Nectar Of Gods

16 | Croquis décalqué

🎨 DEVON 🎨
Paris.

A-t-elle eu une enfance difficile ? Est-ce qu'elle a été rejetée ? Est-ce qu'elle se sent incomprise ?

Anabella. Anabella. Anabella.

Et si elle n'avait vraiment personne ? Et si, elle avait été obligée de compter sur elle-même depuis sa naissance ? Cela justifierait son caractère renfermé, méfiant et son envie de réussir. Comme... Comme si elle avait besoin de prouver au monde entier qu'elle peut se débrouiller seule. Qu'elle a le pouvoir et qu'elle est parfaite.

Anabella. Anabella. Anabella.

Besoin de montrer sa supériorité.

Manque d'attention, d'amour, de soutien.

Comportement défensif, besoin de se protéger, constamment.

Le mépris, l'ambition, l'amour de soi.

Anabella. Anabella. Anabella.

C'est un schéma complexe qui se dessine dans mon cerveau face à l'analyse de sa personne que j'essaye d'établir depuis samedi. Elle me ressemble, on est comme des flammes jumelles, comme deux miroirs, se renvoyant nos vices. Je me demande si ce qu'elle a vécu est similaire à ce que j'ai pu vivre.

Anabella. Anabella. Anabella.

Moonfall accapare toutes mes pensées, toutes mes journées, toutes mes nuits, au point de me rendre dingue. Je la vois de partout, comme un putain de drogué qui a besoin de sa dose pour atténuer les effets secondaires. Je ne peux nier que l'attirance impure que j'ai pour elle me prend aux tripes. C'est nouveau, mais merde, qu'est-ce que c'est bon. Grâce à elle, la peinture n'a jamais été aussi présente dans ma vie en si peu de temps. Ma danseuse se fond dans le décor de ma vie sinistre et c'est stimulant parce qu'aucune des femmes que j'ai pu rencontrer n'est aussi maline et fascinante qu'elle. Elle représente tout ce que je désire.

Il n'y a que ma belle étoile.

Et ce sentiment masqué qui m'empoigne la cage thoracique.

Elle va m'anéantir, un jour ou l'autre.

Mon crayon de papier dans entre mon index et mon pouce, j'esquisse son corps dans mon carnet déjà bien rempli. Après l'inlassable retournement de feuilles, j'écris, à côté de chaque dessin, les émotions qui me prennent en otage. Mots et illustrations se chevauchent et mes doigts noircis tachent les pages vierges. La prochaine étape sera de mettre sur toile toutes ses particules d'œuvres. Oh, que j'ai hâte. Il me tarde de voir vivre Anabella de mes doigts. Je dois d'ailleurs la revoir, ça fait trop longtemps que son esprit vif est éloigné de moi. J'ai besoin d'aspirer sa complexité pour le projet, plonger dans sa conscience pour faire ressortir son inconscient et l'inspecter de tous les côtés.

Mais j'ai peur de devenir trop dépendant d'elle, alors je repousse notre prochaine entrevue. Je veux avoir le contrôle, pas me perdre comme elle avait réussi à le faire au Paloma's Palace.

— C'est elle que tu peins, pas la danseuse, Dev.

Le souffle de ma sœur au-dessus de mon épaule me fait sursauter. Son regard de vipère glisse sur mon croquis et je referme mon carnet dans un geste sec pour l'empêcher de voir plus. S'il y a bien une personne qui me connait par cœur, c'est ma petite sœur et je la déteste pour ça. Elle arrive à me manipuler à sa guise parce qu'elle sait comment je suis. Et le fait qu'elle ait pu voir ce que j'ai forgé dans mon esprit d'artiste pour Anabella me fait paniquer.

Je presse les paupières. Mon cœur bat la chamade, comme un enfant prit la main dans le sac puis je décide de me calmer pour la fusiller du regard alors qu'elle part s'installer derrière son outil de travail à côté de mon manageur. Elle sourit, fière d'elle, je grogne. Si elle n'avait pas été ma sœur, je l'aurais étranglée.