Phœnix Souls [PLK]

8

Mathieu jeta son portable de frustration sur la table basse avant de se renfrogner dans le canapé. Son ami ne put retenir un rire en le voyant agir comme un enfant attendant le père noël. Mais c'était un peu le cas, il attendait que Lina arrive. Toutefois, le soleil commençait à se coucher et il savait que ses cours étaient déjà terminés. Elle lui avait envoyé un message pour lui dire de ne pas venir la chercher, qu'elle viendrait quand elle pourrait mais l'heure n'était toujours pas venu et il lui semblait que les secondes devenaient des années. Il regrettait presque d'avoir repris cette fausse relation tant il sentait ses tempes bouillonner d'agacement.

« Appelle-la. »

« Non, J'lui ai déjà envoyé un message, j'vais pas lui courir après alors qu'on est même plus ensemble. » Il s'alluma un autre joint, tenté d'oublier la tension par l'alcool qu'avait amené ses amis. « Mais ça me fait chier, putain, c'était une idée de merde. » Il se pencha vers l'avant pour attraper sa tête entre ses mains. « J'suis censé faire quoi, hein ? Elle me pardonnera jamais ce que je lui ai dit. »

« Si déjà, tu lui disais que c'est grâce à toi qu'elle reprend ses études, peut-être que ça jouerait dans la balance. »

« Elle pensera que je veux acheter son pardon...»

«... C'est pas le cas ? »

« Non, j'ai pas fait ça pour ça. J'veux juste qu'elle est la plus belle vie possible, qu'elle atteigne tous ses rêves. » Il se mordit la lèvre inférieure, intimidée par ses propres pensées. « Et si j'peux être à ses côtés, tant mieux, parce qu'elle est la seule chose qui peut un tant soit peu égayer mes jours. »

« T'es vraiment devenue une midinette. »

« Non, je suis seulement réaliste. »

« Eh bah, en tout cas, on va te laisser ruminer dans ta sauce. » Mathieu acquiesça seulement. « Parce qu'on va pas rester ici à rien faire alors qu'on nous attend à une soirée de dingue. Et tu devrais venir. » Son ami haussa les épaules toutefois, le blond refusa. Il n'avait pas osé sortir depuis qu'il avait arrêté l'alcool, de peur d'être trop influencé, d'être trop encouragé à reprendre. Les démons pouvaient aussi se matérialiser par l'humain. Et c'en était la pire espèce. « Tu sais où nous trouver. »

Il n'eut le temps de répondre qu'ils claquaient tous la porte, laissant la noirceur derrière eux. « Votre alcool, putain. » Il se laissa tomber contre le dossier pour regarder le plafond. « Personne ne veut comprendre, c'est pas possible. » Il n'eut le temps de se morfondre qu'on toquait à sa porte. Il souffla tout en pensant qu'un de ses amis avait oublié une veste ou un paquet de cigarette. Il se leva tout en traînant les pieds. « Vous faites chier putain à toujours oublier vos aff... » Il ne termina pas sa phrase, tombant sur Lina, un sourire timide sur les lèvres. « Oh, salut. »

« Je suis arrivée quand ils partaient alors je me suis faufilée. » Il resta immobile devant elle, la scrutant de bas en haut comme s'il ne l'attendait pas. Elle resserra sa grosse doudoune contre elle. « J'peux rentrer ou tu comptes me fixer comme si j'étais un ovni. »

« Je ne t'attendais plus. » Il s'écarta de la porte et elle entra, bouche bée en regardant l'appartement devant ses yeux. Il était simple mais pourtant, il n'y avait aucun doute que Mathieu n'avait plus de soucis d'argent. C'était spacieux, claire et salubre. Il y avait une cuisine séparée de son salon et semblait avoir une chambre de la taille du studio de Lina. Toutefois, ce qui la marqua fut les décorations autour de la musique où se glissait quelques photos personnelles. Elle fut soulagée de s'y trouver. « J'ai déménagé ici, récemment. Je pouvais pas rester chez Antoine indéfiniment. »

« C'est superbe. » Elle déambula jusqu'au salon et ne put retenir sa surprise devant la table basse. Mathieu se pinça les lèvres tout en fixant le sol, incapable d'affronter le visage de Lina. Pourtant, elle ne fit preuve d'aucun jugement. A la place, elle attrapa les bouteilles. « Tu sais ce dont j'ai envie ? Je rêve d'un bain bien chaud. Tu le prépares ? Et moi, je range un peu. »

Il acquiesça avant de prendre la fuite dans la salle de bain. Lina vida l'alcool dans l'évier tout en faisant couler l'eau, espérant que l'odeur disparaîtrait suffisamment pour le confort de Mathieu. Elle se dépêcha de prendre les verres pour faire la même chose. Elle nettoya la table de fond en comble jusqu'à ce qu'aucune trace de ses amis ne restent. Et pour finir, elle sortit son parfum de son sac à main pour asperger la pièce et y camoufler les odeurs néfastes.

Lorsqu'elle arriva dans la salle de bain, Mathieu était déjà dans la baignoire, immergé jusqu'aux épaules. Il avait les yeux fermés et les sourcils froncés comme si les tracas pesaient sur son front. Lina s'avança jusqu'au bord de la baignoire pour toucher ses mèches peroxydées.

« J'ai pas bu, Lin, j'te le jure. » Il attrapa sa main câline pour embrasser la paume.

« Tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais. »

« Tu me rejoins ? » Elle hocha seulement la tête avant de se dénuder sous le regard avide du blond. « Tu fais rêver. » Il tendit la main pour toucher sa hanche, perturbant Lina qui essayait tant bien que mal de ne pas rougir.

« Aide-moi, plutôt, avant que je ne glisse. » Il s'exécuta pour qu'elle rentre en sécurité. « Je me mets face à toi ? »

« Comme tu veux. » Elle s'installa lentement, appréciant la chaleur lui piquer la peau. Il ne perdit pas de temps pour attraper un de ses pieds pour le masser.

« Pourquoi est-ce que tes amis...» Elle fit des guillemets à ce mot et il leva les yeux au ciel, serrant sa prise. « Pourquoi est-ce qu'ils t'ont laissé leur alcool alors que tu as arrêté ? »

« Parce qu'ils ne savent pas tous par quoi je suis passé. » Il haussa les épaules. C'était la réalité, Mathieu ne s'était pas vanté d'avoir gâché sa relation, d'avoir bu jusqu'à oublier son nom, de manquer de se planter en voiture ou encore d'avoir été hébergé par la seule figure un tant soit peu paternel de sa vie. « J'avais aucune envie que ma désintox improvisée soit publique. »

« Je comprends. » Elle leva le doigt pour rétorquer. « Mais ils voient bien que tu ne bois plus ? Enfin, j'en sais rien. Je n'aime pas du tout qu'ils aient fait ça. »

« Oublie ça. » Il mordilla sa cheville.

« Mat ! » Elle libéra son pied. « Laisse-moi profiter du bain. » Elle se pinça les lèvres avant de reprendre. « Et le bain a toujours était notre lieu de conversation. »

« Certes. Mais pas que. » Ses yeux devinrent éclatant avant qu'il ne sa ravise de faire un pas de plus, ceux de la brune n'étant pas aussi envieux. « J'aurais aimé venir te chercher, cet après-midi. »

« Je devais bosser un dossier en binôme mais je suis là, maintenant. »

« En binôme ? Tu t'es fait des copines du coup ? »

« C'est un camarade de classe. Ami, c'est un peu tôt pour le dire mais on s'entend bien. »

« Vous avez bossés où ? » Il ne put retenir une pic de jalousie que Lina balaya d'un geste de main, agacée. « Je demande c'est tout. »

« Comment va ta famille ? » Il souffla, sentant l'air changé au fur et à mesure de leur discussion.

« Bien. »

« Ton père ? »

« Pourquoi tu demandes ça ? » Il se redressa tout en fronçant les sourcils, soudainement sur la défensive. « Pourquoi tu voulais prendre un bain ? Pour faire une enquête ou quoi ? C'était pas ça le deal ! » Il sortit pour se couvrir. « Normalement, on baise et tu te casses. C'est tout. » Lina baissa les yeux, les lèvres pincées et le menton tremblotant, essayant de calmer le remous d'émotions au mieux. Toutefois, il n'essaya pas de réparer ses mots, s'éloignant. « Maintenant, tu peux profiter tranquillement de ton bain. »