voit que tout allait bien, qu'elle était bien là avec lui. « Tu veux bien me regarder ? » Il prit la peine de planter ses yeux dans les siens et Lina ne put retenir un froncement de sourcils en les voyant aussi obscures. « Je vais bien. Tu vas bien. On est là pour voir Lucie, et elle aussi va bien. On est là pour une bonne nouvelle. »

« Je sais. »

Il serra la mâchoire tout en se concentrant sur elle. Il voulait lui dire à quel point il ne pouvait pas dormir parfois car les flashbacks jouaient sous ses paupières ou qu'il se réveillait en sursaut seulement pour poser ses doigts sur la carotide de la brune pour vérifier qu'elle était toujours en vie. Il voulait lui dire à quel point il arrivait encore à voir tous ses hématomes ou à sentir le désinfectant et les pansements de l'hôpital. Il voulait lui dire à quel point ça tournait en boucle dans sa tête, à quel point il avait eu peur mais surtout à quel point il culpabilisait de ne pas avoir su la protéger.
Néanmoins, il se sentait égoïste. Dans cette situation, il avait eu la chance de n'être que le témoin.

« J'ai... J'y arrive pas. »

Il secoua la tête, prenant une inspiration profonde. « D'accord, j'vois bien que t'as besoin de parler mais j'suis peut-être pas la bonne personne. » Elle glissa sa main de sa mâchoire jusqu'à son buste. « J'te forcerai pas mais j'aimerais que tu entendes quelque chose. » Elle se pencha pour s'approcher mais surtout quitter ses prunelles trop intimidantes. « Merci pour tout ce que tu as fait. Tout. Du moment où que tu m'as supplié de sortir de la piscine cette soirée-là, jusqu'à aujourd'hui. Crois-moi, j'ai bien conscience de tout ce que tu as fait. T'es mon ange gardien. Et je n'ai pas peur du futur grâce à toi. » Elle embrassa sa joue mal rasée lorsqu'elle le sentit s'abandonner contre elle. Ses muscles se détendaient autour d'elle et sa respiration reprenait un rythme normal. « Mais avec tout ça, je sais aussi que tu m'as fait passer avant toi. Tu as eu la pire place qui soi. » Il voulut argumenter mais le noeud dans sa gorge l'empêcha. « Tu as été le premier spectateur, sans pouvoir agir comme tu le souhaitais. Mais je t'en supplie, n'ait aucun regret parce que j'en ai aucun. Tout m'a ramené à toi et je ne pourrais en être plus comblée. »

Il s'humecta les lèvres tout en regardant le ciel, essayant au mieux de ravaler ses émotions. Il se racla la gorge puis embrassa sa tempe. « Est-ce que je sens la cigarette ? » Elle ferma les yeux quelques secondes avant de lui sourire.

« Tu sens bon, tu sens toujours bon. »

Il retira son pull pour sentir son t-shirt. Inconsciemment, Lina s'humidifia les lèvres tout en l'épiant. « J'aurai pas dû fumer. Si jamais je pends le bébé dans mes bras, elle va sentir l'odeur de tabac. »

Elle ne risqua pas l'effort de le ramener à la raison. Elle tira seulement sur leurs doigts entrelacés pour le faire entrer dans l'hôpital. Elle ne le lâcha pas une seule fois, même dans l'ascenseur bondé, se collant seulement plus à lui et poussant légèrement les autres. Lorsqu'ils en sortirent se fut le même numéro si bien qu'ils relevèrent des regards noirs de plusieurs inconnus. Lina toqua à la chambre et entra après avoir eu l'aval de son amie. Elle se précipita dans ses bras, lâchant enfin Mathieu qui resta immobile à l'entrée.

« Ça va ? »

Lucie grimaça. « Je ne pensais pas que quelques minutes de plaisir allait m'amener à souffrir pendant des heures. » Cependant, son regard s'adoucît en regardant le nouveau né. « Mais je n'échangerai pour rien au monde cette expérience. Je suis sur un nuage. » Lina s'approcha de la petit fille. « J'vous présente Luisa. » Elle passa son doigt sur sa joue, en complète adoration. « Prends la dans tes bras, elle attend que ça de rencontrer sa marraine. » Lina n'hésita pas une seule seconde, la prenant délicatement pour la serrer contre elle. Mathieu n'avait toujours pas bougé, regardant sa petite amie tombée amoureuse. « Polak, approche, elle va pas te manger. »

Il lança un regard noir à Lucie avant d'obéir. Il marcha jusqu'à elle lentement, les jambes en coton. À peine eut il poser les yeux sur elle qu'une injure sortit de sa bouche. « Oh merde. Elle est magnifique. » Son index passa sur le visage de Luisa avant de la laisser enrouler sa petite main autour. « Elle me tient le doigt, regarde bébé... Elle est minuscule. » Son cœur se gonfla d'un amour qu'il n'avait encore jamais connu. Il voulait se recroqueviller sur lui-même pour éclater dans un sanglot tant l'émotion lui prenait le ventre. Il se demanda un instant si son propre père avait eu la même sensation en le voyant naître. Néanmoins, il préféra rire tout en lançant des piques à la nouvelle maman. « Heureusement, elle a tout pris de son père. »

Lucie ricana. « T'es con, c'est pas possible. »

Il ne répondit pas, trop concentré sur la petite. « Bienvenue Luisa. » Lina ne put s'empêcher de sourire grandement avant de l'embrasser.