Phœnix Souls [PLK]

35

Antoine entra dans le box de Mathieu. Cela faisait déjà cinq jours qu'il était là, immobile, tout comme Lina qui semblait collée à son siège et à la main du blond. Il avait essayé par tous les moyens de la faire sortir de cet hôpital mais elle savait que c'était aussi leur donner une chance de l'emmener loin de son petit ami. De toute manière, il lui était impossible de le quitter des yeux plus de quelques minutes, seulement pour se laver au lavabo ou aller aux toilettes. Le manager déposa un sac de vêtements et un sachet plastique contenant un plat chaud pour la brune avant d'embrasser le front de son protégé. Il jeta le sac d'hier, non entamé.

« Je l'ai rasé ce matin. » Il acquiesça, la mâchoire serrée. Antoine avait perdu ses mots depuis cette agression. Il passait en coup de vent pour apporter à manger mais il ne supportait pas de rester, de voir celui qu'il considérait comme son petit frère, ainsi. « Et je l'ai vu froncé les sourcils quand je l'ai fait, je crois qu'il n'a pas apprécié. » Elle se redressa pour caresser ses cheveux.

« Il appréciera encore moins de savoir que t'es là. »

« Personne ne va venir m'agresser ici. »

« On va pas encore se disputer. » Il s'approcha d'elle pour poser sa main sur son épaule. « De toute manière, je ne peux pas non plus te sortir d'ici sans ton accord, au risque de me faire arrêter. » Il embrassa son crâne. « J'y vais. Mange, s'il te plaît. Il peut me pardonner que tu sois là mais pas si tu perds du poids. » Elle acquiesça seulement, s'inclinant vers lui pour ressentir un peu de chaleur humaine. « On est là pour toi, tu sais. On t'aime. »

Elle acquiesça et attendit qu'il sorte du box pour pleurer. Elle était épuisée tant physiquement qu'émotionnellement. L'absence de réponse de Mathieu devenait de plus en plus insupportable. Elle avait tout essayé, les baisers, les caresses, la musique, la discussion mais rien n'y faisait. Il n'avait aucune réaction comme si son corps était là mais plus son esprit. Et c'était ça le pire, elle rêvait d'entendre son rire ou de sentir ses mains la serrer mais à la place, elle n'avait que ses souvenirs. De plus, les visites étaient très rares. Enzo était beaucoup trop jeune pour voir son frère ainsi et sa grand-mère ne passait que lorsque son propre fils souhaitait voir le sien, ce qui était minime. Les amis de Mathieu passaient de temps en temps mais, ils n'étaient pas vraiment un soutien de la brune tandis que ses propres copines étaient beaucoup trop sensibles pour rentrer dans le box sans pleurer.
Une infirmière, Alice, entra, du linge de bain sur les bras. Lina la connaissait bien maintenant, elle avait fait partie de celle qui trouvait toujours les mots pour la réconforter et elle l'appréciait pour ça.

« Bonsoir Lina. » Elle lui répondit par un sourire avant de regarder de nouveau son petit ami. « J'prends mon poste. Comment il va ? »

« Toujours inconscient. »

« Les examens sont bons. Il faut juste du temps pour qu'il se remette. »

« Je sais. Traumatisme crânien grave, cinq plaies profondes, hémorragies internes et externes, contusions multiples. » Elle plissa les draps sur lui. « Mais il peut aussi ne pas se réveiller, c'est une possibilité. Il peut rester comme ça jusqu'à mourir de vieillesse. » Puis elle embrassa ses lèvres, goûtant à ses propres larmes. « Son corps se réparent de jours en jours mais pourtant, il n'a pas plus de réactions comme s'il ne ressentait plus rien. » Elle caressa sa joue, appréciant sa douceur. « C'est comme s'il n'était plus là. Et c'est horriblement douloureux mais pourtant, j'peux pas me retenir de le regarder et d'espérer. Tout me manque chez lui, absolument tout. Son enveloppe corporelle n'a rien de lui quand il ne la fait pas vivre. »

« C'est la chose la plus dur pour les familles. Mesurer l'espoir. » Lina acquiesça. « Ce qui aide, c'est aussi de sortir de l'hôpital. »

« Hors de question. »

« Je savais que tu allais me dire ça. D'où mon cadeau. Serviettes. Gant de toilette. Shampoing et gel douche. » Elle secoua les produits devant les yeux de Lina. « Viens avec moi, je t'emmène à nos douches. T'en as pour cinq minutes et tu te sentiras un peu plus fraîche parce que là, tu fais peur à voir. »

« Tu parles souvent aux familles comme ça ? » Lina se leva néanmoins pour sortir des vêtements du sac amené par Antoine.

« Seulement à celles qui passent jours et nuits ici et qui ne se lavent pas. » Alice ne cacha pas son sourire en voyant la brune se dérider un peu. « Allez viens. »

Lina prit sa douche en quelques minutes, ne prenant aucun plaisir, encore moins le temps de penser. Elle ne voulait pas prendre le risque de s'aventurer dans sa propre tête au risque de s'écrouler et de ne plus se relever. Mathieu avait besoin d'elle.
Elle s'habilla d'un de ses pulls et d'un legging  avant de rejoindre le box. Elle ne manqua pas de lever son pouce à l'infirmière pour la remercier avant de refermer la porte. Elle déposa ses affaires avant de s'approcher du lit. Les paupières closes, il semblait toujours aussi paisible. Elle ne put se retenir de caresser son visage tout en évitant les contusions et hématomes de peur qu'il en souffre.

« Bonne nuit, mon amour. » Elle déposa ses lèvres légèrement sur les siennes. « Je t'aime. » Elle préféra arrêter ses tendresses vaines pour se reposer dans le fauteuil, se recouvrant d'un plaid. Les nuits ici se ressemblaient. Les lumières et les machines ne s'arrêtant jamais l'empêchaient de dormir malgré le manque de sommeil. Néanmoins, elle ne s'en plaignait pas, aucun inconfort n'était pire que son absence. « Antoine est passé ce soir. Il m'a ramené des vêtements et il a pensé à mettre tes pulls dedans. Je crois qu'il en avait marre de me voir avec l'autre. » Elle se nicha sous la couverture tout en regardant le visage de Mathieu. « Ou peut-être que je commençais à sentir mauvais. » Elle secoua la tête. « L'infirmière m'a proposé une douche donc je suppose que c'est plus cette option là. » Elle essuya ses joues déjà remplies de larmes. « Je l'ai prise cette douche mais honnêtement, bébé, elle n'a pas du tout la même saveur sans toi. » Elle s'humecta les lèvres avant de se frotter les yeux. « Est-ce que je peux te proposer quelque chose ? » Elle attendit quelques secondes comme s'il allait soudainement répondre. « J'peux réarranger la chambre ? J'veux dire, c'est un peu chez nous et... » Elle se leva pour pousser son fauteuil jusqu'au lit de Mathieu. Elle tira la table de chevet à l'autre bout. « Et si tu es décidé à rester dans ce lit alors je vais m'approcher parce que je peux pas dormir si loin de toi. » Elle enjamba l'accoudoir pour se blottir de nouveau sur le siège. Cette fois, elle put attraper sa main et poser sa tête à côté de la sienne. C'était une position inconfortable, pourtant, elle était beaucoup mieux ici. « Reveille-moi quand tu ouvres les yeux, je reste là, en attendant. »