21 | Mélodie fiévreuse

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🎨 DEVON 🎨
Paris

Deux heures du matin. Une insomnie d'artiste me captive.

Peindre la nuit est le seul moment où je me laisse dominer par mon esprit macabre. La peinture prend en otage ma cervelle dans un tourbillon de couleurs et de sensations exquises. Les pinceaux, outils de mon art, m'empoignent le cœur pour modeler, de leurs poils, des courbes et des formes diverses dans un entortille d'âmes ensevelies. Les toiles se tachent, se créent, se transforment en des représentations ensorcelantes.

Comme une drogue, l'illusion des âmes qui rôdent autour de moi me fait vibrer. J'hallucine des tableaux que j'aimerais peindre. Je tremble d'émotions.

Je tremble d'Anabella.

J'inspire longuement, ma spatule faisant un mélange dans le but de créer un vert de vessie parfait. Si en tant qu'âme de peintre, je n'avais pas cette méthode sacrée de ne pas peindre avec du noir pur, j'aurais déjà rempli mon œuvre de cette couleur sombre. Au lieu de ça, je m'enquiquine à trouver la teinte idéale avec des alliances de tons. Il a fallu que la couleur noire soit celle qui cache la vibrance et l'élégance des couleurs entre elles. Il a fallu que la couleur noire, dans l'art de peindre, soit celle qui brise la magie des tons et celle qui est qualifiée de fade.

J'aurais aimé rendre la bulle dansante d'Anabella noire et horrifiante. Je souris devant cette pensée parce que je sais que j'y arriverai quand même. Je vais la rendre funèbre et réaliste.

De ma main libre, je tourne et retourne les pages de mon carnet, cherchant la parfaite représentation d'Anabella pour ma toile. Je cueille ce qu'il y a de bon dans chacun de mes croquis pour former un chef-d'œuvre sensationnel. Mes doigts caressent le papier granulé, mes iris plongent dans l'univers que j'ai créé à ma ballerine, mon cerveau fuse d'idées.

Je craque ma nuque de droite à gauche puis je peins. Je passe mon pinceau sur la grande toile en lin. Je suis mes coups de crayon que j'ai effectués il y a quelques heures et je laisse le cours de mon imagination s'infiltrer dans mes veines. Le calme résonne autour de moi. Je reproduis ma muse, sa passion et son ombre. L'ombre de ses démons et de ce qui semble la détruire chaque jour. Elle pense le cacher, mais je l'ai vu. Encore plus aujourd'hui devant ce Dixon.

Il a déjà eu l'emprise sur elle. Elle a réagi trop vite, trop brusquement, trop à fleur de peau pour ça.

Ma mâchoire se serre et le pinceau se heurte de plus en plus fort contre la toile. Je contracte mes doigts autour de mon matériel. Mes traces se font plus violentes et la danseuse représentée se perd dans un brouillard terrifiant. Je vais immortaliser son âme et ce qu'elle masque. Je vais peindre, elle, Moonfall, dans tous ses états d'âme. Je suis possédé. Je suis avalé par l'univers. Les Dieux m'implorent de peindre ma muse, mon ange, mon étoile. Mon cœur se met à matraquer ma cage thoracique et une sueur glacée trempe mon cou.

Tu ne devrais pas t'intéresser autant à elle ! m'accuse ma conscience shootée.

Il est trop tard pour ça. J'ai son sang nocif dans la peau.

Je découvrirai qui est Dixon et je lui ferai hurler ses actes passés envers Ana pour le faire périr entre mes mains. Il jurera ses péchés et mourra parmi la honte et le désespoir. Il vomira son sang et toute sa dignité. Je l'ai déjà fait, ça ne sera pas difficile.

Mon débardeur se tache de peinture rouge comme un signe des cieux. Avec une expression sur mon visage que je devine inhumaine, j'essuie mes doigts sur mon jogging et je retire mon vêtement pour rester torse nu. Je souris.

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