Phœnix Souls [PLK]

56

La semaine passa à grande vitesse et à peine l'avaient-ils réalisés que Mathieu se trouvait à Paris pour travailler dans le studio de son ami, Maes.
Il descendit les escaliers pour sortir prendre l'air, l'inspiration lui manquant de toute manière, comme la brune. Il s'alluma une cigarette avant de s'asseoir sur la marche du palier et de l'appeler. Elle répondit en un instant et il regagna son sourire en quelques secondes. Elle était déjà allongée dans leur lit, emmitouflée jusqu'au nez, une capuche cachant ses cheveux. Il était certain qu'elle portait un de ses sweaters.

« Salut miss corse. » Elle pouffa tout en se redressant pour qu'il ait un meilleur visuel sur elle. Elle se recoiffa dans un chignon décoiffé et tira sur le col du pull pour y sentir le parfum. « Prête à dormir ? » Elle haussa les épaules, incertaine qu'elle pourrait fermer les yeux toute la nuit en étant seule. « Je garde mon portable sur moi. Si t'as besoin, tu appelles, j'en ai pour toute la nuit alors hésite pas. » Elle acquiesça. « Et je serai de retour avant même que tu t'en rendes compte. Je pars de Paris à 10h. »

« T'as intérêt sinon je viens te chercher par la peau des fesses. »

Ils se regardèrent en silence quelques secondes, appréciant de se retrouver dans leur bulle un instant. « T'es belle. » Il inclina la tête, plissant les yeux tout en inspirant sur sa cigarette. « T'es vraiment la plus belle. » Il secoua la tête, presque halluciné de se sentir toujours aussi émerveillé, comme au premier jour. Il voulait faire demi tour et l'avoir dans ses bras.

« J'ai commencé mes règles toute à l'heure. »

« Oh. » Il baissa les yeux, ses sourcils se fronçant inconsciemment. « J'sais pas quoi dire. » Il reprit constance avant de la regarder. Elle en profita pour hausser les épaules. Le sujet était clos, enfin, pour le moment. « Alors, bouillotte et tisane ? »

« Cappuccino. »

C'étaient ses remèdes lorsque ses menstruations arrivaient, tant pour les douleurs que pour le remous d'émotions infernal. Le cappuccino était utilisé lors des grandes vagues de sensibilités.
Ils furent interrompus par la voix de Maes si bien que Mathieu ne put lui demander plus de détails. Il n'eut la chance de s'assurer que lorsqu'il raccrocherait, il ne serait pas rongé par l'inquiétude en s'imaginant les pires scénarios.

« Retourne travailler bébé. On s'appelle toute à l'heure si je me réveille dans la nuit sinon demain matin avant que tu partes. »

« Bonne nuit princesse. J't'aime. »

« Moi encore plus. »

Il raccrocha avant de jeter son mégot. Finalement, après avoir retrouver son stoïcisme, il entra dans le studio où Maes était déjà assis devant l'ordinateur. Il prit place à ses côtés, s'assurant une dernière fois que Lina n'avait pas besoin de lui. En réponse, elle lui envoya une photo d'elle, enlaçant son oreiller, prête à s'endormir du côté de Mathieu. Son ami ne loupa pas son sourire idiot et le chahuta d'une épaule tout en riant. Ils reprirent aisément leur sérieux surtout lorsque Walid, de son vrai prénom, regarda l'abdomen du blond. Il avait quitté plus tôt le studio Skyrock ce jour-là, le laissant rentrer après lui. Il n'avait pas été là lors de l'agression. Il n'avait pas été là pour l'aider.

« J'voulais te dire... j'suis désolé de pas avoir été là ce soir là. » Maes se pinça les lèvres. « J'ai pas pu venir te voir à l'hôpital parce que j'étais déjà sur Dubai avec mes filles. Bref, c'est pas une excuse mais... »

« Tout va bien, mec, te prend pas la tête. »

« Comment va ta copine ? »

« Ça reste compliqué. Il lui faut du temps. Parfois, j'ai l'impression que tout va mieux et puis, finalement, on fait un pas en arrière. Tout ce qui a pu se passer depuis quelques années, ça laisse des traces. Mais, elle s'en sort bien, elle est courageuse. » Il vérifia pour la dixième fois en quelques minutes qu'il n'avait aucune nouvelle d'elle. Il était hors de question qu'il loupe un de ses appels ou messages. « Et toi, ta famille ? Tes filles vont bien ? »

« Oui, elles sont les meilleures gosses qui soient. Si on m'avait dit un jour que je serai un daron et qu'en plus j'aimerais ça. » Ils s'allumèrent tout deux une roulée, se renfrognant dans leur siège tout en oubliant complètement leurs objectifs principaux. Ça leur arrivait souvent, au-delà d'être deux rappeurs, ils étaient amis. Leurs similitudes les avaient rapprochés et leurs centres d'intérêt les avaient liés à tout jamais. « Tu verras quand ça sera toi, tu comprendras. » Mathieu ria comme si tout ça n'était qu'une vaste blague. Le destin semblait le ramener à ce futur. « Je t'assure. »

« Comment est-ce que t'as réussi à passer outre ? »

« Outre quoi ? Mes peurs ? » Mathieu acquiesça. « Je ne suis pas passé outre. J'en ai seulement fait une force. Grâce à ça, je fais tout pour être le meilleur père possible. » Le blond baissa la tête, scrutant ses ongles plutôt que les yeux animés de Walid. Celui-ci était heureux et comblé en ayant su accepter son enfance. Lui, s'en sentait incapable. « J'te rappelle que tu voulais pas de meuf avant et que tu voulais pas te prendre la tête avec ça. Tu disais que tu tomberais jamais amoureux. Regarde-toi maintenant. Et avant que tu me dises que tu en es pas un bon, je te demanderai de bien réfléchir. Personne ne te demande d'être parfait mais beaucoup n'aurait pas fait tout ce que tu as fait pour ta nana. »

Il s'humecta les lèvres, hésitant à dévoiler son secret. Et finalement, il craqua. « J'vais lui demander sa main. Bientôt, je pense, j'en sais rien. J'veux le meilleur moment possible. » Son ami approcha avec son fauteuil pour l'enlacer brièvement et le féliciter. « J'en crève d'envie. Pourtant, je trouvais le mariage stupide à l'époque. »

« Y a que les cons qui changent pas d'avis. » Il lui fit une tape dans le dos avant de lui tendre un soda. « Buvons un coup à ça. »

Le bonheur de Mathieu prit la fuite alors que son téléphone vibrait. Néanmoins, il fut rassuré de voir que ce n'était qu'une notification sur Snapchat. Si elle n'allait pas bien, il ne l'imaginait pas lui envoyer un média de cet événement. Il recula son fauteuil pour regarder discrètement mais ne put se retenir de sourire tout en rougissant. Il était cramé et Walid secoua la tête, amusé.

Il verrouilla son téléphone avant de s'allumer une cigarette pour s'occuper les mains.

« Allez, au boulot maintenant. »