22 | Ambition accérée

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🎨 DEVON 🎨
Paris

— Tu te la tapes ?

Les glaçons qui s'entrechoquent dans mon verre de whisky s'arrêtent brusquement quand la voix de mon ami perce mes pensées. Les sourcils froncés, je tire une dernière taffe, prends une gorgée de mon alcool avant de laisser choir mon mégot dans le liquide ambré restant. La fumée s'élève fébrilement. Détournant mon regard de ma toile, je pose ma boisson sur mon chevet et tourne la tête vers Jim qui décapsule une bière, assis à ma table de cuisine.

— Bella, tu te la tapes ? répète-t-il sans me jeter un coup d'œil, dans un geste extrêmement insolent.

Je serre la mâchoire. Je déteste qu'il entre dans ma tête de cette façon. Me faire sentir comme une merde pour que j'expulse tous mes secrets. C'est une méthode qui a toujours été efficace, mais que j'ai réussie à cerner et à me protéger.

— Bella ?

— Anabella, je veux dire.

Je reste sans réaction pendant quelques secondes, essayant de comprendre ce qu'il vient de me dire avant de capter. Jim vient-il de donner un surnom à Anabella ou je rêve ? En plus, un surnom que personne n'utilise. « Ana » ? OK. « Bella » ? Pour quoi faire ? Surtout qu'ils n'ont aucun lien de relation. Ils se sont peu parlé depuis le début du projet.

Irrité, je me lève de mon fauteuil pour le rejoindre. Je passe une main dans mes cheveux mi-longs et me force à ne pas serrer les poings.

— Ne me fusille pas du regard comme ça, Dev. Tu vas prendre feu.

C'est ton visage qui va cramer, connard.

Il ose encore me provoquer, je n'y crois pas. Pour simple réponse, je lui donne un tape contre le dos de sa tête et il ricane méchamment en m'adressant un clin d'œil.

Jim est venu me rendre visite il y a une heure pour parler business et pour me faire chier comme le beau rôle d'ami-manager qui lui est consacré. Je suppose que c'est ça, de mélanger vie privée et vie professionnelle : voir débarquer son manager chez soi, en jogging, avec des questions salaces plein la bouche et son visage d'enfoiré. Il m'assure le succès, mais chie sur ma vie personnelle.

— Pourquoi est-ce que tu penses que je me la tape ?

Son sourire au coin s'élargit à ma question.

— Peut-être parce que tu te touches la lèvre depuis une bonne dizaine de minutes tout en fixant la belle danseuse sur ta peinture, comme un putain de pervers.

Instinctivement, je me lèche cette dernière. Un frisson parcourt mon dos, comme une lame aiguisée qu'on passerait sur ma colonne vertébrale. J'avale difficilement ma salive.

Ouais, ça fait deux jours que j'essaye de deviner le goût de ses lèvres sur les miennes dont elle m'a privée. Depuis notre excès de folie, tout ne tourne pas rond au fond de mon âme. Je regarde mon piano et des images pleines de luxures font disjoncter ma cervelle. Rien que de penser à elle, la chaleur, le désir et l'excitation s'emparent de mon corps. Je sens encore son petit corps sur moi, ses cheveux me caresser et ses doigts m'étrangler. Je revois sa poitrine rebondir, ses joues rougir et ses lèvres s'entrouvrir. J'entends encore ses gémissements, ses insultes et ses soupirs.

— Je ne me la tape pas. Jamais. C'est ma muse.

— Oh, t'entends ?

Il fait mine de tendre l'oreille, le visage concentré avant de pouffer.

— Tous les peintres connus rigolent dans leur tombe. Ils ont tous baisé leur muse, Devon.

— C'est bon, t'as fini ? C'est Leonora qui t'envoie pour me rendre barge ?

Nectar Of GodsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant