41 | Aller de l'avant

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🩰 ANABELLA 🩰   
Cimetière

« Naomy Ricci. 2000-2020. Notre étoile dansante partie trop tôt.»

Des éclairs me tombent dessus. Il y a de l'orage. Il pleut. Il fait froid.

L'anxiété me fait serrer les poings. Accroupie devant la pierre tombale de ma meilleure amie, je lève doucement les yeux vers le ciel gris qui me fait face. Oui, il pleut. Et je suis trempée. Je ne sens plus mes membres, je ne sais même pas combien de temps je suis restée figée devant le granit gravé.

Un torrent de larmes veut s'échouer sur mes joues. Mon cœur n'est plus qu'une éponge qui aimerait se désinhiber.  Peut-être que je pleure, je ne sais pas, mais mes jambes ne soutiennent presque plus mon poids. Mes genoux tombent alors violemment dans la boue et je plaque mes mains sur la surface froide qui me fait face.

— Je suis désolée, tête de nœud. Je suis désolée Naomy. Pardonne-moi.

J'avale ma salive pour effacer la faiblesse de ma voix. Un sanglot m'étrangle et je ferme les paupières pour essayer de contrôler ma respiration. Les regrets inondent mon cerveau. Je ne suis jamais venue ici. Jamais. Je ne suis pas venue à son enterrement. Principalement parce que mon père me l'a interdit, mais aussi parce que j'étais une lâche et que je n'aurais pas été capable de voir sa famille s'effondrer alors que tout était de ma faute. Tout ce que j'avais fait était de contacter ses parents qui n'avaient pas émis un mot avant de déménager six mois après la perte de leur fille pour essayer de faire leur deuil plus rapidement. Et depuis, je crains que personne ne vienne voir Naomy. Les seules fleurs qui jonchent sa pierre ne sont que la mienne et celle de Malo. Les yeux rouges, je me retourne vers mon ami, capuche à la tête, qui m'attend un peu plus loin. Il m'a accompagnée, je le lui ai demandé et il n'a pas hésité une seconde avant d'accepter. À quelques mètres de moi, il hoche la tête en m'encourageant et un sourire incurve ses lèvres. J'inspire profondément et détache mon regard de son visage. J'ai encore du mal à me confier et parfois il m'arrive de vouloir le repousser, mais j'essaye de changer, de m'ouvrir. J'essaye de ne plus me laisser souffrir. Je fixe de nouveau l'épitaphe dorée et déglutis.

« Notre étoile dansante partie trop tôt.»

Je suis certaine qu'elle danse même dans l'au-delà. Je pince mes lèvres à cette pensée. Ô comme elle me manque... Son visage se dessine devant moi quand je presse les paupières et mon cœur s'accélère. J'ai commis une faute impardonnable : l'appeler alors qu'elle était sous drogues. Je n'étais pas au courant, certes. Mais c'est tout de même moi qui l'ai entraînée. Une lancinante douleur me capture et mon pouls s'accélère. Je passe mes mains sur mon visage pour repousser mes cheveux mouillés.

— Pardonne-moi, Naomy, murmuré-je alors encore une fois.

Je caresse une dernière fois la pierre froide, un sourire fébrile aux lèvres alors que les gouttes d'eau me tombent dessus encore et encore, camouflant ma tristesse. Je prends de profondes inspirations et expire aussi lentement que je peux.

— Je crois que je suis prête à aller de l'avant... Je crois que je suis prête à laisser le passé. Mais, je ne t'oublierai pas pour autant, je te le promets.

J'ignore si je suis réellement capable de prendre ces initiatives, mais j'en ai envie et selon Malo, c'est tout ce qui compte. Voilà maintenant trois semaines que mon secret n'en est plus vraiment un et voilà trois semaines que j'ai l'impression qu'un changement doit se faire. Je ne suis plus obligée de me cacher derrière un masque et j'ai bien la sensation qu'il faut que j'avance. J'ai eu le déclic après avoir repris goût à la danse contemporaine. Aller au Conservatoire avec Devon m'a fait remonter des souvenirs, des moments joyeux, mais surtout mes propres rêves, mes propres envies.

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