Épilogue 1 : Partie 1 - Ilyès 2/7

52 5 39
                                    


— Ilyès. Me pardonnera-t-il de crever comme ça ?

...

...

Ilyès ouvrit les yeux. Le retour à la réalité fut bien trop brutal, trop douloureux. Il fut dur de simplement respirer, de simplement revenir, être là, être lui. Il lui fallut un moment pour reprendre conscience, totalement, pour que tout fasse sens. Quel putain de cauchemar atroce ! Il se passa la main sur le visage. Les larmes n'emplissaient pas que ses yeux, mais sillonnaient ses joues. Ilyès ne souhaitait à personne, même pas à ses pires ennemis de vivre ça. Tout avait été si vivace, semblait si réel. Même lui. Surtout lui.

Ilyès. Me pardonnera-t-il de crever comme ça ?

Presque trois ans déjà et Ilyès ne lui pardonnait toujours pas en effet, d'avoir disparu.

Qu'il aurait aimé, simplement, ne pas bouger de son lit, ne pas affronter une nouvelle journée, une qui lui rappellerait bien trop le vide en son sein. Mais quel choix avait-il ? Rester dans ce lit et vivre les réminiscences de ce cauchemar, d'un pan de sa vie qu'il lui avait à jamais refusé ?

Ilyès se força à se lever, d'avancer sans trop se perdre dans ses pensées. Ce qu'il avait appris à faire de mieux. Il avait côtoyé un maitre dans la matière, pas assez longtemps.

Il frotta sa joue, passa sa main dans sa barbe en même temps en se demandant s'il devait la raser. Torse nu, habillé d'un simple bas de pyjama, il se traina plus qu'il ne marcha jusqu'à sa salle de bain, activant au passage l'ouverture automatique de ses volets, de cette chambre qui était la sienne depuis trois ans, une pièce sobre que tous qualifiaient de moderne où deux murs étaient des rangements intégrés. Un lit bien trop grand pour lui seul était l'unique mobilier. Il n'avait pas déménagé à la mort d'Andréa comme il l'avait menacé dans les derniers jours de l'homme chauve mourant. Ici ou ailleurs, qu'est-ce que ça changeait ? C'était un endroit de toute façon où il n'était pas...

Il fit face à son reflet et devant l'image qu'il lui renvoya, Ilyès ne put que fermer ses yeux verts emplis de larmes. Contempler son désarroi était plus dur que simplement le vivre. Jusqu'à quand devrait-il éprouver cette douleur qui lui saisissait la poitrine ? Lui coupait la respiration ? N'était-ce pas supposé s'apaiser ? N'était-ce pas ce qu'ils lui promettaient tous, qu'elle lui promettait ? La paix que seul le temps pouvait lui prodiguer, où était-elle ?

— Ilyès, je ne sais pas ce que tu prévois avec Martin, mais il m'a bien fait comprendre que...

Il n'écouta pas.

Un homme blond à la vingtaine bien entamée débarqua ainsi avec cette familiarité qui était la leur, avec une pile de dossiers en main qu'il ne quitta pas des yeux en lui listant tout ce qui méritait son attention sous peine que le monde ne s'écroule. Niel était le seul qu'il autorisait à pénétrer dans ses quartiers. Devant certains de ses troubles, il n'avait pas pu refuser à son assistant leurs accès après une énième fois où il avait perdu conscience.

Puis il n'en avait plus eu l'envie. Niel était un des seuls qui le traitait avec un semblant de normalité, qu'il ne terrifiait pas ou qui ne l'idolâtrait pas. Le jeune homme l'avait fait au début, mais il avait bien trop vu la loque vivante qu'il était pour continuer de le faire.

Ses yeux se levèrent de son dossier pour se planter dans les siens, à travers ce miroir. Niel ne finit pas cette phrase qu'il avait commencée. L'inquiétude fut placardée sur son visage bien trop doux et il se précipita vers lui.

— Ça ne va pas ?

Que pouvait-il dire ? Dans tous les cas, il mentirait. Il y avait peu qu'il pouvait cacher à un homme là pour l'aider au quotidien. Il aurait aimé garder ce genre de faiblesse pour lui, pouvoir au moins prétendre devant le monde qu'il parvenait à fonctionner. Il était difficile d'avoir constamment ce masque placardé. Beaucoup était dupe. Niel... en revanche...

Pénitence & Réminiscence : ÉpiloguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant