26 | Tapis rouge

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🩰 ANABELLA 🩰
Paris, Musée du Louvre.

Apparemment, lorsque notre regard se concentre sur une étoile en particulier, les autres s'émoussent au point de disparaître. Il ne reste alors que celle que nous avons choisie de contempler, qu'elle soit la plus brillante ou pas, tout ce qui l'entoure s'assombrit et elle devient la seule source de lumière.

Et je crois que c'est ce que j'ai ressenti en l'embrassant. Son baiser m'a réconfortée. Oui, j'ai trouvé du réconfort, un réconfort si puissant que je n'entendais plus mon cœur appeler à l'aide. Depuis que Devon est entré dans mon cercle de vie, plus rien n'est pareil.

Conneries. Tu te suffis à toi-même. Tu n'as besoin de personne, souviens-toi.

A cette voix stridente qui hurle au tréfonds de mon âme, je ferme les yeux pour effacer l'étoile que je fixe depuis que je suis entrée dans la limousine. Vingt-quatre heures après avoir perdu le contrôle avec Devon, c'est en direction du Louvre que je le retrouve assis à mes côtés. Mes bras se couvrent de chair de poule en l'entendant respirer, chacun de mes sens est développé au point où tout ce qu'il fait me parvient. Je le sens se redresser, je le sais m'observer. Si hier, le désir qui nous avait consumés était explosif, ce soir, elle est meurtrière. Ce que dégage de Devon n'est que mauvaise intention. Je le sens, je vois cette brume austère qui m'englobe depuis que je suis à ses côtés. Rien de bon et de sain ne s'y échappe. Devon et moi on se salirait mutuellement si on en venait à suivre nos désirs. Putain, et qu'est-ce que j'aimerais m'y jeter tête la première.

Deux sentiments contradictoires et qui, pourtant, ont souvent l'habitude de combiner ensemble, me submergent : la colère et le désir.

Je suis en colère contre lui et sa manière de voir en moi. Tomber nez à nez avec son œuvre a été comme un homicide volontaire. D'accord, je devais m'y attendre, mais pas à ce point. Pas au point de vouloir vomir mes tripes en m'ayant vue nue à travers des coups de peinture. C'était réel. C'était complexe. C'était moi.

Tu ne t'es pas assez protégée.

L'embrasser avait été la seule solution de ne pas flancher dans les ténèbres et de ne pas le tuer de mes propres mains. Merde, j'ai aimé ça. Sa chaleur m'enveloppait, ses lèvres caressaient les miennes, sa peau contre la mienne... Tout était trop fort.

Assis tous les deux dans la limousine spéciale pour l'événement privé, la tension est à son maximum. Je n'ose respirer trop fort, il ne fait aucun mouvement. Nos genoux se percutent à chaque fois qu'on roule sur un dodane parce que monsieur a décidé qu'écarter ses jambes était approprié. Il le fait exprès, ce salaud. Je déglutis et fixe la ville nocturne défiler à travers ma fenêtre pour oublier toute cette frustration stockée en bas de mon ventre.

Ce soir, nous allons inaugurer une nouvelle exposition au Louvre. C'est un honneur de faire partir des invités privilégiés. Les réseaux ne font que d'en parler : des personnalités publiques, des artistes incontournables viennent assister à cette nouvelle ère et le public réclame déjà des retours de l'événement. Après tout, ça fait si longtemps que le grand musée de Paris n'a pas eu de renouveau. Je ferme les yeux.

Papa me verra dans la presse, sera-t-il fier de moi ?

« Devon Russel, le célèbre peintre sans émotion aux côtés de sa muse Anabella Leroy » fera un bon titre pour les médias. C'est aujourd'hui que je me dévoile au monde artistique et je trépigne d'impatience. Le succès, la gloire, tout ce que je souhaitais sont prêts à m'accueillir. Demain, je danse le rôle principal à l'Opéra. Ce soir, j'assiste à la richesse d'un lieu unique. Parfait, tout est parfait.

Aujourd'hui, je m'incarne. Demain, sur scène, j'incarnerai celle qui m'a toujours épaulé. C'est gagnant-gagnant. J'y gagne et je la fais ressusciter le temps d'une représentation... Je lui fais plaisir de là où elle me regarde... Je...

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