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Lina lissa son tablier avant d'attraper son téléphone tout en s'écriant à Lucie qu'elle sortait prendre l'air. Depuis quelques jours, la brune semblait ne pas réussir à se sortir de la torpeur dont son ex l'avait laissée. Chaque parcelle de sa peau semblait à vif mais surtout en manque d'une chaleur particulière. Son esprit était ailleurs. Il était incapable de se centrer sur les clients ou sur la récente histoire de son amie avec le barman - qui était beaucoup trop idyllique pour qu'elle n'en ait pas la nausée.

Elle prit place à la même chaise, espérant y voir le blond la rejoindre comme par enchantement. Elle se renfonça dans le siège pour regarder son écran et ne put retenir un hoquet de surprise en lisant ses mails. Lucie arriva en trombe, la cuillère à glace encore dans une main.

« T'es dingue ou quoi ? » Elle lui tapa la crâne avec le dos de l'ustensile mais Lina fut incapable de réagir déjà trop éprise émotionnellement. « Qu'est-ce que t'as ? »

« Ils me reprennent à l'école d'infirmier, Lucie. » Lina fronça les sourcils. « Ils disent que ma demande a été acceptée. »

« T'as fait une demande ? »

« Justement, non. » Elle ne put retenir l'émotion, fermant les paupières tout en collant son téléphone à son cœur. Ils lui laissaient encore une chance, sûrement une dernière mais une. « Quelqu'un a monté un dossier pour moi. »

« Mathieu ? » Lucie en était certaine, ça ne pouvait être que lui pourtant la brune haussa les épaules, incertaine de vouloir croire qu'il l'aimait encore suffisamment pour faire un truc aussi aberrant. « Ça ne peut être que lui, non ? Tu devrais aller le voir. »

« Tu crois ? » Elle se redressa, tenant le nœud de son tablier.

« Je te couvre, fonce. »

Elle n'attendit pas une seconde pour retirer son costume et courir vers le bungalow. Le trajet ne dura que quelques minutes pourtant il lui sembla durer une éternité. Elle toqua avec toute vigueur, le souffle coupé et les crampes dans les mollets. Toutefois, elle fut surprise de tomber sur une femme de l'hôtel qui nettoyait la chambre, complètement vide.

« Bonjour, excusez-moi... »

«... Qu'est-ce que vous faites ici ? »

« Où est l'homme qui logeait ici ? Mathieu Pruski ? »

« Il est parti avant-hier. » La femme haussa les épaules, peu touchée par la détresse de Lina. « Plus tôt que prévu mais on n'a pas su pourquoi. »

Elle ne prit pas la peine de répondre, préférant s'éclipser. Elle erra sur le sable jusqu'à s'échouer devant la mer. Elle attrapa une nouvelle fois son portable pour voir si elle ne rêvait pas. Néanmoins, le mail était toujours là et tout ce dont elle avait essayé d'oublier lui revenait à la figure, tous ses anciens rêves tout comme tous ses anciens cauchemars. Mais ce que ne savaient pas ses démons, c'était que plus personne, ni plus rien ne pouvait l'atteindre dorénavant. Elle pianota sur son écran tout en espérant que son message interpelle suffisamment Mathieu pour qu'il réponde. Elle n'eut le temps de verrouiller son téléphone qu'il l'appelait.

« Tout va bien, Lin' ? » Son ton était sans aucun doute inquiet et Lina s'en voulut d'apprécier.

« Ça va...enfin je crois. » Elle plia son bras libre pour serrer de toutes ses forces son biceps opposé, espérant oublier le manque par la douleur. « T'es parti parce qu'on a couché ensemble ou parce que j'ai été accepté dans l'école infirmière grâce à toi ? »

« T'as été accepté. » Il se racla la gorge. « T'as fait une demande ? »

« J'ai pas fait une demande, quelqu'un l'a fait pour moi. J'croyais c'était toi. »

« Non, je ne suis pas assez malin pour penser à faire ça Lina. » Elle l'entendit railler. Elle était persuadée qu'il était dans son studio, tournoyant sur son fauteuil avec une cigarette entre les lèvres. Typique. « Et je ne suis pas parti parce qu'on a couché ensemble. Ça aurait été une putain d'erreur. Une énième. »

« Pourquoi alors ? »

« J'ai des trucs à gérer ici, au studio, et tout. »

« D'accord. »

« Lina. » Elle entendit son briquet s'actionner. Il était tendu, elle le savait. Néanmoins, elle s'en fichait, elle était beaucoup trop blessée par son départ pour faire comme si de rien était. « J'ai adoré, j'adore et j'adorerai toujours coucher avec toi. Et si on avait pu le refaire avant que je parte, j'aurai été le plus heureux des hommes mais je dois rattraper mon retard. »

« On ne couchera plus ensemble. » Il pouffa et elle se détendit enfin. « Même si je rentre sur Paris à la rentrée, on ne fera plus rien. »

« On verra, miss. » Elle ne prit pas la peine de répondre, sachant très bien qu'il n'avait pas tort. « J'suis ravi pour toi, sérieux. Tu le mérites. »

« Merci. »

« Préviens-moi quand tu es de retour, tu pourras passer. » Elle se pinça les lèvres, sentant chaque cellule de sa peau accepter. « Et t'as intérêt à venir voir Enzo et mamie. Ils demandent plus de tes nouvelles que des miennes. Et sinon, donne-moi en pour qu'ils arrêtent de me harceler ou de me dire que j'ai fait la pire erreur de ma vie. »

« La pire erreur de ta vie ? »

« Laisse, c'est ce qu'ils disent. » Elle n'insista pas, préférant se redresser pour retourner au glacier. Lucie devait sûrement attendre des nouvelles. « On apprend de ses erreurs. »

« Il paraît. »

« J'dois te laisser. » Elle continua son chemin tandis qu'il fermait les yeux, la tête appuyée contre son fauteuil, se concentrant sur chaque bruit de l'autre côté. « C'était un plaisir de t'entendre, comme toujours. On se revoit bientôt, ok ? »

« Ok. »

« Et puis, j'suis vraiment content pour toi. T'es déjà la meilleure infirmière que je connaisse...alors avec un diplôme j'imagine pas. »

« Merci Mat. » Ils restèrent silencieux, incapables tout deux de raccrocher. « Puisqu'on est dans les confidences, j'suis heureuse que tu ailles mieux. Enfin, tu as l'air d'aller mieux. »

« Je vais mieux. Je te remercie. »

« Ok, super. »

« Ouais. » Ils soufflèrent simultanément. « Bon, fais attention à toi, ok ? Salut. »

Cette fois, il n'attendit pas qu'elle parle, ne supportant plus la montée de tension et préférant être le premier à y mettre fin.

Phœnix Souls [PLK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant