3 | Excès de gloire

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🩰 ANABELLA 🩰
Paris, Opéra national de Paris. 

Clic. Un flash m'aveugle alors que je reste de marbre devant l'objectif d'un des photographes les plus célèbres de ce milieu. Des bribes de conversations bourdonnent autour de moi, l'odeur du cocktail mélangée à la bonne humeur des artistes bombe mon cœur de fierté.

Je suis ici, dans une des fêtes artistiques les plus réputées, immortalisant ma présence dans ce lieu convoité. Je laisse mon empreinte entourée de tout ce que j'aspire. Gloire. Beauté. Puissance. Ces mots dégoulinent par cette grande atmosphère qui revigore mon envie d'embrasser l'art.

Après avoir négocié avec mon patron, j'ai quitté mon poste de nuit à la galerie dans laquelle je travaille - bien que danseuse de ballet me rapporte déjà pas mal - et j'ai rejoint Malo chez lui. Nous nous sommes préparés comme il le fallait et nous voilà enfin devant les marches du grand escalier, posant devant les journalistes sur le tapis rouge.

— Devant un appareil, on est censé sourire, Ana, se moque Malo, un bras autour de ma taille, et une main dans la poche de son pantalon à pinces.

Je hausse les épaules et lève le menton pour prendre de l'allure. Clic.

— Tu me fais ce reproche parce que tu sens à quel point je prends toute l'attention des photographes, n'est-ce pas ?

Il rit, étirant un peu plus son sourire parfait. Clic.

— Je suis désolée pour toi, continué-je en le regardant dans les yeux, histoire de changer de position pour la presse. Tu sais, le charisme et le charme sont deux combos parfaits qui s'alignent parfaitement sur mon visage, surtout quand tu ne souris pas et que tu fixes avec un brin de mystère la caméra.

Clic.

Ne pas sourire et seulement fixer autrui avec une expression indéchiffrable me confère une supériorité et un pouvoir que j'adore déguster. C'est jouissant.

Il roule des yeux.

— C'est vrai, tu es belle ce soir.

Cette fois, c'est moi qui roule des yeux.

— Épargne-moi tes compliments et préserve-les pour Esmée.

Instinctivement, il ferme les yeux et rougit, tel un enfant prit la main dans le sac. Clic.

— Tu sais que tu resteras ma préférée.

Je lui lance mon coude dans son ventre, ce qui le fait glousser. Je ne suis pas jalouse des femmes ou des hommes qui fréquentent, mais savoir que j'ai une place importante me rend mesquine. Notre lien presque fraternel passe avant tout.

— Une dernière, s'il vous plaît ! nous demande le photographe, accroupi dans une position inconfortable.

Notre attention se concentre de nouveau sur lui. Pour le bouquet final, sûrement mon dernier cliché de ce soir, je décide d'offrir le meilleur de moi-même. Je prends une moue séductrice, un regard malicieux, puis mets en valeur ma poitrine de mon décolleté en cambrant légèrement mon dos où ma chute de reins naturelle se révèle. Ma robe près du corps en soie verte et la fente dévoilant ma jambe droite ne font qu'embellir ma personne.

Se cacher derrière la superficialité et l'égoïsme de soi est l'arme la plus secrète qu'il soit. Clic. Paraître confiante et belle pour piéger les plus ignorants. Clic. Mentir et montrer que l'on s'aime pour ne pas se faire écraser. Clic.

Comme si mes paroles intérieures avaient atteint le cerveau de l'homme derrière son appareil, ce dernier se lève un court instant, me donnant raison et intérêt. Ses yeux admirateurs, brillants d'étonnement, flânent sur mon visage puis les courbes de mon corps. Malo resserre sa prise autour de ma taille. Je me sens alors moins oppressée, moins moi-même.

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