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Lina se rhabilla à toute vitesse tandis que Mathieu était debout, en caleçon, les bras en l'air, lisant les messages reçus. Dire qu'il était en colère, c'était minime. Lucie avait envoyé une vingtaine de messages en quelques secondes via un numéro inconnu. Ses mots étaient des plus horribles si bien qu'il hallucinait, pensant clairement qu'il était impossible d'être aussi malveillant. La brune monta sur le canapé mais cette fois, la scène n'allait pas se terminer par une partie de jambes en l'air. Elle essaya de grimper sur lui mais il s'éloigna, continuant sa lecture.

« Donne-moi mon téléphone. » Elle descendit pour le suivre, frappant son torse pour qu'il baisse les bras mais rien n'y faisait. Il était beaucoup trop en rage pour être dérangé par ses faibles coups. « Putain Mathieu ! C'est mon portable ! »

« Arrête ! » Il attrapa ses poignets d'une main pour qu'elle arrête de le déconcentrer. « Hors de question que tu lises ses merdes. J'vais supprimer ses conneries. »

« T'as pas le droit ! » Elle le poussa, criant à plein poumons, ses larmes déjà sur ses joues. Mathieu garda son bras en l'air mais quitta l'écran pour la regarder. « Tu ne peux pas m'empêcher de regarder ! T'es qu'un...abruti ! »

« Trouve mieux comme insulte. » Elle se libéra de sa prise pour croiser les bras contre sa poitrine, loin d'être amusée. « Écoute, à quoi ça sert ? J'vais pas la laisser t'atteindre...Tout va bien, on vient de baiser sur un canapé hors de prix, on... »

« ...Donne...moi...mon...téléphone. » Elle le poussa encore, et cette fois il eut l'impression de recevoir une onde d'électrochoc. Il serra la mâchoire pour retenir ses propres larmes. « J't'ai déjà dit d'arrêter de vouloir me protéger en me cachant la vérité. »

Il secoua la tête, rêvant à ce moment qu'elle change d'avis. Mais elle resta sur ses positions, tendant sa main vers lui. Alors, il céda, se refusant de la décevoir. Il lui donna son téléphone et elle prit place sur le canapé. Elle le déverrouilla et tomba immédiatement sur les messages. Mathieu, lui, s'appuya contre le bureau, incapable de lire une nouvelle fois ses mots mais surtout de voir le visage de Lina se décomposer. Il s'alluma une cigarette pour occuper ses mains plus que pour fumer. Il l'entendît inspirer grandement et sût qu'elle se retenait d'éclater en sanglot. Finalement, elle éteignit son portable, l'abandonnant sur le canapé, avant de quitter la pièce.

« Lina... » Elle ne répondit pas, se dirigeant vers la cuisine tandis qu'il la suivait de près, sensible à la moindre défaillance pour l'empêcher de s'écrouler. Néanmoins, elle resta stoïque, préparant la cafetière puis sortant deux mugs. « Tu vas vraiment faire comme si de rien était ? »

« Tu veux que je fasse des croissants au four ? » Elle n'attendit pas de réponse pour sortir des viennoiseries surgelées et d'allumer le four. Elle lui tendit une tasse de café et embrassa sa joue comme si la matinée se déroulait normalement. Néanmoins, il la vit se trahir lorsqu'elle sortit la plaque brûlante à main nue. Malgré la douleur, elle ne la lâcha que lorsque Mathieu la força à l'abandonner sur le comptoir.

« Putain...merde...Lina. » Il attrapa sa main pour l'examiner. Sa paume était déjà rouge et pourtant, la brune ne semblait avoir aucune réaction. Elle se libéra, essayant de reprendre son activité mais il l'empêcha, attrapant son poignet pour passer sa brûlure sous l'eau. « Fais chier. Tu fais chier, merde, Lina. »

« C'est rien. Laisse. C'était à peine chaud. »

« Non, c'est pas rien. » Il fit demi-tour dans le studio pour prendre le téléphone tandis qu'elle continuait de cuisiner. « Tu veux que je te les lise pour que tu comprennes un peu mieux ou t'es complètement devenue insensible à l'horreur ? » Il déverrouilla une nouvelle fois le portable. « J'ferai absolument tout ce que j'ai en mon pouvoir pour te détruire. Tu pensais avoir souffert ? Et bien prépare toi à ce que je vais te faire parce que t'as tout gâché. T'es la pire personne que je connaisse et pourtant j'en ai connu des monstres. J't'avais tout donné mais t'es vraiment une salope, égoïste et... »

« Arrête. »

« Je connais chacunes de tes faiblesses. Et je sais où tu habites et aucun quartier de bourge ne pourra te protéger de moi... »

« Je t'en supplie, Mathieu, arrête. » Elle ferma les poings et les yeux, griffant sa brûlure pour accentuer la douleur. Elle ne supportait pas d'entendre ces mots sortant de sa bouche. « Je sais ce que t'essayes de faire mais arrête. S'il te plaît. » Elle rouvrit les paupières face au silence. Il reposait le portable sur l'îlot sans la quitter du regard avant de s'avancer vers elle. « Je ne la laisserai pas envahir mes pensées. Tu comprends ? » Il acquiesça. « J'ai conscience qu'elle a tous les avantages pour me faire du mal mais je ne la laisserai pas faire. »

Il l'enlaça sans manquer d'embrasser son front. Il savait qu'elle se mentait à elle-même, son comportement n'avait rien de normal. Personne ne réagissait ainsi, à faire des croissants et du café, lorsqu'on les menaçait d'anéantissement. Et, surtout aucune personne dans un état normal terminait par prendre une plaque du four à main nue, sans réagir. Cependant, malgré les signaux d'alertes, il n'insista pas, déposant seulement ses lèvres inlassablement contre son cuir chevelu. De toute manière, la réalité était bien là et quoi qu'il arrive, il n'était pas certain de pouvoir y changer quelque chose.

« Rien t'arrivera. »

« J'sais. » Elle abandonna ses bras pour reprendre ses croissants tandis que lui se décida à supprimer les messages pour éviter que Lina n'en fasse une obsession. Seulement, même s'il effaçait les traces physiques, les mots de Lucie s'étaient suffisamment ancrés dans le cœur de la brune pour ne plus avoir besoin du téléphone.

« Quand j'serai en tournée, j'aimerais employer une société de sécurité ici. »

Elle s'humecta les lèvres et il crut repartir dans un conflit. Pourtant, ce fut l'inverse. « C'est une bonne idée. »

« Vraiment ? » Elle haussa les épaules.

« Je crois que c'est le mieux. Je n'ai aucune envie de revivre une quelconque agression et Lucie est complètement folle. Je sais de quoi elle est capable. » Il embrassa sa tempe pour la remercier. « Par contre, j'veux que ta propre sécurité de tournée soit au courant de la situation. Hors de question que je te perde. J'peux supporter les pires douleurs mais pas celle de te perdre. » Il l'enlaça, acceptant par ce geste. « Et elle le sait. Elle sait comment me détruire. Tu es ma principale faiblesse. »

Phœnix Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant